Retour

ARTICLE 1426

ETATS HYPOTHECAIRES.

Révélation des inscriptions de privilège ou d'hypothèque.
Indications à fournir en cas de demande de renseignements sommaires.
Notion de montant initial en principal au sens du I-a de l'article 42 du décret du 14 octobre 1955.

Arrêt de la Cour d'Appel de Versailles
(1° Ch. I° sect. du 13 décembre 1988)

Faits. - Statuant sur l'appel interjeté contre le jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 26 novembre 1986 rapporté au bulletin (art. 1354), la cour d'appel de Versailles a rendu un arrêt comportant entre autres les motifs suivants :

"Sur la responsabilité de Monsieur Jacquemin

"Considérant qu'en application de l'article 42-1 du décret du 14 octobre 1955, le conservateur saisi d'une demande de renseignements hypothécaires sommaires, fournit, suivant le cas, un certificat négatif ou un état sommaire comportant uniquement pour les inscriptions d'hypothèques, la date, le volume et le numéro de la formalité, la désignation du titre de créance, et le montant initial en principal de la créance, ainsi que, le cas échéant, la nature et la date des mentions marginales ; qu'il en résulte que la responsabilité de Monsieur Jacquemin serait engagée si la somme de 91.760 F d'intérêts report capitalisés afférente à l'inscription de 2° rang du 2 octobre 1974, prise au profit de la CFEC-UCB est considérée comme faisant partie du montant initial en principal de la créance ;

"Considérant que les époux Brainos avaient souscrit le 6 avril 1974 un contrat de prêt différé prenant effet le 1er mars 1978 pour arriver à extinction le 1er août 1989 et portant sur un capital de 124.000 F qui devait leur être attribué le 1er septembre 1984 ; que désirant réaliser leur opération sans attendre l'attribution du capital souscrit, ils ont obtenu dès le 1er septembre 1974 un crédit d'anticipation de 124.000 F ; que toutefois, pour alléger les charges de remboursement des emprunteurs, les organismes prêteurs ont accepté un report partiel d'exigibilité des intérêts dus du 1er septembre 1975 au 1er avril 1984 ; que ces intérêts reportés, remboursables par mensualités à compter du 1er septembre 1984 ont été capitalisés et évalués à la somme de 91.760 F ; que dans l'acte de prêt, les époux Brainos ont affecté hypothécairement leur propriété de Bourdonne à la garantie de paiement de "la somme principale de 124.000 F, montant du crédit d'anticipation, et de la somme de 91.760 F, montant des intérêts reportés et capitalisés, ainsi que tous les intérêts et accessoires..." ; que le bordereau d'inscription de cette hypothèque adressé à la conservation des hypothèques de Mantes-la-Jolie prévoit comme créance garantie avec effet jusqu'au le août 1996 :

1°) la somme de 124.000 F en capital remboursable par échéances échelonnées, la dernière à la date du 1er août 1989,

2°) les intérêts conservés par la loi,

3° la somme de 91.760 F, montant des intérêts reportés et capitalisés, remboursables par échéances échelonnées en capital, la dernière à la date du 1er août 1994,

4°) les autres accessoires évalués à 15 % du capital soit 18.600 F.

"Considérant que pour écarter la responsabilité de Monsieur Jacquemin, les premiers juges ont estimé que les intérêts reportés et capitalisés n'étaient transformés en capital qu'au fur et à mesure de leur échéance, et n'avaient pas ce caractère lors de la conclusion de l'acte de prêt ; qu'ils en concluent que, conformément à l'article 42-1-a) du décret du 14 octobre 1955, le conservateur des hypothèques n'avait l'obligation de faire figurer sur les états sommaires que le montant initial en principal de la créance, soit uniquement la somme de 124.000 F ; que de son côté, Monsieur Jacquemin fait valoir qu'une inscription hypothécaire ne conserve pas les intérêts composés résultant d'une clause d'anatocisme, même si cette clause est relatée dans l'inscription et qu'il est nécessaire pour ces intérêts composés, de même que pour les intérêts simples eux-mêmes nés depuis l'inscription du capital, de requérir une inscription spéciale qui ne prend rang qu'à sa date ; qu'il ajoute qu'un état sommaire ne devant mentionner que le capital initial ne pouvait pas indiquer les intérêts découlant de cette somme ;

"Mais considérant qu'il résulte de l'acte de prêt du 6 août 1974 que, dès les conclusions de cette convention, les intérêts sur la somme de 124.000 F en capital étaient sur une période de 9 ans, partiellement reportés et capitalisés pour un montant de 91.760 F, lui-même remboursable par échéances échelonnées en capital, du 1er septembre 1984 au 1er août 1994 ; que s'il est de règle, conformément à l'article 2151 du code civil, que l'inscription d'hypothèque ne conserve que les intérêts simples sur une période de trois années seulement, et que les intérêts autres que ceux de ces trois dernières années, ainsi que les intérêts composés produits postérieurement à l'inscription originaire par le capital ne sont pas garantis par cette inscription et doivent faire l'objet d'une inscription spéciale, il ne s'agit pas, en l'espèce, d'une inscription prise pour la garantie du paiement d'intérêts simples ou d'intérêts composés résultant d'une clause d'anatocisme ; qu'en effet, conformément à la convention des parties, l'emprunteur était dispensé mensuellement du paiement d'une partie des intérêts dus, et ces intérêts reportés, additionnés et produisant eux-mêmes intérêts au fur et à mesure de leur échéance, étaient constitués en un capital remboursable ultérieurement par versements échelonnés ; que l'opération s'analyse donc, en fait, comme si mensuellement, les organismes prêteurs avaient versé à l'emprunteur la somme correspondant au montant des intérêts reportés ; que les organismes prêteurs en prenant l'engagement de consentir un tel crédit à l'emprunteur pouvaient parfaitement prendre une hypothèque garantissant cette ouverture de crédit échelonnée et capitalisée, dès avant sa réalisation, puisque de son côté, l'emprunteur en l'acceptant contractait immédiatement l'obligation de rembourser le capital représentatif des sommes qu'il était temporairement dispensé de régler ;

