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ARTICLE 645

INSCRIPTIONS. - PUBLICATION D'ACTES. - RADIATIONS.

Actes provenant de l'étranger et, spécialement, des pays précédemment placés sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France.

Depuis l'accès à l'indépendance des pays précédemment placés, sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, le Sous-Comité Juridique a été consulté à plusieurs reprises au sujet des conditions dans lesquelles pouvaient être requises des inscriptions et des radiations en vertu d'actes d'affectation hypothécaire ou de mainlevée passés dans ces pays, ou publiés les autres actes passés dans les mêmes pays.

Avant d'examiner la difficulté, il importe de rappeler d'abord les règles du droit commun concernant les actes passés sur le territoire des Etats étrangers, parmi lesquels il faut maintenant ranger les Etats nouvellement indépendants, et d'examiner ensuite dans quelle mesure ces règles se trouvent modifiées par les conventions passées entre la France et les Etats étrangers, et spécialement les nouveaux Etats indépendants.

I. - REGIME DE DROIT COMMUN.

A. - Inscriptions. - L'article 2128 du Code civil dispose que " les contrats passés en pays étrangers ne peuvent donner d'hypothèque sur les biens de France, s'il n'y a des dispositions contraires à ce principe dans les loi politiques ou dans les traités ".

De son côté, l'article 4, 3° alinéa, du décret du 4 janvier 1955 modifié par l'article premier du décret n° 59-89 du 7 janvier 1959 précise que " les actes reçus par les officiers publics ou ministériels étrangers et les décisions rendues par les juridictions étrangères ne peuvent constituer le titre d'une inscription de privilège ou d'hypothèque que s'ils ont été légalisés par un fonctionnaire qualifié du ministère français des affaires étrangères (1) et déposés au rang des minutes d'un notaire français ou s'ils ont été rendus exécutoires en France ".

(1) Lorsqu'un acte public étranger doit être produit en France, la signature de l'officier public ou ministériel qui l'a établi doit être légalisée par le consul de France dans la circonscription duquel cet officier public ou ministériel exerce ses fonctions (Déc. N° 46-2390 du 23 octobre 1946). Sous le régime antérieur au décret N° 65-283 du 12 avril 1965, la signature du consul devait être elle-même légalisée par le Ministre des Affaires étrangères ou par un fonctionnaire désigné par lui à cet effet. L'article 1er du décret sus-visé du 12 avril 1965 a supprimé cette dernière législation (Bull. A.M.C., art. 618), mais la signature de l'officier public ou ministériel étranger doit, comme par le passé, être légalisée par le consul de France.

Comment concilier ces deux dispositions? Deux interprétations sont possibles.

On peut, dans une première interprétation, considérer que l'article 4, 3° alinéa du décret du 4 janvier 1955 laisse intactes les dispositions de l'article 2128 du Code civil et ne régit que les actes passés à l'étranger qui, en vertu de dérogations audit article 2128 résultant de traités diplomatiques (ltalie, Suisse ; V°. Précis Chambaz, Masounabe-Puyanne et Leblond, 2° éd., n° 250), peuvent former le titre d'une hypothèque. C'est en vertu de ces seuls actes qu'une inscription pourrait être requise, à la condition qu'ils aient été légalisés et déposés au rang des minutes d'un notaire français ou rendus exécutoires en France.

On peut également soutenir que l'article 4, 3° alinéa, du décret du 4 janvier 1955, lequel a la force obligatoire d'un texte législatif, a dérogé à l'article 2128 du Code civil et que désormais tous les actes passés à l'étranger peuvent former le titre d'une hypothèque en France lorsqu'ils satisfont aux conditions précitées.

Cette dernière interprétation, conforme à la lettre du 3° alinéa de l'article 4 du décret du 4 janvier 1955, peut être défendue avec des arguments suffisamment sérieux pour que les conservateurs ne l'écartent pas et ne prennent pas la responsabilité de refuser l'inscription d'une hypothèque constituée par un acte passé dans un pays étranger quel qu'il soit, pourvu que cet acte soit légalisé et déposé au rang des minutes d'un notaire français ou rendu exécutoire en France et qu'il soit accompagné, le cas échéant d'une traduction en langue française certifiée de la manière indiquée au 3° alinéa de l'article 4 précité.

