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ARTICLE 1569

PUBLICATIONS D'ACTES.

Refus de publier un procès-verbal de remembrement additionnel destiné à indiquer une servitude constituée pour l'implantation d'un pipe-line et
subsistant sur les parcelles attribuées.
Exclusion de la relation des servitudes dans les procès-verbaux de remembrement édictée à l'article 5 ancien du décret n° 56-112 du 24 janvier 1956.
Application de l'article 5 nouveau limitée par l'article 3 du décret n° 81-67 du 26 janvier 1981 aux opérations de remembrement et de réorganisation foncière
ordonnées après le 30 juillet 1981.
Remembrement de l'espèce prescrit par un arrêté préfectoral du 21 juin 1961.
Refus justifié.

Arrêt de la Cour de Cassation (3° Ch. Civ., 2 décembre 1992)

Faits : Les circonstances de l'affaire ont été exposées dans le bulletin sous l'article 1467 auquel le lecteur est invité à se reporter. Il est toutefois rappelé que le litige a pour origine un additif à un procès-verbal de remembrement dont l'établissement avait été suscité par la société T. qui exploite un oléoduc. Cette société bénéficie de servitudes grevant les fonds traversés par la conduite, lesquels comprennent des parcelles comprises dans le périmètre de remembrement. L'additif, par suite, avait pour objet de publier ces servitudes telles qu'elles sont désormais constituées et donc du chef des nouveaux propriétaires des parcelles grevées. Mais le conservateur en refusa le dépôt en faisant valoir que pour les opérations de remembrement, le contenu du document à publier est fixé au 2e alinéa du 1° de l'article 5 du décret n° 56-112 du 24 janvier 1956 et que, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause, ce texte fait défense expresse de mentionner dans le procès-verbal " les servitudes... grevant les immeubles échangés ou remembrés et qui s'exercent désormais sur les immeubles attribués ". Assigné devant le tribunal de grande instance de Melun, notre collègue fut condamné à publier l'additif en cause par un jugement du 17 octobre 1989 ; il y est affirmé que " pour refuser de procéder à la formalité requise, Monsieur M. a livre à une appréciation de l'acte à publier qu'il entend interpréter à sa guise " alors " qu'un tel contrôle n'entre pas dans as attributions, telles que prévues par l'article 2199 du code civil applicable à l'espèce ". Ce jugement fut réformé dans toutes ses dispositions par un arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 14 juin 1990 qui considéra " qu'en l'espèce, le conservateur n'a pas apprécié la validité des actes qui lui étaient présentés; mais a seulement refusé d'en effectuer la publication au fichier dès lors que celle-ci était formellement exclue par une disposition réglementaire " ; il en fut déduit que, " ce faisant, M. M. n'a fait qu'user des pouvoirs que lui confère l'article 2199 du Code Civil ". La société T. s'étant pourvue en cassation, son recours fut rejeté par un arrêt du 2 décembre 1992 dont les motifs sont rapportés ci-après:

" Sur le moyen unique ;

" Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 1990), qu'après publication au fichier immobilier, du procès-verbal du 15 septembre 1971, des opérations de remembrement ordonnées le 21 juin 1961 dans la commune de B., la société T. à laquelle avaient été antérieurement concédées des servitudes pour le passage d'un oléoduc dans le sous-sol de certaines des parcelles comprises dans le périmètre du remembrement, a déposé à la conservation des hypothèques de Melun, un additif, en date du 24 mars 1982, à ce procès-verbal, ayant pour objet la publication des servitudes existant sur les parcelles remembrées;

" Attendu que la société T. fait grief à l'arrêt de retenir, pour décider qu'il n'y avait pas lieu à publication des servitudes invoquées par la société T., que le décret du 26 janvier 1981, qui prescrit désormais, contrairement aux dispositions antérieures résultant du décret du 24 janvier 1956, l'indication des servitudes sur les parcelles attribuées lors des opérations d'aménagement foncier, ne peut s'appliquer à l'opération concernant la commune de B. qui était terminée 10 ans avant l'entrée en vigueur de ce texte, alors, selon le moyen

1°) que fait nécessairement partie des opérations de remembrement tout acte lié à celui-ci, notamment les actes destinés à l'accomplissement de la mission d'information dévolue à la commission de remembrement; qu'en déclarant que n'entrait pas dans le cadre de ces opérations, le procès-verbal complétant les opérations de remembrement de la commune de B. établi le 24 mars 1988, par lequel le président de la commission départementale d'aménagement foncier de Seine-et-Marne requérait le conservateur des hypothèques de Melun de publier au fichier immobilier la servitude administrative née de l'installation d'un pipe-line, la cour d'appel a violé les articles 1 et 3 du décret du 26 janvier 1981 par fausse interprétation et l'article 5 modifié du décret n° 56-112 du 24 janvier 1956 par refus d'application ;

