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ARTICLE 702

RADIATIONS.

Réforme des régimes matrimoniaux. - Régimes de communauté.
Inscription requise au profit d'un seul des époux.
Radiation sue le consentement de cet époux sans le concours de son conjoint.
Conditions.

(Décret n° 67-1252 du 22 décembre 1967, art. 9.)

En commentant la loi du 13 juillet 1965, portant réforme des régimes matrimoniaux, nous avons exprimé l'avis que, sous l'empire des nouvelles dispositions, dans le cas d'époux mariés sous un régime de communauté, le mari n'avait plus le pouvoir de donner seul mainlevée des inscriptions prises en garantie des créances de communauté que sous la double condition : a) que la créance garantie ne consiste pas en un prix de vente entrant dans les prévisions de l'art. 1424 du Code Civil ; b) que la mainlevée soit consentie comme conséquence d'un payement (Bull. A.M.C., art. 627-2 et 5).

L'exactitude de cette interprétation a, il est vrai été contestée : mais nous avons cru néanmoins devoir maintenir notre point de vue. (Bull. A.M.C., art. 674).

En l'état est intervenu l'art. 9 du décret n° 67-1252 du 22 décembre 1967, (J.O. du 31 : J.C.P. 1968 III 33.730), insérant dans le décret du 14 octobre 1955 un article 59-1 ainsi conçu :

" La mainlevée d'une inscription prise au profit d'un époux est donnée par cet époux seul, même en l'absence de constatation de payement, toutes les fois que la créance pour la sûreté de laquelle l'hypothèque ou le privilège a été inscrit résulte d'un contrat auquel il avait consenti sans le concours son conjoint.

" Pour la radiation de l'inscription, aucune pièce justificative du pouvoir qu'a l'époux de donner mainlevée seul n'est exigée quand il est certifié dans l'acte de mainlevée que la créance résulte d'un tel contrat ".

Cette disposition ne distingue pas selon le régime sous lequel est marié l'époux bénéficiaire de l'inscription à radier ; mais elle est plus spécialement destinée à mettre fin, au moins partiellement, aux difficultés soulevées par l'interprétation de la loi du 13 juillet 1965, dans le cas de mainlevées inscriptions profitant à des époux mariés sous un régime de communauté.

Il convient spécialement de souligner qu'elle laisse hors de son champ d'application les inscriptions requises au profit des deux époux. Les règles à suivre pour la radiation de ces inscriptions ne subissent pas de modification..

Seules sont, par conséquent, régies par le nouvel article 59-1 les inscriptions prises au profit d'un seul époux. En ce qui les concerne le nouveau texte entraîne les conséquences suivantes :

1) Cas où la créance garantie par l'inscription consiste en un prix de vente visé à l'art. 1424 du Code Civil..

Dans ce cas, le contrat générateur de la créance nécessite toujours, aux termes de l'art. 1424 du Code Civil, le consentement des deux époux. L'art. 59-1 ne devrait donc pas pouvoir trouver l'occasion de s'appliquer.

Toutefois, il peut arriver exceptionnellement qu'un époux croie pouvoir consentir un tel contrat sans le consentement de son conjoint. Cette circonstance, bien qu'elle soit de nature à affecter la validité du contrat, ne s'opposerait pas à l'application de l'art. 59-1. Le conservateur pourrait alors radier sur le seul consentement de l'époux intéressé, l'inscription qui aurait été prise à son profit en vertu dudit contrat.

2) Cas où la créance garantie par l'inscription n'entre pas dans les prévisions de l'art. 1424 du Code Civil.

Parmi les inscriptions garantissant des créances de l'espèce (créances résultant de prêts, notamment), il faut distinguer selon que le contrat constitutif de la créance a été passé par le bénéficiaire de l'inscription seul ou que son conjoint y a participé.

Dans le cas où seul le bénéficiaire de l'inscription a donné son consentement au contrat générateur de la créance, ce bénéficiaire peut donner la mainlevée de l'inscription sans le concours de son conjoint, même si la mainlevée n'est pas la conséquence d'un payement.

Dans le cas contraire, les règles antérieures demeurent applicables. La mainlevée peut être consentie par le mari lorsqu'elle est la conséquence d'un payement. Le concours de la femme est au contraire nécessaire lorsqu'il s'agit d'une mainlevée sans constatation de payement.

Justifications. - Il appartient aux intéressés de justifier que le contrat constitutif de la créance garantie a été consentie par le bénéficiaire de l'inscription sans le concours de son conjoint.

Toutefois, aux termes du 2° alinéa de l'art. 59-1 ils sont dispensés de cette justification " quand il est certifié dans l'acte de mainlevée que la créance résulte d'un tel contrat ".

Bien que le texte ne le précise pas, cette certification ne peut être l'oeuvre que du notaire ou de l'autorité administrative qui a dressé l'acte de mainlevée. On doit, en effet, à notre avis, considérer que la disposition en cause fait une application particulière du 2° alinéa de l'art. 2158 du Code Civil, lequel permet de substituer à la production des pièces justificatives leur énonciation dans l'acte de mainlevée certifiée par l'auteur de cet acte.

Bien entendu cette nouvelle certification ne dispense le rédacteur de l'acte de mainlevée des autres certifications prévues à l'article 2158, 2° al., du Code Civil (mandats, existence de clauses de remploi, etc.).

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 1080 et 1081 ; Jacquet et Vétillard, V° Femme mariée, n° 16 et 18, p. 196 et suiv.