Les observations qui précèdent doivent-elles être étendues aux procurations données, à l'étranger pour consentir une affectation hypothécaire devant un notaire français ? Pour ce qui concerne l'article 2128 du Code civil, on admet, probablement en raison du caractère exceptionnel de la disposition qui déroge à la règle " locus regit actum ", qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une affectation hypothécaire soit consentie devant un notaire français par un mandataire tenant ses pouvoirs d'un acte passé à l'étranger (Planiol et Ripert, t. XII, n° 456 ; Jurisclasseur civil, art. 2128, n° 1 et 6). Il n'y a pas les mêmes raisons d'écarter l'application du 3° alinéa de l'article 4 du décret du 4 janvier 1955 et il semble que la procuration donnée en vue de la constitution d'une hypothèque, qui renferme le consentement du débiteur, doit, lorsqu'elle est passée à l'étranger, satisfaire aux prescriptions du texte en cause. On notera d'ailleurs que les procurations dont il s'agit sont nécessairement déposées au rang des minutes d'un notaire français, puisqu'elles sont annexées à l'acte d'affectation hypothécaire et que leur légalisation par le Consul de France est obligatoire, en toute hypothèse, en application des dispositions concernant la production en France des actes passés à l'étranger (V. note 1 ci-dessus ; Jacquet et Vétillard, Introduction n° 18, Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 874).

B. - Radiations. Il n'existe pas, en matière de radiations de disposition analogue à l'article 2 1 28 du Code civil. Par application de la règle " locus regit actum ", une mainlevée dressée à l'étranger en la forme notariée est valable en France et il en est de même du pouvoir pour donner mainlevée consentie en la même forme à l'étranger (Jacquet et Vétillard, Introduction, n° 16-1, Précis Chambaz et Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 865).

Comme par ailleurs les actes de mainlevée ne sont pas visés par l'article 4, 3° alinéa du décret du 4 janvier 1955, il suffit, pour qu'ils puissent être exécutés par le conservateur, qu'ils soient légalisés par le Consul de France, ainsi éventuellement que les procurations qui les accompagnent, conformément au droit commun concernant la production en France des actes passés à l'étranger.

Il va de soi, bien qu'aucun texte ne le stipule explicitement, que les actes de mainlevée et les procurations rédigés en langue étrangère doivent être accompagnés d'une traduction en langue française. Cette traduction doit, comme pour les actes soumis à publication, être établie par un interprète habituellement commis par les tribunaux ou certifiée par un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères (Rapp. Jacquet et Vétillard, Introduction, n° 20 ; Précis Chambaz et ¨Masounabe-Puyanne, 2° éd., n° 865).

C. - Publications. - La seule disposition régissant la publication des actes passés à l'étranger est le 3° alinéa de l'article 4 du décret du 4 janvier 1 955. En vertu de ce texte, il suffit, pour qu'un acte passé à l'étranger puisse être publié, ou bien qu'il soit légalisé par le Consul de France ( 1 ) et déposé au rang des minutes d'un notaire français (sans reconnaissance, d'écriture et de signature), ou bien qu'il soit rendu exécutoire en France, et que, le cas échéant, il soit accompagné d'une traduction en langue française certifiée par un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères ou par un interprète habituellement commis par les tribunaux.

( 1 ) V. la note 1, sous le § I ci-dessus

II. - REGIMES RESULTANT DE CONVENTIONS DIPLOMATIQUES.

Les règles énoncées ci-dessus doivent, pour certains pays étrangers, être combinées avec les dispositions des conventions diplomatiques conclues par les gouvernements de ces pays avec le Gouvernement français.

A. - Pays Européens. - Une convention conclue à La Haye le 5 octobre 1961 et annexée à un décret n° 65-57 du 22 janvier 1965, publié au Journal Officiel du 28, p. 758, a dispensé de la légalisation les actes produits en France et passés sur le territoire de la République Fédérale allemande, de l'Autriche, de la Finlande, de la Grande-Bretagne, de la Grèce, de l'Italie, du Liechtenstein, du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Suisse, de la Turquie, et de la Yougoslavie.

