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ARTICLE 1134

RADIATIONS.

Mainlevée judiciaire.
Mainlevée judiciaire. - Inscription d'hypothèque judiciaire provisoire.
Ordonnance prescrivant la radiation déclarée exécutoire à titre provisoire.
Art. 2157 inapplicable.
Radiation possible avant que l'ordonnance soit passée en force de chose jugée/

ARRET DE LA COUR DE CASSATION (3° ch. civ.) DU 21 NOVEMBRE 1978

La Cour,

Sur le moyen unique :

Attendu que des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 14 mars 1977), statuant en référé, il résulte que les consorts Fayeton ont été autorisés, par ordonnance sur requête du 4 février 1976, à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur les immeubles de la Société Civile Immobilière Chanteberger pour garantie d'une somme de 1.406.000 francs ; que, par ordonnance du 24 mai 1976, cette ordonnance a été rapportée, le juge des référés ordonnant la mainlevée de l'inscription hypothécaire et prescrivant sa radiation; que, par ordonnance du 23 septembre 1976, le Président du Tribunal de Grande Instance de Nanterre a déclaré commune au Conservateur des Hypothèques, l'ordonnance précitée du 24 mai 1976, en lui enjoignant de procéder à la radiation de l'hypothèque judiciaire provisoire ;

Attendu que Milin, Conservateur des Hypothèques, fait grief audit arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance du 23 septembre 1976, alors, selon le moyen, que l'arrêt ne donne pas les motifs pour lesquels il a écarté l'application de l'article 2157 du Code Civil, ce qui ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle; que l'article 2157 n'a fait l'objet d'aucune abrogation ou dérogation explicite et que, ni l'article 489, ni l'article 506 du nouveau Code de procédure civile, textes de portée générale; ne dérogent tacitement aux dispositions propres aux hypothèques de l'article 215 7 qui fait partie des règles de fond posées par le Code Civil en cette matière ;

Mais attendu que les juges du second degré se sont référés, à bon droit, aux dispositions des articles 48 et suivants du Code de procédure civile, et ont justement déclaré que l'article 2157 du Code Civil était inapplicable en la cause dès lors que ce texte est étranger à l'institution de l'hypothèque judiciaire provisoire, dont la constitution et la radiation sont réglementées spécialement par les articles 54 et 55 du Code de procédure civile ;

D'où il suit que la Cour d'Appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 14 mars 1977 par la Cour d'Appel de Paris (1).

(1) Bull. A.M.C., art. 1102.

Observations. - Aux termes de l'article 63 du décret n° 72-788 du 28 août 1972, devenu l'article 506 du nouveau Code de procédure civile, " les mainlevées, radiations de sûretés, mentions, transcriptions ou publications qui doivent être faites en vertu d'un jugement " sont, lorsque ce jugement est exécutoire à titre provisoire, valablement faites au vu de la production d'une expédition ou d'une copie certifiée conforme du jugement.

Dans le même sens, l'article 61 du décret précité, devenu l'article 504 du nouveau Code de procédure civile, dispose que la preuve du caractère exécutoire ressort du jugement lui-même lorsque celui-ci bénéficie de l'exécution provisoire.

La règle tracée par ces deux dispositions n'est cependant pas applicable aux radiations d'inscriptions hypothécaires, lesquelles, selon l'article 2157 du Code Civil, ne peuvent en toute hypothèse, à défaut du consentement des parties intéressées, être opérées qu'en vertu d'un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée (Bull. A.M.C., art. 913, § I, 2° cas).

L'arrêt de la Cour de Cassation rapporté ci-dessus n'infirme pas cette interprétation. Il y apporte toutefois une dérogation.

Tout d'abord, d'après cet arrêt, l'article 2157 du Code civil " est étranger à l'institution de l'hypothèque - judiciaire provisoire dont la constitution et la radiation sont réglementées spécialement par les articles 54 et 55 du Code de procédure civile ".

D'autre part, par ce même arrêt, la Cour de Cassation décide que, contrairement à ce qu'a jugé un arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 20 janvier 1977 (Bull. A.M.C., art. 1091), la radiation d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prescrite comme conséquence de la rétractation de l'ordonnance qui avait autorisé cette inscription entre dans le cadre de la procédure instituée par les articles 48 et suivants du Code de procédure civile.

Il en résulte que, selon l'arrêt rapporté, l'application de l'article 2157 du Code civil doit être écartée dans tous les cas de radiations d'inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire prononcées par une ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance, du Tribunal d'Instance ou du Tribunal de Commerce.

Il faut alors, pour ces radiations, se référer aux règles fixées par le nouveau Code de procédure civile et notamment par les articles 504 et 506.

Par suite, si l'ordonnance qui prescrit une telle radiation est déclarée exécutoire à titre provisoire, le conservateur requis de l'exécuter doit opérer immédiatement la radiation, sans attendre l'expiration du délai d'appel ou, si un appel est déjà formé, sans attendre la décision de la Cour d'Appel.

C'est seulement lorsque l'exécution provisoire n'a pas été ordonnée que, conformément aux prescriptions de l'article 504 du nouveau Code de procédure civile, la radiation ne doit être opérée que quand l'ordonnance est passée en force de chose jugée.

Il faut cependant observer que l'avant dernier alinéa de l'article 54 du Code de procédure civile prévoit deux cas où la radiation d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire ne peut en toute hypothèse être radiée que lorsque l'ordonnance qui la prescrit est passée en force de chose jugée. Il en est ainsi, soit en cas de désistement ou de péremption d'instance, soit en cas de désistement d'action. Dans ces deux cas, la radiation doit être subordonnée à la production d'un certificat de non-appel, même si l'ordonnance qui la prononce est déclarée exécutoire à titre provisoire.

La portée de l'arrêt de la Cour de Cassation doit, bien entendu, être limitée à la matière des inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire. Les radiations d'autres inscriptions, auxquelles l'article 2157 du Code civil demeure applicable, ne peuvent, lorsqu'elles sont ordonnées par une décision de justice, être effectuées que si cette décision est passée en force de chose jugée, même si l'exécution provisoire a été ordonnée (Cour de Pau, 30 avril 1974, Bull. A.M.C., art. 988; Cour de Paris, 17 novembre 1976, Bull. A.M.C., art. 1077). ·

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 1367, 1372 et 1376 ; Jacquet et Vétillard, V° Jugement de radiation, n° 43 et 47.

Voir AMC n° 1236.