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ARTICLE 486

INSCRIPTION. - PUBLICATION D'ACTES.

Affectation hypothécaire portant sur un immeuble provenant d'une donation et grevée du droit de retour du donateur.
Renonciation par le donateur à son droit de retour au profit du créancier.

I. - Inscription requise à la fois contre le donataire et le donateur. - Régularité.
II. - Autre mode de publication de la renonciation.

(Rép. Min. Justice, 28 juin 1961.)

Question. - M. Caillemer expose à M. le Ministre de la Justice qu'aux terme d'une donation-partage il a été attribué en pleine propriété à l'un des donataires un immeuble avec réserve du droit de retour conventionnel par les donateurs et interdiction de vendre, d'aliéner ou d'hypothéquer durant la vie de ces derniers sans leur consentement ; que par la suite, de donataire a hypothéqué l'immeuble à lui attribué en donation-partage et les donateurs ont renoncé, au profit du créancier seulement, à leur droit de retour et à l'interdiction d'aliéner et d'hypothéquer; que l'inscription a été prise au bureau des hypothèques contre le seul donataire. Il lui demande : 1° si l'inscription ne devait pas être prise légalement contre les donateurs en raison du retour conventionnel leur appartenant sur l'immeuble et aussi de l'interdiction d'aliéner ou d'hypothéquer durant leur vie; 2° si, dans la négative, la renonciation au droit de retour et à l'interdiction d'aliéner ou d'hypothéquer ne devait pas être publiée en même temps que l'inscription. Enfin, il est à remarquer que le fait de prendre l'inscription contre le donataire seulement sans publicité préalable de la renonciation au droit de retour conventionnel et à l'interdiction de vendre ou d'hypothéquer, risque d'avoir les conséquences les plus graves en cas d'exercice du retour conventionnel par les donateurs et de la vente de l'immeuble par ces derniers. En effet, l'immeuble revenant aux donateurs par le seul fait du décès du donataire, l'acquéreur de l'immeuble n'a pas à requérir d'état du chef du donataire décédé et, par suite, l'inscription prise contre ce dernier risque d'être ignorée de l'acquéreur qui se trouve ainsi de bonne foi.

Réponse. - La question posée appelle, sous la double réserve de l'interprétation souveraine des tribunaux et de la portée véritable des diverses conventions intervenues entre les parties, la réponse suivante : 1° il semble que, dans le cas d'espèce auquel se réfère la question, les donateurs n'aient pas renoncé à leur droit de retour, mais qu'ils aient seulement consenti, en acceptant que le donataire affecte l'immeuble à un créancier hypothécaire, à ce que l'immeuble leur revienne, éventuellement, grevé d'une hypothèque déterminée. Leur acceptation peut, .en conséquence, s'analyser en une affectation hypothécaire de l'immeuble par eux-mêmes pour le cas où le retour aurait lieu avant que l'inscription prise à l'encontre du donataire ait cessé d'être utile. Elle peut également s'analyser en une confirmation de l'affectation hypothécaire qui, sans cela eut été entachée de nullité. Dans les deux cas, la renonciation pourrait. être publiée au moyen d'une inscription prise du chef des donateurs ; 2° à défaut d'une telle inscription, il semble que l'acte constatant la renonciation pourrait être également publié du chef des donateurs en tant qu'acte constitutif d'un droit réel ; 3° si la convention d'affectation hypothécaire n'a donné lieu, comme en l'espèce,·qu'à inscription contre le donataire, cette inscription ne sera délivrée, sur réquisition formulée du chef d'une personne déterminée, que si cette réquisition concerne ce donataire. Dans le cas où la renonciation aurait été publiée de l'une ou l'autre des manières indiquées au 1° et 2° ci-dessus, l'inscription ou la publication opérée du chef des donateurs serait révélée sur réquisition de délivrance des formalités de cette nature accomplies de leur chef. Par ailleurs, si l'immeuble était situé dans une commune, à cadastre rénové, une réquisition de renseignements formulés sur cet immeuble, sans indication de personne, dans les conditions prévues aux articles 4 paragraphe I. 3°, et 41 alinéa 1er C, du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955, permettrait d'obtenir la délivrance aussi bien de l'inscription unique qui aurait été prise contre le donataire que de l'inscription ou de la publication qui aurait été opérée du chef des donateurs. Il semble enfin, sous réserve de circonstances établissant la mauvaise foi de l'une ou de l'autre des parties ou une faute imputable au rédacteur de l'un des actes, que dans le cas où aucune inscription ou publication n'a été requise du chef des donateurs, le conflit entre le sous-acquéreur de l'immeuble et le créancier hypothécaire doive être résolu en faveur du premier. En effet, l'hypothèque n'a pu être valablement consentie à l'encontre des donateurs que, dans la mesure où ces derniers ont renoncé à se prévaloir des dispositions de l'article 952 du Code Civil ; le créancier hypothécaire et les ayants cause à titre particulier des donateurs doivent ainsi être considérés comme des tiers qui tiennent à leurs droits d'un même auteur. en l'espèce des donateurs ; le créancier ne peut donc se prévaloir de l'hypothèque à l'encontre du sous-acquéreur que dans la mesure où l'acte de renonciation des donateurs a été publié du chef de ces derniers (J.O. 28 juin 1961, Déb. Ass. Nat. p. 1321).

Observations. - I. - Le donateur qui, dans l'acte de donation, s'est réservé le droit de retour sur l'immeuble donnés possède sur cet immeuble un droit de propriété conditionnel.

Au cas où ce donateur apporte un concours à l'affectation hypothécaire consentie par le donataire sur l'immeuble donné et s'engage à ne pas opposer son droit au retour au bénéficiaire de l'affectation, l'hypothèque se trouve grevée à la fois du droit de propriété actuel du donataire et du droit de propriété éventuel du donateur.

Nous avons déjà eu à envisager la situation analogue qui se présente au cas où le titre du propriétaire peut éventuellement être résolu, notamment par application soit de l'article 1099, 2° ali., du Code Civil, sur les donations déguisées entre époux, soit de l'article 106 du décret n° 55-583 du 20 mai 1955 relatif à la faillite et au règlement judiciaire. Nous avons alors exprimé l'avis que l'inscription pouvait être régulièrement requise à la fois contre le propriétaire actuel et contre le propriétaire éventuel (Bull. A.M.C. art. 272).

Par identité de motifs, nous estimons, au cas visé dans la question écrite ci-dessus, que l'inscription peut être prise à la fois contre le donataire et contre le donateur.

II. - D'après la réponse ministérielle, l'inscription à prend contre le donateur pourrait être remplacée par la publication de l'acte constatant la renonciation au droit de retour consentie au profit du créancier. A la vérité, il semble douteux que cette dernière manière de procéder soit efficace.

Comme le constate la réponse du Département de la Justice., la renonciation dont il s'agit équivaut à l'affectation hypothécaire du droit de propriété éventuel du donateur. Or, ce droit hypothécaire ne peut être rendu opposable aux tiers qu'au moyen d'une inscription requise dans les conditions prévues par l'art. 2148 du Code Civil, seul moyen prévu par la loi, et non par la publication de l'acte d'affectation.

Toutefois, si la publication de l'acte de renonciation était requise, le conservateur devrait, à notre avis, accomplir la formalité sans se faire juge de son efficacité.

Annoter : C.M.L., 2° éd. n° 512 A (feuilles vertes) et 593

Voir AMC n° 1291.