En conséquence, les actes originaires de ceux de ces pays qui ont déjà ratifié la convention et les procurations qui les accompagnent peuvent former le titre d'une inscription ou être publiés à la seule condition d'avoir été déposés au rang des minutes d'un notaire français ou d'avoir été déclarés exécutoires en France. De même, les actes de mainlevées et les procurations, données en vue de consentir ces actes dressés dans les mêmes pays peuvent servir de titre a une radiation sans avoir été légalisés.

La dispense n'est cependant pas pure et simple. Aux termes des articles 3 et 4, la légalisation est remplacée par une " apostille " d'un modèle uniforme fixé par la convention et délivrée par l'autorité compétente de l'Etat dont émane le document.

La convention est entrée en vigueur le 24 janvier 1965 pour ce qui concerne la France, la Grande-Bretagne et la Yougoslavie. Son application sera étendue aux autres Etats signataires au fur et à mesure qu'ils la ratifieront et déposeront les instruments de ratification au ministère des affaires étrangères des Pays-Bas (art. II de la Convention).

B. - Pays précédemment placés sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France. - Ces pays devenus indépendants, ont, pour la plupart, conclu avec la France un certain nombre de conventions et en particulier, des accords de coopération en matière de justice qui réglementent notamment l'exécution en France des actes passés sur leur territoire et réciproquement.

Des conventions de l'espèce ont été conclues entre la France et les Etats suivants :

1. Maroc (Convention du 5 octobre 1957, publiée par un décret n° 60-11 du 12 janvier 1960, Journal Off. du 14 janvier 1960, J.C.P. 1960 III, 25994) ;

2. Madagascar (Convention du 27 juin 1960, publié par un décret n° 60-692 du 19 juillet 1960 : Journal Off. du 20 juillet 1960, p. 6616, J.C.P. 1960 III 25890) ;

3. Cameroun (Convention du 13 novembre 1960, publiée par un décret n° 61-877 du 31 juillet 1961, Journal Off. du 9 août 1961, p. 7443, J.C.P. 1961 III, 272220 bis);

4. Côte d'Ivoire (Convention du 24 avril 1961 publiée par un décret n° 62-136 du 23 janvier 1962, Journal Off. du 6 février 1962, p. 1267, J.C.P. 1962 III, 27706) ;

5. Dahomey (Convention du 24 avril 1961 publiée par le même décret, Journal Off. du 6 février 1962, p. 1282 et 1283, J.C.P. 1962 III, 27706) ;

6. Niger (Convention du 24 avril 1961, publiée par le même décret, Journal Off. du 6 février 1962, p. 1300 et 1301, J.C.P. 1962 III, 27706) ;

7. Haute-Volta (Convention du 24 avril 1961, publiée par le même décret, Journal Off. du 6 février 1962, p. 1312 et 1313, J.C.P. 1962 III, 27706) ;

8. Mauritanie (Convention du 19 juin 1961, publiée par un décret n° 62-137 du 24 janvier 1962, Journal Off du 6 février 1962, p. 1332 et 1333, J.C.P. 1962 III, 27707) ;

9. Mali (Convention du 9 mars 1962, publiée par un décret n° 64-694 du 17 juin 1964, Journal Off. du l0 juillet 1964, p. 6128, J.C.P. 1964 III, 30405) ;

10. Congo-Brazzaville (Convention du 18 mai 1962, publiée par un décret n° 65-81 du 28 janvier 1965, Journal Off. du 5 février 1965, J.C.P. 1965 III, 30820) ;

11. Sénégal (Convention du 14 juin J962, publiée par un décret n° 65-193 du 25 février 1965, Journal Off. du 13 mars 1965, J.C.P. 1965 III. 30884) ;

12. Algérie ¨(première Convention du 28 août 1962, publiée par un décret n° 62-1020 du 29 août 1962, Journal Off. du 30 août 1962 ; deuxième convention du 27 août 1964, publiée par un décret n° 65-679 du 11 août 1965, Journal Off. du 17 août 1965, J.C.P. J965 III, 31306) ;

13. Togo (Convention du 10 juillet 1963, publiée par un décret n° 64-1523 du 5 juin 1964, Journal Off du 10 juin 1965 ; Rectif. au Journal Off. du 17 juin 1964, J.C.P. 1964 III, 30194 bis) ;

14. Gabon (Convention du 23 juillet 1963, publiée par un décret n° 65-169 du 25 février 1965, Journal Off. du 2 mars 1965, p. J965 III, 30865).