"Considérant, en outre, que le bordereau d'inscription d'hypothèque conventionnelle fait bien apparaître dans sa présentation matérielle la somme de 91.760 F comme constituant un capital puisqu'il est indiqué son montant, les modalités de son remboursement en capital, ainsi que le terme du remboursement ; que dans ce bordereau, les intérêts conservés par la loi, ainsi que les accessoires font l'objet d'une mention spéciale et qu'il n'est nullement fait état d'une clause d'anatocisme ; qu'au surplus, l'inscription a été prise avec effet jusqu'au 1er août 1996, soit 2 ans après la dernière échéance de remboursement de la somme de 91.760 F, conformément à l'article 2154, 2° alinéa du Code Civil selon lequel "si le principal de l'obligation garantie doit être acquitté à une ou plusieurs dates déterminées, la date extrême d'effet de l'inscription prise avant l'échéance ou la dernière échéance prévue est, au plus, postérieure de deux années à cette échéance sans toutefois que la durée de l'inscription puisse excéder 35 années" ; qu'en retenant la date du 1er août 1996, et non celle postérieure de 2 ans à la date du 1er août 1989, terme de remboursement de la somme de 124.000 F, les organismes créanciers ont bien estimé que la somme de 91.760 F faisait partie du principal de l'obligation garantie ;

"Considérant, enfin, qu'il n'est pas sans intérêt de souligner que l'état sommaire hors formalité, délivré le 26 novembre 1982 révèle que l'inscription a été prise en principal pour la somme de 124.000 F + 91.760 F, alors qu'un état délivré conformément à l'article 42-1 du décret du 14 octobre 1955 doit comporter uniquement le montant initial en principal de la créance et que contrairement à ce que prétend M. Jacquemin, la somme de 91.760 F est bien indiquée comme faisant partie du principal et non des intérêts ; qu'il apparaît, en conséquence, que M. Jacquemin a bien commis une faute en ne mentionnant pas sur l'état qu'il a délivré, le montant initial total en principal de la créance garantie qui s'élevait a 124.000 F + 91.760 F = 215.760 F, et non seulement à 124.000 F."

Observations. - Selon les propres termes du bordereau, l'inscription d'hypothèque au sujet de laquelle il a été fait grief au conservateur d'avoir délivré des renseignements insuffisants avait été prise "pour sûreté de :

1° La somme de 124 000 F, en capital remboursable par échéances échelonnées, la dernière à la date du 1er août 1989, ci ................................ 124.000 F

2° Les intérêts conservés par la loi, ci .......... Mémoire

3° La somme de 91.760 F, montant des intérêts
reportés et capitalisés remboursables par échéances
échelonnées en capital, la dernière à la date du 1-8-1994 91.760 F

4° Les autres accessoires évalués à 1 5 %, du capital, ci 18.600 F

Ensemble, ci.................................................... 234.360 F"

Les dispositions ainsi énoncées afin d'être publiées étaient conformes à celles contenues dans l'acte de prêt portant affectation hypothécaire qui, en application du 1er alinéa de l'article 2148 du Code Civil, avait été présenté au conservateur lors du dépôt du bordereau.

Aussi, la solution de la difficulté se ramène-t-elle au point de savoir si la somme de 91.760 F, telle qu'elle a été définie dans les énonciations rapportées ci-avant, doit ou non être qualifiée de "montant initial en principal" au sens donné à cette locution par les auteurs de l'article 42 - 1 a) du décret du 14 octobre 1955. Le conservateur, d'abord, les premiers juges, ensuite, se sont prononcés pour la négative par le motif qu'une telle qualification ne pouvait pas être attribuée a des intérêts reportés et capitalisés dès lors que ceux-ci n'avaient pas le caractère d'un capital au moment de la conclusion de l'acte de prêt. La Cour de Versailles, au contraire, a considéré que ces intérêts avaient de suite été constitués en capital en conséquence d'une stipulation du titre de créance s'analysant en fait en une promesse de prêts successifs de sommes d'ores et déjà fixées exactement mais qui ne seraient versées qu'au fur et à mesure de l'échéance des intérêts. Cette appréciation, portée par la juridiction d'appel, a paru procéder du pouvoir souverain reconnu aux juges du fond pour la recherche et la constatation des faits.

C'est pourquoi, faute de pouvoir invoquer la violation nettement caractérisée d'une règle de droit, notre Collègue, en plein accord avec le Comité de contrôle et de contentieux, s'est abstenu de se pourvoir en cassation.

Annoter : Bull. A.M.C., art. 1354.