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ARTICLE 913

PROCEDURE

Décisions de justice ordonnant la radiation d'une inscription.
Modalité de leur exécution.

Un décret n° 72-788 du 28 août 1972 (Journal Officiel. du 30 ; J.C.P. 1972 III - 39597 bis) renferme un certain nombre de dispositions destinées à s'intégrer dans le nouveau Code de Procédure. Civile.

Les principales de celles de ces dispositions qui intéressent les Conservateurs des Hypothèques appellent quelques explications.

I. - Le nouveau décret contient des dispositions nouvelles relatives, notamment, à l'exécution des jugements et des actes (articles 53 à 64), qui se substituent, à compter du 16 septembre 1972 (article 190), à celles des articles 545 à 550 du Code de Procédure Civile qui sont abrogés (article 204).

Aux termes de l'article 57, " les jugements ne sont exécutoires qu'à partir du moment où n'étant plus susceptibles de recours suspensif, ils passent en force de chose jugée, à moins que l'exécution provisoire ne soit de droit ou n'ait été ordonnée ".

L'article 61 ajoute que " la preuve du caractère exécutoire à l'égard des tiers ressort, soit du jugement lui-même lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, soit de la justification de ce qu'il est passé en force de chose jugée.

" Cette justification résulte :

" - soit de l'acquiescement de la partie contre laquelle l'exécution est poursuivie ;

" - soit de la notification de la décision et d'un certificat attestant l'absence d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation lorsque le pourvoi est suspensif. "

L'article 63, qui intéresse spécialement les Conservateurs des Hypothèques, dispose que " les mainlevées, radiations de sûretés, mentions, transcriptions ou publications qui doivent être faites en vertu d'un jugement sont valablement faites au vu de la production, par tout intéressé, d'une expédition ou d'une copie certifiée conforme du jugement et, s'il n'est pas exécutoire par provision, de la justification de son caractère exécutoire. Cette justification peut résulter d'un certificat établi par l'avocat ou l'avoué constitué. ".

Pour l'application de ce texte, qui se substitue à l'article 548 du Code de Procédure Civile, et qui, étant donné la généralité de ses termes, paraît viser les radiations d'hypothèques, il y a lieu de distinguer les deux cas suivants :

1er cas : Le jugement n'est pas exécutoire par provision.

Dans ce cas général, il faut produire au Conservateur, pour l'accomplissement de la formalité hypothécaire, d'une part, une expédition ou une copie certifiée conforme du jugement et, d'autre part, la justification de son caractère exécutoire.

De la combinaison des articles 61 et 63, il résulte que cette justification peut résulter :

- soit de l'acquiescement de la partie contre laquelle l'exécution est poursuivie ;

- soit de la notification de la décision et d'un certificat du Greffe attestant l'absence d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation si ce dernier est suspensif ;

- soit d'un certificat établi par l'avocat ou l'avoué constitué.

Sur ce dernier point, l'article 63 apporte une innovation : Il ne paraît pas douteux que désormais, le Conservateur pourra opérer une radiation judiciaire au vu seulement d'un certificat de l'avocat constitué. Ce document, qui mentionnera la date de notification du jugement, devra attester qu'il n'existe pas d'opposition ou d'appel à l'expiration du délai de recours et que, par suite, le jugement est passé en force de chose jugée.

2° cas : Le jugement est exécutoire par provision.

L'article 63 écarte expressément, dans le cas particulier où le jugement est exécutoire par provision, la justification de son caractère exécutoire, en matière notamment de mainlevées et de radiations de sûretés.

Il est à rapprocher de l'article 61 qui précise qu'à l'égard des tiers, la preuve du caractère exécutoire ressort du jugement lui-même lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée (1)

(1) Rappr. aussi l'article 72 du même décret, aux termes duquel les dispositions de l'article 71 conférant un effet suspensif d'exécution soit au délai d'opposition ou d'appel, soit à l'opposition ou à l'appel " ne font pas obstacle à l'exécution des jugements lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée ".

Si ces textes étaient seuls en cause, on pourrait en déduire que, si une radiation d'hypothèque est prononcée par un jugement dont l'exécution provisoire est ordonnée, le Conservateur doit opérer cette radiation sans avoir à exiger d'autre justification que la production d'une expédition ou d'une copie certifiée du jugement, même si le délai d'opposition ou d'appel n'est pas expiré.

Mais les radiations d'inscriptions hypothécaires sont régies également par l'art. 2157 du Code Civil aux termes duquel les inscriptions de l'espèce ne peuvent être radiées, à défaut du consentement des parties intéressées, qu'en vertu d'un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée.