Ces conventions ne sont pas toutes établies sur le même modèle. Pour en examiner la portée, il faut distinguer selon les termes en lesquelles elles sont rédigées.

1. Algérie, Côte d'Ivoire, Dahomey, Niger, Haute-Volta, Mauritanie, Mali , Congo-Brazzaville, Sénégal, Gabon. - Les Conventions passées avec ces pays contiennent deux ordres de dispositions. Une première disposition (article 36 de la première Convention avec l'Algérie ; article 21 des Conventions avec la Côte d'Ivoire, le Dahomey, le Niger, la Haute-Volta et la Mauritanie ; article 24 de la Convention avec le Mali ; article 18 de la Convention avec le Congo-Brazzaville ; article 20 de la Convention avec le Sénégal ; article 19 de la Convention avec le Gabon) est ainsi conçue :

" Seront admis sans légalisation sur les territoires respectifs de la République Française et de la République... les documents suivants établis par les autorités de chacun des deux Etats :

" Les expéditions des actes de l'état civil... ;

" Les expéditions des décisions, ordonnances, jugements, arrêts et autres actes judiciaires des tribunaux français et... ;

" Les déclarations écrites ou autres documents judiciaires enregistrés ou déposés dans ces tribunaux ;

" Les actes notariés ;

" Les certificats de vie des rentiers viagers ;

Les documents énumérés ci-dessus devront être revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et, s'il s'agit d'expéditions, être certifiés conforme à l'original par ladite autorité. En tout état de cause, ils seront établis matériellement de manière à faire apparaître leur authenticité. "

A s'en tenir à cette seule disposition, les actes passés dans les pays dont il s'agit pourraient former le titre d'une hypothèque en France ou y être publiés à la seule condition d'être soit déposés au rang des minutes d'un notaires français, soit rendus exécutoires en France. Les actes de mainlevée dressés dans les mêmes pays seraient, de leur côté, purement et simplement dispensés de légalisation. C'est cette dernière opinion que nous avions cru pouvoir exprimer au sujet des actes de mainlevée passés au Sénégal (V. Bull. A.M.C., article 598).

Mais les conventions en cause renferment une autre disposition (article 9 de la deuxième Convention avec l'Algérie ; article 44 des Conventions avec la Côte d'Ivoire, le Dahomey, le Niger, la Haute-Volta et la Mauritanie ; article 39 de la Convention avec le Mali ; article 40 de la Convention avec le Congo-Brazzaville ; article 35 de la Convention avec le Sénégal ; article 42 de la Convention avec le Gabon), à laquelle dispose :

" Les hypothèques terrestres conventionnelles consenties dans l'un des deux pays seront inscrites et produiront effet dans l'autre seulement lorsque les actes qui en contiennent la stipulation auront été rendus exécutoires par l'autorité compétente, d'après la loi du pays où l'inscription est demandée.

" Cette autorité vérifie seulement si les actes et les procurations qui en sont le complément réunissent toutes les conditions nécessaires pour leur validité dans le pays où ils ont été reçus.

