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ARTICLE 1508

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Rejet de la formalité.
Difficulté de procédure.
1. - Délai d'un mois imparti au Conservateur par le dernier alinéa du 3 de l'article 34 du décret n° 55-22 du 14 octobre 1955 pour notifier les irrégularités de nature à justifier le rejet de la formalité.
Dépassement de ce délai.
Conséquences.
2. - Non indication dans une décision de rejet de la formalité, de la nature du recours ouvert contre cette décision.
Conséquences.

ORDONNANCE DU PRESIDENT DE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
(21 mai 1991)

Faits : Une attestation notariée de propriété remise le 10 juillet 1990 au 1er bureau des hypothèques de Paris a été inscrite le même jour au registre des dépôts prévu à l'article 2200 du code civil. Mais, à la suite de l'engagement d'une procédure de rejet, l'exécution de cette formalité ne fut pas achevée. C'est qu'en effet, il a, le 12 décembre 1990, été procédé à la notification de l'absence, dans l'attestation, des références de publicité de l'état descriptif de division de l'immeuble en copropriété dont dépendent les lots ayant fait l'objet de la transmission par décès. Or, l'omission ainsi notifiée n'a pas été supprimée dans le délai légal d'un mois si bien que notre collègue n'a pu, comme il est prévu à l'antépénultième alinéa du 3 de l'article 34 du décret du 14 octobre 1955, que prononcer le rejet de la formalité. Sa décision, portée le 15 février 1991 à la connaissance du signataire du certificat d'identité par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, donna lieu le 21 février 1991, et donc dans le délai de huit jours fixé à l'article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, à une assignation à comparaître devant le président du tribunal de grande instance de la situation de l'immeuble: il était demandé à ce magistrat d'ordonner la publication de l'attestation à la date du 10 juillet 1990 et de condamner le défendeur au paiement d'une indemnité de 10.000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C. A l'appui de ces conclusions, il a notamment été soutenu que le rejet de la formalité est " inopposable ", " le délai de notification de la cause de rejet d'un mois maximum imposé par l'article 34-3 du décret du 14 octobre 1955 n'ayant pas été respecté bien qu'il s'agit d'un délai de forclusion insusceptible d'être prorogé ". Il a, en outre, été fait grief de la non indication dans la décision de rejet attaquée de " la nature du recours pouvant être exercé ". L'un et l'autre de ces deux moyens touchaient à la légalité externe ; ils furent rejetées par les motifs rapportés ci-après :

" Attendu qu'il est constant que n'ont pas été observées par le conservateur les dispositions de l'article 34-3 du décret du 14 octobre 1955 lui impartissant un délai maximum d'un mois à compter du dépôt pour notifier la cause de son rejet;

" Que toutefois, aucune disposition légale ne sanctionne de quelque manière que ce soit cette inobservation qui ne pourrait qu'éventuellement engager la responsabilité du conservateur;

" Attendu que le moyen tiré de la non indication du recours ouvert au déposant est inopérant dès lors que celui-ci n'a subi aucun grief à cet égard, ayant pu exercer le présent recours dans des conditions de recevabilité parfaites.

" Attendu qu'il convient, en conséquence, de débouter M S... des fins de son assignation ;

" Attendu qu'il serait inéquitable que M. T... supporte l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a dû exposer dans la présente instance, qu'il y a lieu de lui accorder une indemnité de 3.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Observations :

1 - La procédure de rejet de la formalité pour discordance entre les énonciations des documents antérieurement publiés au fichier immobilier et celles du nouveau document à publier est ouverte par la notification de la discordance au signataire du certificat d'identité ; c'est ce qui résulte des dispositions du 3 de l'article 34 du décret du 14 octobre 1955 où il est précisé qu'il doit être procédé à cette rectification " dans le délai maximum d'un mois à compter du dépôt ". La portée de l'obligation ainsi impartie a été explicitée par le juge des référés civils de Paris dans l'ordonnance sus-rapportée ; ce magistrat, après avoir décidé que l'inobservation du délai d'un mois, en l'absence de disposition légale la sanctionnant de quelque manière que ce soit, ne vicie pas la validité du rejet, observe qu'elle " ne pourrait qu'éventuellement engager la responsabilité du conservateur ".

