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ARTICLE 680

RADIATIONS.

Réforme des régimes matrimoniaux. - Régimes de communauté.
Inscription au profit du porteur de la grosse. - Mainlevée consentie par le porteur de la grosse sans le concours de son conjoint.
Validité (art. 222 du Code civil).

Question. - M. Weinmann expose à M. le Ministre de l'Economie et des Finances que les dispositions de la loi du 13 juillet 1965 et l'article 2158 du Code Civil sont interprétés de manière différente dans les conservations d'hypothèques. Il lui demande, à cet égard, si, lors de la présentation aux hypothèques, en vue de la radiation d'une inscription prise au profit du porteur de la grosse, de l'expédition d'un acte de mainlevée donnée par le porteur, le conservateur des hypothèques est en droit d'exiger les justifications du régime matrimonial de ce porteur, qui représente la grosse qu'il détient au notaire rédacteur de l'acte, lequel fait mention de cette représentation et certifie, conformément à l'article 2158 du Code Civil, l'identité, l'état, la capacité et la qualité du porteur. Il précise que cette demande ne concerne que les créances au porteur à l'exclusion de celles " nominatives ", au sujet desquelles il n'existe aucune difficulté d'interprétation.

Première réponse. - 1° En application de l'alinéa 2 ajouté à l'article 2158 du Code Civil, par le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant reforme de la publicité foncière, l'état, la capacité et la qualité des parties à un acte notarié de mainlevée d'inscription hypothécaire ou privilégiée n'ont plus à être prouvés au conservateur des hypothèques par la production de pièces justificatives, lorsque les énonciations de l'acte qui les établissent sont certifiées exactes dans cet acte par le notaire rédacteur. Parmi les énonciations susceptibles d'être ainsi certifiées doivent être rangées les énonciations relatives au régime matrimonial qui concourent à fixer la capacité et la qualité des personnes mariées. Mais le texte sus-visé, dont le seul effet est de remplacer la représentation des pièces justificatives par une analyse certifiée du notaire, ne dispense pas le conservateur de tout contrôle et, notamment, de s'assurer que, d'après les énonciations de l'acte rapprochées de celles du bordereau d'inscription, la personne qui a consenti la mainlevée pouvait le faire à bon droit. Au cas où l'état, la capacité et la qualité des parties ne seraient pas entièrement ou régulièrement établis, le conservateur serait dès lors fondé à exiger, à titre complémentaire, la production des pièces nécessaires à sa pleine information. Le point de savoir si, en présence de la certification prévue à l'article 2158, alinéa 2, du Code Civil, des justifications particulières peuvent être exigées en ce qui concerne le régime matrimonial est donc une question d'espèce; 2° L'honorable parlementaire semble viser, d'autre part, l'article 222 nouveau du Code Civil, issu de la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965, portant réforme des régimes matrimoniaux. La détermination de la portée de cet article en matière de radiation d'inscription d'hypothèque ou de privilège en cas de recours à la certification évoquée au 1° ci-dessus soulève des problèmes délicats d'interprétation qui sont examinés en liaison avec la Chancellerie. Une réponse complémentaire sera faite au terme de cet examen (Journal Off., 31 décembre 1966, Déb. parlem., Ass. Nat., p. 5977).

Observations. - L'objet essentiel de la question écrite était de savoir si une inscription hypothécaire conservant une créance transmissible par simple tradition de la grosse peut être radiée au vu d'une mainlevée consentie par le porteur de la grosse, marié sous un régime de communauté, sans le concours de sa femme, même si la créance garantie consiste dans le prix de vente d'un immeuble ou de l'un des autres biens visés à l'article 1424 nouveau du Code Civil (Rapp. Bull. A.M.C., art. 627-2 et 7).

Le texte en cause est l'article 222 nouveau du Code Civil, ainsi que l'indique la réponse ministérielle.

En examinant la portée de cette disposition, nous avons déjà, dans l'article 654 du Bulletin, résolu implicitement la question posée par l'affirmative.

Nous avons en effet exprimé l'avis que l'article 222., visant les biens meubles que l'époux en cause " détient individuellement ", était applicable, non seulement aux biens meubles corporels, mais encore aux droits mobiliers incorporels qui se confondent avec le titre qui les représente. C'est le cas en particulier des créances qui se transmettent par la simple tradition de la grosse de l'acte qui en forme le titre.

Il en résulte que l'époux marié sous un régime de communauté - qu'il s'agisse du mari ou de la femme - qui détient la grosse au porteur d'un titre de créance est réputé, au regard des tiers (1), posséder le pouvoir de faire, sans le concours de son conjoint, tous actes même de disposition à l'égard de cette créance et en particulier celui de donner mainlevée, même sans constatation de payement, de l'inscription de privilège ou d'hypothèque qui garantit ladite créance. Il suffit, pour justifier de son droit, que le créancier fasse constater par le notaire dans l'acte de mainlevée, qu'il lui a représenté la grosse au porteur.

Annoter C.M.L., 2° éd., n° 1080 et 1081 ; Jacquet et Vétillard, V. Femme mariée, n° 16 et 18

(1) La présomption de bonne foi des tiers, édictée par l'article 222 nouveau du Code Civil, a pour but d'éviter " qu'ils exigent des justifications paralysantes " (Avis Min. Justice et Min. Econ. et. Fin. relatif aux pouvoirs bancaires des époux ; Banque 1966-399).