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Art. 1726

RADIATIONS

Mainlevée judiciaire

Radiation d'une inscription définitive d'hypothèque prescrite par le juge de l'exécution

Certificat de non-appel vainement demandé

Refus de radier justifié

Question : Par une assignation du 25 juillet 1995, deux époux ont demandé au juge de l'exécution du tribunal de Paris d'ordonner la mainlevée d'une inscription d'hypothèque judiciaire prise à leur encontre sur un immeuble leur appartenant.

Sur cette requête, il a été statué le 11 août 1995 par un jugement qui, formellement qualifié de "réputé contradictoire et en premier ressort" et expressément assorti de l'exécution provisoire, a ordonné la mainlevée demandée.

Une expédition de cette décision de justice a été remise au conservateur aux fins de radiation. Mais celui-ci, se fondant sur la jurisprudence résultant de l'arrêt de la Cour de cassation du 19 octobre 1988 (Bull. A.M.C. art. 1416.) a subordonné l'exécution de la formalité requise à la présentation d'un certificat de non-appel.

A cette exigence qui n'a pas été satisfaite, l'avocat des propriétaires grevés rétorque que tout jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution a force de chose jugée et que tel est le cas de celui qu'il a remis et qui, non seulement a été rendu par son auteur exécutoire par provision, mais auquel, en outre, s'appliquent les règles énoncées au dernier alinéa de l'article L. 311-12-1 du code de l'organisation judiciaire.

Or, selon cet alinéa, "les décisions du juge de l'exécution, à l'exception des mesures d'administration judiciaire, sont susceptibles d'appel devant une formation de la cour d'appel qui statue à bref délai. L'appel n'est pas suspensif. Toutefois, le premier président de la cour d'appel peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la mesure".

Dès lors, convient-il de radier ?

Réponse : Réponse négative.

S'il est vrai que d'après l'article 500 NCPC, "a force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution", il faut entendre par là, non pas le jugement qui

Bulletin A.M.C.

par la volonté expresse du législateur est exécutoire immédiatement, nonobstant l'appel et donc à titre provisoire, mais uniquement celui qui ne peut plus être attaqué que par une voie de recours extraordinaire, laquelle, selon l'article 579 du même code, n'est pas suspensive d'exécution si la loi n'en dispose autrement.

C'est de cette dernière façon que doit être comprise la condition imposée par l'article 2157 du code civil au propriétaire qui s'emploie à affranchir son fonds d'une inscription de privilège ou d'hypothèque, et qui est la suivante: faute du consentement du créancier, constaté dans un acte authentique, ce propriétaire doit obtenir "un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée" qui donc, sous la seule réserve pratiquement du recours en cassation, met fin définitivement à l'instance.

C'est qu'en effet, si la radiation, ordonnée par un jugement en premier ressort, vient à être effectuée et si ce jugement est infirmé en appel, l'inscription, quoique reconnue subsistante, ne pourra pas être utilement rétablie si l'immeuble concerné est sorti du patrimoine du débiteur en vertu d'un acte publié.

Bien plus, même si l'immeuble n'a pas été aliéné, l'inscription qui, à tort, a été radiée, ne revivra pas à l'égard de tous : elle sera primée par les inscriptions nouvelles requises entre sa radiation et son rétablissement.

De la sorte, le créancier, quoiqu'ayant gagné en appel, pourra avoir perdu définitivement son gage à l'égard de l'ensemble ou d'une partie des créanciers. Il ne manquera pas alors d'être tenté de se retourner contre le conservateur en lui faisant grief de l'avoir, par une fausse interprétation de l'article 2157, privé de la garantie à lui conféré par cette disposition législative demeurée inchangée depuis 1804.

Il ne peut qu'être conseillé à nos collègues de veiller à ne pas s'exposer à ce risque.

Rapprocher : Bull. A.M.C., art. 1416.