Cette remarque ne constitue pas le soutien nécessaire du dispositif ayant débouté le requérant et elle n'a pas, par suite autorité de la chose jugée. Mais si, dans une autre affaire, le contentieux vient à être lié à son sujet elle ne paraîtra pas susceptible d'être utilement contestée. En effet, les dispositions de l'article 8 de la loi du 21 ventôse an VII ainsi que celle des articles 2197 à 2199 du code civil relatives à la responsabilité des conservateurs ne sont qu'une application des règles énoncées aux articles 1382 et 1383 du même code - fixant le droit commun des délits et quasi-délits civils. Aussi par dérogation à l'un des principes les plus fondamentaux du statut des fonctionnaires, sont-ils tenus de réparer au moyen de leurs propres deniers chaque fois que leur personnel ou eux-mêmes commettent dans l'exercice de leurs fonctions une faute ou une négligence préjudiciable à une partie ou à un tiers (Cass. Civ. 2 janvier 1924, D.P. 1924-I-14; Civ. 3°, 29 octobre 1969, Bull. civ. III n° 690). Dans un tel contexte, le dépassement par un conservateur d'un délai qualifié de maximum par une disposition réglementaire ne peut que constituer un fait de nature à établir le principe de sa responsabilité, à condition cependant d'avoir engendré un dommage direct.

2 - A l'appui de ses conclusions tendant à ce que soit ordonnée la publication de l'attestation de propriété remise le 10 juillet 1990, M S... s'est plaint en outre de ce que, dans la décision de rejet portée le 15 février 1991 à sa connaissance, la nature du recours pouvant être exercé n'a pas été indiquée. Toutefois, comme il a été justement rétorqué, l'auteur de cette argumentation s'est pourvu " dans des conditions de recevabilité parfaite " ; le moyen, dès lors, était, en tout état de cause, sans efficacité et il n'a pu, en, conséquence, qu'être déclaré inopérant sans avoir à rechercher les suites qui auraient été données si le conservateur avait été assigné après l'expiration du délai de huit jours fixé au le alinéa de l'article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955. Sans doute, pourrait-on alors être tenté de se référer aux dispositions du dernier alinéa du décret 65-29 du 11 janvier 1965 modifié selon lesquelles " les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Mais selon son propre intitulé, ce décret est " relatif aux délais de recours contentieux en matière administrative " ; or, aux termes du 1° de l'article 878 du code général des Impôts, " les conservateurs sont chargés de l'exécution des formalités civiles prescrites pour la publicité des privilèges, des hypothèques et des autres droits immobiliers " ; les décisions de rejet sont indétachables de l'accomplissement desdites formalités et elles ne sauraient, par suite, être assimilées aux actes de puissance publique relevant du contentieux administratif. D'autre part, quoique prises sous le seul contrôle de l'autorité judiciaire, elles n'en sont pas moins dépourvues de tout caractère juridictionnel ; aussi ne sont-elles pas susceptibles de se voir appliquer les dispositions de l'article 680 du nouveau code de procédure civile qui obligent à indiquer dans l'acte de notification d'un jugement " de manière très apparente le délai d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l'une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé". Cependant, dans une instruction du 26 avril 1988 publiée au B.O.I * 10 K-1-88, l'Administration "a conseillé, dans l'attente d'une refonte de l'imprimé no 3274 (1) de compléter manuscritement (ou à l'aide d'un cachet) le texte de la décision e rejet par une précision du type : un recours contre la présente décision peut être porté, dans les huit jours de la notification, devant le président du tribunal de grande instance (cf. art. 26 du décret du 4 janvier 1955) ". Il n'y a effectivement que des avantages à faciliter l'accès des usagers au juge compétent lequel, en outre, statue en l'espèce vite et sans grands frais si bien que l'adjonction de la mention préconisée ne peut qu'être pleinement approuvée et vivement suggérée; mais, bien entendu, il s'agit pour nos collègues d'une simple faculté : il faudrait que cette mention soit prescrite par un texte législatif ou réglementaire pour que son omission ait des effets de droit.

(1) L'imprimé n° 3274 sert à notifier les décisions de rejet.

Voir AMC n° 1573.