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Art. 1856

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Effet relatif
Immeuble indivis entre deux époux divorcés
1) Bordereau d'inscription requise par l'un des époux
portant non seulement sur sa part indivise mais sur l'ensemble de l'immeuble
sous condition d'attribution de la totalité de celui-ci lors du partage à intervenir
Refus ou rejet ( non )
2) Absence de publication du titre stipulant la condition suspensive
Rejet ( non )

Question : Deux époux ont acquis ensemble un immeuble qui, après leur divorce, est devenu propriété indivise par moitié de chacun d'eux.
L'un des époux souhaitant se porter caution, envisage d'hypothéquer non seulement les droits qu'il possède dans cet immeuble mais également ceux éventuels qui pourraient lui être attribués dans le partage à intervenir sur l'autre moitié de l'immeuble.
Le bordereau d'inscription déposé comporte une mention précisant que l'inscription porte sur l'entier immeuble sous la condition suspensive qu'il soit attribué à l'inscrivant dans le cadre d'une licitation, d'une cession de droits indivis, du partage à intervenir ou de toute autre opération ultérieure, et, sous la même condition, sur les parts indivises supplémentaires dont celui-ci pourrait devenir propriétaire.
La question s'est alors posée au conservateur de savoir si ce bordereau pouvait être publié en l'état (1).
Par ailleurs et dans l'affirmative, le conservateur invoquant le principe de l'effet relatif estime qu'à défaut de publication préalable d'un acte constatant l'attribution sous condition suspensive de la totalité de l'immeuble à l'époux requérant, le bordereau devrait faire l'objet d'un rejet, au motif que n'est pas respectée la condition concernant le document faisant expressément état du droit éventuel du constituant visé par le paragraphe 4 de l'article 4 du décret du 14 octobre 1955. Ce texte prévoit en effet qu'" une fiche personnelle n'est établie au nom du titulaire d'un droit sur un immeuble que si ce droit est actuel ou soumis à la réalisation d'une condition suspensive expressément stipulée dans un titre publié "
Il se demande si cette position est justifiée (2).

Réponse : 1) Réponse affirmative.
En vertu de l'article 2125 du code civil ( " Ceux qui n'ont sur l'immeuble qu'un droit suspendu par une condition, ou résoluble dans certains cas, ou sujet à rescision ne peuvent consentir qu'une hypothèque soumise aux mêmes conditions ou à la même rescision. "), il est permis à ceux qui n'ont sur un immeuble qu'un droit suspendu par une condition de consentir une hypothèque soumise aux mêmes conditions.

Le propriétaire indivis d'un immeuble est titulaire d'un droit conditionnel qui, bien que simple germe d'un droit futur, entraîne dès à présent certaines conséquences. Il doit rétroagir si la condition vient à se réaliser. Par ailleurs, le propriétaire sous une telle condition n'a pas seulement un droit purement éventuel. Outre la rétroactivité si la condition se réalise, il est transmissible sous la même condition.

Ainsi pendant l'indivision le droit de propriété des copropriétaires est soumis à la condition des attributions qui seront faites lors du partage à intervenir. Chaque indivisaire peut donc consentir une hypothèque de sa part et même de la totalité pour le cas où l'entier immeuble lui serait attribué à cette occasion. En vertu de l'effet déclaratif du partage prévu à l'article 883 du code civil, si l'immeuble est attribué en entier au constituant de l'hypothèque il sera grevé dans la mesure où il a été hypothéqué, c'est à dire dans sa totalité au cas évoqué.
Il n'existe dès lors aucun motif qui autoriserait le conservateur à refuser ou rejeter pour ce motif un bordereau d'inscription dans lequel un indivisaire requiert, dans les conditions précitées, l'inscription d'une hypothèque sur l'entier immeuble.
2) Réponse négative.
Concernant l'application du principe d'effet relatif, le conservateur invoque, pour justifier un éventuel rejet, le paragraphe 4 de l'article 4 du décret du 14 octobre 1955 qui dispose qu' " une fiche personnelle n'est établie au nom d'un titulaire d'un droit sur un immeuble que si ce droit est actuel ou soumis à la réalisation d'une condition suspensive expressément stipulée dans un titre publié ". Il estime en effet que l'acte d'acquisition de l'immeuble, qui, seul, a fait l'objet d'une publication, ne peut être considéré comme le document visé par le texte précité, faisant expressément état du droit éventuel de chaque indivisaire sur l'ensemble de l'immeuble.
Mais ce texte, qui ne concerne que la tenue du fichier immobilier et en aucun cas l'application du principe d'effet relatif, ne saurait être invoqué pour justifier un rejet. En effet, si le projet de bordereau fait référence dans le cadre " effet relatif " à l'acte d'acquisition de l'immeuble au profit de la communauté (laquelle n'a pas de personnalité civile propre mais constitue une indivision particulière) tel qu'il a été publié, aucune discordance ou inexactitude ne peut être relevée entre ses énonciations et celles du fichier immobilier.
Pour le reste, et notamment pour la situation d'indivision qui serait celle des époux à la suite de leur divorce, il n'appartient pas au conservateur de juger le fond du droit et il sortirait de ses attributions en le faisant.
Dans ces conditions, rien ne semble s'opposer à ce que le bordereau envisagé soit publié, toutes autres conditions de sa validité étant remplies par ailleurs.

Rapprocher: Bull. art. 1161.