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ARTICLE 1502

PROCEDURE.

Rejet de formalité.
Contrôle juridictionnel de la validité de la décision du Conservateur.
Article 26 du décret du 4 janvier 1955 décidant qu'il est statué comme en matière de référé".
Appel formé après l'expiration du délai de quinze jours fixé à l'article 490 N.C.P.C.
Irrecevabilité.

Arrêt de la Cour d'appel de Nancy du 22 octobre 1991 (3° chambre civile)

Faits : A la date du 10 octobre 1988 les consorts J... ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nancy plusieurs personnes afin de voir prononcer la nullité de rétrocessions de terres consenties à ces personnes par la SAFER de Lorraine. Or, aux termes du 5 de l'article 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, " les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision de droits résultant d'actes soumis à publicité ne sont recevables devant les tribunaux que si elles ont été elles-mêmes publiées conformément aux dispositions de l'article 28-4° c, et s'il est justifié de cette publication par un certificat du conservateur ou la production d'une copie de la demande revêtue de la mention de publicité ". Aussi, cette assignation fut-elle remise le 24 novembre 1988 au bureau des hypothèques de Nancy aux fins de publication. Toutefois, trois refus du dépôt furent successivement notifiés si bien que l'assignation dont il s'agit ne put être inscrite que le 1er mars 1990 sur le registre dont la tenue est prescrite par l'article 2200 du code civil. Mais l'exécution de la formalité ne fut pas achevée ; en effet, lorsque les énonciations de l'assignation furent comparées aux informations contenues dans le fichier immobilier, ce rapprochement fit ressortir plusieurs discordances dont chacune constituait une cause de rejet. Ces discordances furent notifiées le 31 mai 1990 par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception où, ainsi qu'il est prévu au 2 de l'article 34 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955, il a été imparti un délai de régularisation d'un mois. Les anomalies n'ayant pas été supprimées, le rejet de la formalité fut prononcé par une décision du 24 juillet 1990 qui, par une assignation signifiée le 1er août suivant, donna lieu à l'exercice du recours ouvert à l'article 26 du décret du 4 janvier 1955. Ce recours, porté devant le président du tribunal de grande instance de Nancy, fut rejeté par une ordonnance rendue le 11 septembre 1990, signifiée le 4 octobre 1990 et contre laquelle appel fut formé le 24 octobre 1990. Devant la cour de Nancy, notre collègue a conclu au rejet au fond, seulement à titre subsidiaire ; il fit valoir au premier chef que l'appel avait été interjeté après l'expiration du délai de quinze jours fixé à l'article 490 N.C.P.C., qu'ainsi, il était tardif et devait, par suite, être déclaré irrecevable. Cette fin de non recevoir, écartée par une ordonnance en date du 11 janvier 1991 du conseiller de la mise en état, a été admise par la formation de jugement de la cour d'appel laquelle s'est fondée sur les motifs rapportés ci-après: "

" Sur la durée du délai d'appel

" L'article 26 du décret du 4 janvier 1955 dispose :

" En cas de rejet d'une formalité de publicité par application des articles 2148, 2149 et 2154 nouveaux du code civil, le recours de la partie intéressée contre la décision du conservateur des hypothèques est porté, dans les huit jours de la notification de cette décision, devant le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les immeubles. Il est statué comme en matière de référé.

L'ordonnance du président du tribunal de grande instance n'est pas susceptible d'exécution provisoire.

En cas d'exercice des voies de recours, il est statué par priorité et d'extrême urgence.

Dès que la décision du juge des référés est passée en force de chose jugée, la formalité litigieuse est, suivant le cas, soit définitivement rejetée, soit exécutée dans les conditions ordinaires, son effet remontant alors à la date du dépôt ;

" Il résulte de ce texte que le législateur, voulant qu'une solution rapide soit donnée au recours contre la décision de rejet d'une formalité de publicité, a choisi de soumettre l'instruction et le jugement du recours aux règles de procédure applicables en matière de référé ;

" Sur un seul point, il a estimé devoir apporter une exception au régime normal des ordonnances de référé. En effet, il a précisé que l'ordonnance de référé statuant sur le recours n'est pas susceptible d'exécution provisoire. Il s'agit d'une exception à la règle de l'article 489 du nouveau code de procédure civile suivant laquelle " l'ordonnance de référé est exécutive à titre provisoire " ;