" Les dispositions qui précèdent sont également applicables aux actes de consentement à radiation ou à réduction passés dans l'un des deux pays. "

Pour ce qui concerne les inscriptions, ce texte paraît bien avoir pour objet de déroger à l'article 2128 du Code civil français et laisse dès lors supposer que les rédacteurs des conventions ont adopté l'interprétation selon laquelle cet article n'a pas été abrogé par l'article 4, 3° alinéa, du décret du 4 janvier 1955 (V. ch. I, § I, supra). Pour ce qui est des radiations, il innove franchement. Il en résulte que les actes d'affectation hypothécaire passés dans les pays en cause ne peuvent plus être produits en France à l'appui d'une inscription hypothécaire et que les actes de mainlevée établis dans les mêmes pays ne peuvent plus justifier une radiation en France qu'à la condition d'avoir été rendus exécutoires par l'autorité compétente, c'est-à-dire, selon une autre disposition des conventions, par le Président du tribunal de Grande Instance. Les intéressés n'ont plus le choix entre cet exequatur et le dépôt au rang des minutes d'un notaire.

Le régime institué par les conventions examinées se révèle ainsi plus rigoureux, pour ce qui concerne les inscriptions et les radiations, que le régime du droit commun applicable aux actes provenant de l'étranger. Ce résultat ne correspond probablement pas aux intentions des auteurs des conventions ; mais la disposition en cause l'impose d'une manière trop explicite pour que l'on puisse envisager de l'écarter.

Cette disposition ne vise pas par contre les publications. Celles-ci ne sont régies que par l'article de chaque convention dispensant les actes de légalisation. Il n'est dès lors plus nécessaire que les actes passés dans les pays sus-visés soient rendus exécutoires pour pouvoir être publiés ; il suffit qu'ils soient déposés en l'étude d'un notaire français.

Les dispositions qui précèdent régissent elles aussi les procurations données dans un des pays signataires des conventions pour consentir une affectation hypothécaire ou une radiation devant un notaire français ?

On a vu ci-dessus (ch. I, § I) que, selon l'opinion des auteurs, l'article 2128 du Code civil, en raison, semble-t-il, de son caractère dérogatoire au droit commun, devait être interprété restrictivement et ne s'appliquait pas aux procurations.

Or la disposition des conventions qui exige que soient rendus exécutoires en France les actes contenant constitution d'une hypothèque ou mainlevée d'une inscription hypothécaire paraissent bien déroger également au droit commun, étant donné que ce qui est nécessaire, pour que l'hypothèque soit valablement constituée ou la mainlevée valablement consentie, c'est la force probante de l'acte authentique et non sa force exécutoire (V. de Lapradelle et Niboyet, Répertoire de droit international, V° acte passé à l'étranger, n° 39). On pourrait dès lors en conclure que la disposition dont il s'agit ne doit pas non plus être étendue aux procurations.

Il faut toutefois observer que, selon le 2° alinéa de cette disposition, lorsque l'exequatur est demandé, l'examen de l'autorité compétente (c'est-à-dire, en France, du Président du tribunal de Grande Instance) porte non seulement sur les actes constitutifs d'hypothèque ou sur les actes de mainlevée, mais aussi: sur " les procurations qui en sont le complément ". Or, si, au cas de constitution ou de mainlevée d'hypothèque consentie par mandataire dans un des pays avec lesquels ont été passées les conventions en cause, le Président du tribunal doit s'assurer de la régularité de la procuration, ne peut-en pas soutenir qu'il y a les mêmes raisons de soumettre à son examen la procuration donnée dans l'un de ces pays pour consentir une hypothèque ou une mainlevée devant un notaire français ? La disposition en cause ne vise cependant que le cas où la procuration forme le complément d'un acte soumis à exequatur .

On pourrait par ailleurs se demander si la difficulté n'est pas résolue par une autre disposition des conventions (article 8 de la 2° Convention avec l'Algérie, article 43 des Conventions avec la Côte d'Ivoire, le Dahomey, le Niger, la Haute-Volta et la Mauritanie, article 38 de la Convention avec le Mali, article 39 de la Convention avec le Congo-Brazzaville, article 33 de la Convention avec le Sénégal, article 41 de la Convention avec le Gabon) ainsi conçue :

" Les actes authentiques, notamment les actes notariés, exécutoires dans l'un des deux Etats sont déclarés exécutoires dans l'autre par le Président de la juridiction visée à l'article...., conformément à la loi de l'Etat où l'exécution doit être poursuivie.

