Retour

Art. 1675

RADIATIONS

Mainlevée judiciaire

Forme de l'ordre de radier et identification de l'inscription

Faits : M. C... est propriétaire d'un fonds de terre grevé par une sûreté réelle. Son avocat a établi et signé un document en date du 8 avril 1994 qui est intitulé "Réquisition de radiation d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise le 2 juillet 1993 sous référence 93 V 258 contre M. C..." .

Il y est joint :

1°) l'expédition d'un jugement en date du 7 décembre 1993 du juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Châteauroux ainsi que la copie de sa signification à la société A...;

2°) l'expédition d'une ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de Bourges qui, rendue le 15 mars 1994, a rejeté la demande de la société A... tendant à voir suspendre l'exécution provisoire dont le jugement déjà cité est assorti.

Les dispositifs de l'une et de l'autre de ces décisions de justice ont été reproduits dans la "Réquisition de radiation", laquelle contient également d'une part la relation des éléments d'identification de la société A..., qui est bénéficiaire de l'inscription, et, d'autre part, la désignation complète des parcelles sur lesquelles l'hypothèque a été inscrite.

Le dispositif du jugement du 7 décembre 1993 est le suivant :

"PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,

Faisant droit à la demande de M. C...,

Dit que la créance invoquée par la société A... n'est pas suffisamment fondée en son principe;

Rétracte en conséquence l'ordonnance rendue le 1er juillet 1993 et ayant autorisé cette société à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les biens personnels des époux C..., pour sûreté d'une somme de 2,5 millions de francs, en l'occurrence sur une propriété sise au lieudit "Le...", commune de S...;

Autorise M. C... a accomplir toutes formalités de radiation de l'inscription hypothécaire à ses frais avancés;

Déboute M. C... de sa demande en dommages-intérêts;

Dit n'y avoir à application des dispositions de l'article 700 N.C.P.C. au profit de l'une ou de l'autre des parties;

Rejette leur demande de ce dernier chef;

Dit que les dépens seront supportés par la société A..., lesquels comprendront les frais de radiation de l'hypothèque".

L'acte du 8 avril 1994 ayant été remis au conservateur du bureau où l'inscription a été prise, notre collègue, avant de la radier, a posé trois questions.

Ces questions sont énoncées ci-après et suivies, pour chacune d'elles, de la réponse qu'elle a paru appeler.

1ère question : En cas de mainlevée judiciaire, le dispositif de la décision qui la prononce doit exprimer l'ordre de radier. Peut-on considérer qu'il en est ainsi en l'espèce où, après avoir rétracté l'ordonnance ayant autorisé l'inscription, le juge de l'exécution a autorisé le propriétaire grevé a accomplir toutes formalités de radiation de l'inscription hypothécaire à ses frais avancés ?

Réponse : Réponse affirmative.

Cette autorisation délivrée par le juge est une invitation expresse à requérir la radiation laquelle, dès lors, ne peut qu'être censée avoir été ordonnée.

2ème question : Dans le dispositif du jugement, il est indiqué la date de l'ordonnance qui est rétractée et il est précisé qu'elle a autorisé la société A... "à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les biens personnels des époux C..., pour sûreté d'une somme de 2,5 millions de francs, en l'occurrence sur une propriété sise au lieudit "Le....", commune de S....". Ainsi, les éléments d'identification ne comportent pas les références habituellement données et qui sont la date, le volume et le numéro d'ordre de l'inscription. Sont-ils cependant suffisants pour permettre de radier sans risque d'erreur ?

Réponse : Réponse affirmative dès lors que l'avocat dans la "Réquisition de radier" a énoncé les références manquantes et que dans le bordereau portant ces références, la nature de la sûreté, le titre du créancier, sa raison sociale, l'identité des propriétaires, la commune où se trouvent les biens, enfin le capital garanti sont les mêmes que ceux cités par le juge.

3ème question : Selon le troisième alinéa de l'article 265 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, la radiation de la publicité provisoire, ordonnée par le juge de l'exécution, "est effectuée sur présentation de la décision passée en force de chose jugée".

Or, le jugement du 7 septembre 1993 a été rendu en premier ressort et il est frappé d'appel.

Faut-il donc, avant de radier et quoique ce jugement soit assorti de l'exécution provisoireÿ(1),ÿ attendre que la Cour de Bourges ait statué ?

Réponse : Réponse négative.

En effet, la disposition citée dans l'énoncé de la question est dérogatoire au droit commun des inscriptions provisoires auxquelles l'article 2157 du code civil n'est pas applicable (Cass. civ. 21 novembre 1978, Bull. A.M.C. art. 1134).

Par suite, l'application de cette disposition d'exception ne peut qu'être strictement limitée aux radiations judiciaires dont la cause juridique est celle prévue soit au premier, soit au second alinéa de l'article 265. Or, en l'espèce, la radiation n'est motivée ni par le défaut de confirmation de la publicité provisoire dans le délai de deux mois (décret déjà cité, art. 263), ni par l'extinction de l'instance engagée devant le juge du fond (L. n° 81-650 du 9 juillet 1991, art. 70; décret, art.ÿ215ÿÿ(ÿ2ÿ)) ou le rejet de la demande ainsi formée.

Simplement, le juge de l'exécution, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 217 et 218 du décret du 31 juillet 1992 a reconnu que "la créance invoquée par la société A... n'est pas suffisamment fondée dans son principe" et a, en conséquence, prononcé la mainlevée de la mesure conservatoire qu'il avait autorisée.

(1) Code de l'organisation judiciaire, art. L. 311-12-1.

(2) Ces deux articles de loi et de décret font obligation au créancier qui a pratiqué une mesure conservatoire d'engager ou de poursuivre une procédure permettant d'obtenir un titre exécutoire s'il n'en possède pas un.