" Aucune autre exception n'étant prévue par le texte de l'article 26 susvisé au régime normal de la procédure des ordonnances de référé, il s'ensuit nécessairement que le délai d'appel était en l'espace de 15 jours, conformément à la règle du droit commun des référés (article 490 du nouveau code de procédure civile) ;

" Adopter le point de vue des appelants (délai d'appel d'un mois) irait en outre à l'encontre de l'esprit et de la finalité du texte de l'article 26 qui prescrit qu" en cas d'exercice des voies de recours, il est statué par priorité et d'extrême urgence " ;

" Il n'est pas sans intérêt d'ajouter que les consorts J... avaient été expressément avertis le 4 octobre 1990, lors de la signification de l'ordonnance du 11 septembre précédent, que le délai pour faire appel était de 15 jours".

Observations : Ainsi qu'il est exposé ci-avant, l'ordonnance du 11 septembre 1990 a été notifiée le 4 octobre 1990 et a fait l'objet d'une déclaration d'appel du 24 du même mois. Or, après avoir attribué le contrôle de la légalité des rejets au président du tribunal de grande instance de la situation des immeubles, l'article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 dispose qu" il est statué comme en matière de référé". Dès lors, pour écarter ou au contraire admettre la fin de non recevoir opposée par notre collègue et tirée de la tardiveté de l'appel, la difficulté à résoudre se ramenait au point de savoir si les auteurs de cette disposition ont entendu limiter l'assimilation qu'elle opère aux formes de la demande en justice et à celles de la décision ou s'ils sont allés plus loin, notamment en substituant au délai d'appel de droit commun d'un mois (N.C.P.C., art. 538) celui de quinze jours spécial aux ordonnances de référé (ibid., art. 490). A cette question, le conseiller de la mise en état, " compétent pour déclarer l'appel irrecevable " (N.C.P.C., art. 911), a répondu par la négative dans une ordonnance du 11 janvier 1991 " au motif que la décision du 11 septembre 1990, rendue comme en matière de référé... n'est pas une ordonnance de référé... ". La formation collégiale de la cour d'appel a pris la position inverse en procédant à une interprétation raisonnée du texte et en dégageant son esprit. C'est ainsi qu'il a été remarqué que l'exclusion de l'application de la règle énoncée à l'article 489 N.C.P.C. selon laquelle l'ordonnance de référé est exécutoire à titre provisoire n'a pas été regardée comme allant de soi ; elle a été expressément prévue et fait donc figure de dérogation, ce qui, a contrario, implique la transposition aux ordonnances rendues en application de l'article 26 de toutes les autres règles propres aux ordonnances de référé ; au surplus, tout ce qui va dans le sens de l'accélération du contentieux juridictionnel paraît conforme au but visé par les auteurs dudit article où il est prescrit qu" en cas d'exercice des voies de recours, il est statué par priorité et d'extrême urgence". A ces motifs qui servent de support au dispositif de l'arrêt, les juges d'appel ont ajouté une observation finale qui mérite de retenir l'attention : le fait que les consorts J... aient " été expressément avertis le 4 octobre 1990, lors de la signification de l'ordonnance du 11 septembre précédent, que le délai pour faire appel était de 15 jours " a été considéré comme non dénué d'intérêt. Il y a dans l'appréciation ainsi portée un rappel implicite de l'obligation faite à l'article 680 N.C.P.C. d'indiquer dans l'acte de notification d'un jugement " de manière très apparente le délai d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l'une de ces voies de recours est ouverte ". Si, en l'espèce, cette indication avait été omise, ce vice de forme aurait fait grief aux appelants et en conséquence, il aurait, s'ils l'avaient invoqué, été sanctionné par la nullité de la signification. Aussi est-il recommandé à ceux de nos collègues qui auront été attraits devant le juge de la légalité des rejets de veiller à ce que le délai de quinze jours soit mentionné dans l'exploit portant notification de l'ordonnance ayant confirmé entièrement ou partiellement la décision attaquée.

Rapprocher: Bull. A.M.C., art. 1411.