" Cette autorité vérifie seulement si les actes réunissent les conditions nécessaires à leur authenticité dans l'Etat où ils ont été reçus et si les dispositions dont l'exécution est poursuivie n'ont rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où l'exequatur est requis ou aux principes de droit public applicables dans cet Etat. "

On pourrait être tenté de penser qu'il résulte de ce texte que les procurations données dans les pays étrangers signataires des conventions pour constituer une hypothèque en France ou y consentir une mainlevée doivent être rendus exécutoires comme l'acte constitutif de l'hypothèque ou l'acte de mainlevée lui-même.

C'est cependant douteux. Il semble bien en effet que le texte en "cause ne concerne que les actes renfermant un engagement pouvant faire l'objet d'une exécution forcée (V. de Lapradelle et Niboyet, Répertoire de droit international, V° acte passé à l'étranger, n° 51 et suiv.), ce qui exclut en particulier les procurations.

Dans ces conditions, en raison de l'imprécision des textes en cause, on croît devoir conseiller aux collègues de s'en rapporter à l'opinion des notaires chargés de dresser les actes de constitution d'hypothèque ou de mainlevée et de ne pas contester leur interprétation lorsqu'ils estimeront pouvoir établir ces actes en vertu d'une procuration consentie dans un des pays signataires des conventions sans exiger qu'elle soit rendue exécutoire par le Président du tribunal de Grande Instance.

Il faudra cependant, dans le cas d une affectation hypothécaire, que la procuration soit déposée en l'étude d'un notaire, condition à laquelle il sera satisfait par l'annexe de cette procuration à l'acte de constitution d'hypothèque (V. ch. 1, § I, supra).

2. - Madagascar, Cameroun , Togo. - Les conventions passées avec ces trois pays reproduisent l'article des conventions conclues avec les pays désignés au n° 1 qui précède concernant la dispense de légalisation (article 21 de l'annexe I à la Convention avec Madagascar ; article 23 de la Convention avec le Cameroun ; article 23 de la Convention avec le Togo). Par contre, ils ne renferment pas de disposition concernant spécialement les actes ayant pour objet la constitution d'une hypothèque ou une radiation.

Par suite, le régime résultant des conventions passées avec Madagascar, le Cameroun et le Togo ne diffère du régime de droit commun (V. ch. I, ci-dessus) qu'en ce qui concerne la légalisation qui n'a pas à être exigée lorsqu'elle est prévue.

En conséquence, les actes de constitution d'hypothèque dressés à Madagascar, au Cameroun ou au Togo peuvent permettre une inscription en France à la seule condition d'avoir été, soit déposés en l'étude d'un notaire français, soit rendus exécutoires en France. De leur côté, les actes de mainlevée dressés dans les mêmes pays peuvent donner lieu à une, radiation en France dans les mêmes conditions que s'ils avaient été établis par un notaire français. Quant aux procurations qui les accompagnent, il suffit qu'elles aient été déposées en l'étude d'un notaire français, lorsqu'il s'agit d'une constitution d'hypothèque, condition qui se trouve réalisée par leur annexe à l'acte concernant cette constitution; elles ne sont assujetties à aucune formalité lorsqu'il s'agit d'une radiation.

Pour ce qui est des autres actes provenant de Madagascar, du Cameroun ou du Togo, ils peuvent être publiés en France à la condition, soit d'avoir été déclarés exécutoires en France, soit d'avoir été déposés au rang des minutes d'un notaire français. Il n'est pas nécessaire qu'ils aient été légalisés.

3. - Maroc. - La Convention conclue avec le Maroc ne contient pas de dispense de légalisation. Elle ne renferme pas non plus de disposition concernant spécialement les actes ayant pour objet la constitution d'une hypothèque ou la radiation d'une inscription hypothécaire.

Par suite, les actes passés au Maroc demeurent soumis au régime de droit commun des actes provenant de l'étranger (V. ch. I, supra).

Annoter. - C.M.L., 2° éd., n° 250, 828 (feuilles vertes), 865, 868, 869 et 874 ; Jacquet et Vétillard, Introduction n° 16-1, 17, 18, 19, 22 et 23.