Retour

ARTICLE 579.

PUBLICATION D'ACTES

Authenticité obligatoire.
Acte sous seing privé déposé en l'étude d'un notaire avec reconnaissance d'écriture et de signature.

Dépôt effectué par un mandataire muni de pouvoirs sous seing privé.

(Rép. Min. Fin. et Aff. Econ 9 avril 1964.)

M. Zuccarelli expose à M. le Ministre des Finances et des Affaires Economiques que, dans une réponse à une question n° 11057 parue au Journal Officiel (débats A.N. du 19 août 1961, p. 2143) (1 Bull. A.M.C., art. 499.), son prédécesseur a estimé que les conservateurs des hypothèques n'étant pas juges de la validité des titres qu'ils sont requis de publier ne sauraient refuser le dépôt d'un acte notarié au motif que les procurations données pour représenter les parties à l'acte sont sous seings privés, sauf toutefois lorsqu'il s'agit d'un acte dont l'authenticité est exigible par la loi en vue d'assurer soit la sincérité de l'acte dans un intérêt d'ordre public, soit la protection du consentement d'une partie. M. le Ministre de la Justice avait déjà exprimé le même point de vue dans une réponse à une question n° 7578 parue au Journal Officiel (débats A.N. du 7 septembre 1957, p. 4074) (2 Bull. A.M.C., art. . 499). La règle générale ainsi énoncée vient de cesser d'être appliquée par certains conservateurs en matière d'actes de dépôt aux minutes aux fins de reconnaissance d'écritures et de signatures. Ils exigent, lorsque les parties ne se présentent pas personnellement devant le notaire, que leurs mandataires présentent une procuration notariée, Les conservateurs obéissent d'ailleurs en cela aux prescriptions de la circulaire administrative n. 71, n. 5 b, qui conseille aux conservateurs de faire preuve de prudence en la matière et de ne donner la formalité qu'aux actes qui, déposés et reconnus par des mandataires, présentent au moins les caractères apparents de l'authenticité. Il semble qu'il y ait contradiction en cela avec la règle énoncée plus haut. Pour justifier la position de l'Administration, on tire argument du fait que, si l'acte sous seings privés était dénié ou méconnu, la reconnaissance d'écritures et de signatures effectuée en vertu du mandat sous seing privé ne serait pas authentifiée. La critique est certainement valable pour les pouvoirs aux fins de dépôt donnés dans l'acte lui-même, mais l'acte sous seing privé ne peut être dénié lorsque les parties ont donné par acte distinct mandat de le reconnaître, que cet acte distinct soit notarié ou sous seing privé; et la convention déposée est alors parfaitement authentique si le mandat sous seing privé n'est pas lui-même dénié. Et, quant au risque que fait courir cette dernière éventualité il rentre, ainsi que des réponses ministérielles l'ont plusieurs fois reconnu, dans le cadre général de la responsabilité notariale,. échappant à l'appréciation du conservateur qui, s'il refuse toute valeur à une procuration non authentique, doit le faire dans tous les cas d'actes notariés passés sur procuration et non dans un seul cas particulier. Sur le plan de l'application pratique en Corse, le retour demandé à la règle générale paraît des plus opportuns.. En effet, du fait du morcellement de la propriété, la transmission de portions infimes d'immeubles ne peut se faire que par des actes sous seing prive à déposer par mandats eux-mêmes sous seing privé. Les parties ne voulant pas effectuer de déplacements qui parfois absorberaient le prix. Il semble qu'il serait donc parfaitement légal et au surplus de l'intérêt général de laisser, ainsi d'ailleurs qu'il avait été fait dans le passé, les notaires libres d'accepter, sous leur responsabilité personnelle, les procurations sons seing privé aux fins de dépôts d'actes sous seing privé à publier. Il lui demande de lui préciser sa position sur le problème ainsi évoqué.