Au regard de l'art. 63 du décret du 28 août 1972, qui vise toutes " les mainlevées, radiations de sûretés, mentions, transcriptions ou publications ", l'art. 2157 du Code Civil, qui ne concerne que les radiations d'inscriptions hypothécaires, apparaît comme une disposition spéciale à laquelle la disposition plus générale de l'art. 63 n'a pu apporter de dérogation.

L'exigence de l'art. 2157 du Code Civil est, par ailleurs, motivée par l'impossibilité de radier une inscription hypothécaire à titre provisoire, étant donné qu'une inscription radiée ne peut être rétablie toutes les fois que l'immeuble grevé est sorti du patrimoine du débiteur en vertu d'un acte publié et que, dans le cas contraire, elle ne peut retrouver son rang originaire lorsque de nouvelles inscriptions ont été requises entre sa radiation et son rétablissement (v. les auteurs et les décisions de Justice cités, sous, art. 783 du Bulletin, Observations, § I). Cette considération conserve tonte sa valeur sous l'empire du nouveau décret.

Il en résulte que, comme par le passé (Bull. A.M.C., art. 783), les Conservateurs devront, avant d'exécuter une décision de justice ordonnant une radiation, se faire justifier de son caractère définitif de la manière indiquée plus haut (§ 1er cas), même si elle est déclarée exécutoire par provision.

Il n'y a pas à distinguer à ce sujet selon qu'il s'agit d'un jugement ou |'une ordonnance du Président du tribunal rendue en exécution, soit des art. 54 et 55 du Code de Procédure Civile, soit de l'art. 6, dern. al., de la loi n° 69-992 du 6 novembre 1969 (Bull. A.M.C., art. 784).

II. - Parmi les, décisions de justice qui ordonnent une radiation, il faut distinguer suivant qu'il s'agit d'un jugement par défaut, d'un jugement contradictoire, ou réputé contradictoire, ou d'un arrêt.

D'après l'article 44 du décret du 28 août 1972 le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne; l'opposition qui n'est ouverte qu'au défaillant est la seule voie de recours (art. 50 et 76). Il est justifié du caractère exécutoire d'un tel jugement, résultant de l'absence d'opposition, de la manière indiquée au § I, ci-dessus. Lorsque cette justification résulte d'un certificat du greffier, celui-ci doit être celui du Tribunal de Grande Instance qui a rendu le jugement.

Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel, ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur (art. 44). La signification faite à une personne morale est à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoirs de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet (art. 14). En outre, le visa qui était exigé, à peine d'amende, pour les significations faites à des personnes publiques, n'est plus obligatoire, l'article 1039 C. Proc. Civ. qui le prescrivait ayant été abrogé par l'article 204 du décret (1).

( 1 ) Le décret du 28 août 1972 n'a pas abrogé la disposition de l'art. 69 du Code de Procédure Civile aux termes de laquelle les assignations signifiées à une personne publique doivent être visées par la personne qui reçoit la copie. En résulte-t-il que ces assignations demeurent soumises à l'obligation du visa, les autres significations en étant seules dispensées,? La question n'a qu'un intérêt très limité pour les Conservateurs qui ne peuvent que très exceptionnellement être assignés en qualité de préposés de l'administration (V. Bull. A.M.C., art. 800). Le cas échéant, ils pourraient sans inconvénient viser l'original de l'assignation, s'ils en étaient requis.

Comme le jugement contradictoire, le jugement réputé contradictoire peut être frappé d'appel (art. 51 et 85). Il est justifié de l'absence d'appel de la manière indiquée au § I. Lorsque la justification résulte d'un certificat d'un greffier, celui-ci doit être le greffier de la Cour d'appel.

De même que le délai pour former opposition, celui pour interjeter appel est d'un mois (art. 78 et 102) et ce délai court du jour de la signification du jugement.

Les jugements par défaut et les jugements réputés contradictoires sont non avenus s'ils n'ont pas été notifiés dans les six mois de leur date (art. 52).

Dès lors que le pourvoi n'est pas suspensif, en matière civile (art. 71), l'arrêté ordonnant une radiation est exécutoire sur le seul dépôt de son expédition.

Bien entendu le certificat de non-opposition doit être postérieur d'un mois du jour de la signification du jugement en dernier ressort, et celui de non-appel d'un mois du jour de la signification du jugement en premier ressort,

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 1367, 1373 et 1376 ; Jacq. et Vét., V° Jug. de radiation, n° 31 38, 43, 46, 51 52.