2°) qu'après avoir qualifié " d'artifice de procédure " la réquisition du président de la commission d'aménagement foncier aux fins de publication du procès-verbal complétant les opérations de remembrement, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, considérer que le conservateur des hypothèques n'avait pas été conduit à apprécier la validité du document déposé, violant par là même l'article 2199 du code civil ;

3°) que l'article 5 du décret du 24 janvier 1956 dans sa rédaction antérieure au décret du 26 janvier 1981 indiquant que le procès-verbal dressé à la clôture des opérations de remembrement rural devait mentionner les droits réels autres que les servitudes grevant les immeubles échangés ou remembrés impliquait d'autant moins qu'il fut interdit d'y mentionner les servitudes administratives que l'article 36 du décret du 4 janvier 1955 faisait obligation à l'administration de publier " les modifications provenant des décisions administratives " et " les limitations administratives au droit de propriété " ; qu'il résultait de ce texte que, quelle que fût la date du procès-verbal dont le président de la commission de remembrement avait requis la publication, celui-ci pouvait y mentionner les modifications affectant le découpage des parcelles sur lesquelles s'exerçaient les limitations au droit de propriété découlant de la servitude administrative ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite et qui a constaté que les opérations de remembrement dans la commune de B. avaient été ordonnées par un arrêté préfectoral du 21 juin 1961 et qu'elles avaient été clôturées en 1971, a justement retenu que les dispositions du décret du 26 janvier 1981 ne leur étaient pas applicables ;

" Attendu, d'autre part, que le litige portant, non sur la publication des servitudes elles-mêmes, à laquelle il avait déjà été procédé au moment de l'institution de celles-ci, mais sur la publication d'un additif au procès-verbal de remembrement, comportant l'indication des servitudes grevant les parcelles remembrées, le moyen, qui se fonde sur les dispositions de l'article 36 du décret du 4 janvier 1955 qui concerne la publicité des limitations administratives au droit de propriété que constitueraient les servitudes litigieuses, est inopérant ;

" D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

" PAR CES MOTIFS : " REJETTE le pourvoi ;

"Condamne la société T., envers M. M. et M. le Conservateur des hypothèques de Melun, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ".

OBSERVATIONS

Le procès-verbal complémentaire en cause était destiné à publier des servitudes. Or, les opérations de remembrement de la commune de B. avaient été ordonnées par un arrêté préfectoral du 21 juin 1961 et donc bien avant le 30 juillet 1981, date de l'entrée en vigueur de l'article 1er du décret n° 81-67 du 26 janvier 1981. Par suite, il ne pouvait être sérieusement contesté que ce procès-verbal avait été établi en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa (ancien) du 1° de l'article 5 du décret n° 56-112 du 24 janvier 1956. En effet, selon ces dispositions, " le procès-verbal doit indiquer, pour chaque propriétaire, la liste des anciennes parcelles et celle des nouveaux lots. En vue de renouveler, en ce qui les concerne, la publicité légale antérieure, le procès-verbal doit, en outre, mentionner, avec la désignation de leurs titulaires, les droits réels autres que les servitudes, privilèges et hypothèques grevant les immeubles échangés ou remembrés et qui s'exercent désormais sur les immeubles attribués ". Les exclusions ainsi formulées dans le décret même fixant le contenu du document à publier ne sauraient rester lettre morte. Par suite, le conservateur ne pouvait que s'opposer à la publication d'un additif ayant pour seul objet d'aboutir à faire ce qui était interdit. Dans une telle situation, en effet, il ne faut pas en rester au sens littéral de l'article 2199 du code civil qui conduirait à exiger que le refus soit justifié par un texte le prescrivant expressément. Comme la Cour de Paris l'a jugé et comme la Cour de Cassation l'a confirmé, en refusant de casser, " M. M. n'a fait qu'user des pouvoirs que lui confère l'article 2199 du code civil " ; c'est dire qu'il les aurait méconnus en prenant le parti contraire et donc en acceptant le dépôt d'un acte contenant des stipulations exclues par des dispositions réglementaires sur la publicité foncière.

Rapprocher : Bull. A.M.C., art. 1467.