Réponse. - Les deux réponses et la circulaire visées par l'honorable parlementaire ont, en réalité, la. portée suivante : La première réponse citée rappelle la règle générale d'après laquelle les conservateurs des hypothèques ne sauraient exiger que les procurations données par les parties à des tiers à l'effet de les représenter dans des actes constatant la mutation de droits réels immobiliers fussent dressées en la forme authentique, même si la législation civile imposait le recours à pareille forme. Il n'en serait autrement qu'au cas où, renfermant des dispositions " sujettes à publicité ", ces procurations feraient elles-mêmes l'objet d'une réquisition de publication (décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, art. 4, alinéa 1). Comme la seconde, qu'elle vise d'ailleurs, cette même réponse fait mention des dispositions de la législation civile à seule fin de préciser les obligations des rédacteurs des actes. Mais les conservateurs n'ont pas à se faire juges de la validité ou de la régularité des actes dont il s'agit et doivent se borner à vérifier que ceux-ci présentent bien les " caractères matériels apparents de l'authenticité ". En revanche, la question de savoir si la reconnaissance d'écritures et de signatures prévue à l'art. 68, paragraphe 1 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 est valable lorsqu'elle émane d'un mandataire (et, dans l'affirmative, si le mandat peut-être constaté en la forme sous seing privé) intéresse directement les conservateurs, car la solution qu'elle comporte permet seule de décider si l'acte à publier satisfait ou non aux conditions de forme auxquelles est subordonnée son admission à la formalité. En raison de son caractère exceptionnel, cette dernière disposition doit, en principe, être interprétée de façon littérale. Aussi bien, M. le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a-t-il exprimé l'avis que la reconnaissance - qui ne lui semblait pas, du reste, de nature à se faire par mandataire - devait être effectuée par les parties elles-mêmes (cf. réponse à M. Jean Chamant, député : Journal Officiel, débats de l'Assemblée Nationale, 8 février 1957, p. 754, colonne 1) (3 Bull. A.M.C. art. 329). Mais l'opinion inverse, suivant laquelle la reconnaissance pourrait faire l'objet d'un mandat (rapp. req. ,25 janvier 1927, S. 1927, I, 237) ne paraissant pas devoir être nécessairement écartée, l'Administration a recommandé aux conservateurs non point, comme l'expose la question reproduite ci-dessus, de se montrer très strict en la matière, mais, au contraire, " de faire preuve de prudence " tant que le doute n'aura pas été levé par les tribunaux et de " donner la formalité aux actes qui, déposés et reconnus par des mandataires, présentent au moins les caractères matériels apparents de l'authenticité " (circulaire des " Solutions diverses " (71, n. 5 b). En particulier, il ne semble pas, à défaut de jurisprudence à cet égard, qu'il puisse être fait grief à un conservateur de donner la formalité à un acte de dépôt-reconnaissance établi sur la comparution de mandataires munis de pouvoirs sous seing privé. Quoi qu'il en soit, il incombe aux notaires d'apprécier, sous leur propre responsabilité, s'ils sont ou non fondés à rédiger un tel acte. Il est fait observer que les parties désireuses d'éviter un déplacement ont la possibilité de se faire représenter à un acte notarié de mutation, sans qu'il en résulte pour elles des frais supplémentaires, puisque l'émolument dut au notaire en cas de dépôt-reconnaissance d'une convention sous signatures privées " est celui auquel aurait donné lieu l'acte authentique contenant la même convention " (art. 78 A du tableau annexé au décret modifié du 29 septembre 1953 fixant le tarif des notaires) (J.O. 9 avril 1964, Déb. Ass. Nat., p. 678-679).

Observations. - Dans les Observations dont nous avons fait suivre dans l'art. 329 du Bulletin, la réponse de M. le Garde des Sceaux du 8 février 1957, nous avons exprimé l'avis que la reconnaissance d'écriture et de signature accompagnant le dépôt d'un acte sous signatures privées au rang des minutes d'un notaire pouvait être faite par mandataire (Rapp. : Note publiée au Recueil des Solutions diverses, § LXXI, n° 5 b). Mais nous avons estimé que le mandat donné à cet effet par les parties à l'acte sous seings privés devait être notarié.

Comme l'expriment MM. Jacquet et Vétillard (Introduction, n° 11 , page 15), ce qui doit être constaté authentiquement, c'est la volonté des parties à l'acte à déposer de conférer l'authenticité à cet acte. Or, cette volonté se trouve exprimée, non dans l'acte de dépôt auquel les intéressés ne comparaissent pas personnellement mais bien dans le mandat.

Il importe toutefois d'observer que ces auteurs visent spécialement le car d'une mainlevée d'hypothèque qui, aux termes de l'art. 2158 du Code Civil, doit obligatoirement être constatée en la forme authentique.

Pour ce qui concerne les actes pour lesquels la forme authentique n'est pas obligatoire, on peut se demander si la situation n'est pas différente. Les parties à un acte notarié de cette nature peuvent en effet se faire représenter par un mandataire muni de pouvoirs sous seings privés, sans que cette circonstance empêche l'acte ainsi établi d'acquérir le caractère authentique.

Or si, dans un acte authentique, le consentement des parties peut être apporté par un mandataire habilité par un pouvoir sous seing privé, il n'y a pas. semble-t-il, de raison de se montrer plus exigeant lorsqu'il s'agit pour le mandataire, non plus d'exprimer le consentement de son mandant, mais seulement de reconnaître que le consentement précédemment constaté dans un acte sous seings privés antérieur émane bien de ce mandant.

Quoiqu'il en soit, il s'agit là d'une difficulté au sujet de laquelle le conservateur n'a pas à prendre parti. Ainsi que le rappelle la réponse ministérielle, c'est au notaire qu'il appartient d'apprécier, sous sa propre responsabilité, les conditions dans lesquelles il peut recevoir l'acte de dépôt-reconnaissance. En toute hypothèse, il confère à l'acte déposé au moins les apparences de l'authenticité qui permettent au conservateur d'en accepter la publication. Rappr. Bull. A.M.C., art. 329, in fine.)

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 488 A (feuilles vertes).