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ARTICLE 833

RADIATIONS.

Mainlevée notariée.
Inscriptions profitant à un organisme de Sécurité Sociale.
Conditions auxquelles doit satisfaire la mainlevée.

(Rép. Min. Santé publique et Sécurité Sociale, 3 octobre 1970)

Question. - M. Jean Geoffroy expose à M. le Ministre de la Santé publique et de la Sécurité Sociale que les unions pour le recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales (U.R,S.S.A.F.) rencontrent des difficultés pour obtenir la radiation des inscriptions d'hypothèques qu'elles ont prises en garantie du paiement de leurs cotisations, lorsque la mainlevée est effectuée sans constatation de paiement. Dans la plupart des cas, les Conservateurs n'acceptent de procéder à la radiation que lorsqu'il y a constatation de paiement dans la mainlevée, notamment au motif que leurs statuts ne confèrent à ces unions que des pouvoirs d'administration et non de disposition. L'association, mutuelle des Conservateurs des Hypothèques a, dans le bulletin qu'elle publie, proposé cette solution. Dans ces conditions, la radiation des inscriptions devient impossible dans de nombreux cas. Les cotisations dues peuvent être portées en non-valeur par l'union, mais cette solution n'est utilisable qu'au bout d'un délai de trois ans et il est le plus souvent nécessaire de procéder auparavant à la radiation des inscriptions. Par ailleurs, il n'apparaît pas clairement quelle pourrait être l'autorité compétente pour donner mainlevée sans paiement à défaut des unions. Pourtant les pouvoirs des unions ne s'identifient peut-être pas avec les pouvoirs d'administration du droit commun. Il semble logique qu'elles puissent supprimer les inscriptions d'hypothèque de la même façon qu'elles ont pu les inscrire. Il lui demande : 1° si les unions pour le recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales ont le pouvoir de consentir des mainlevées sans paiement et, dans l'affirmative, quels sont les points de leurs statuts servant de base à ce pouvoir ; 2° dans la négative, quelle est da personne compétente pour donner cette mainlevée et s'il ne conviendrait pas qu'une réforme intervienne pour permettre aux unions elles-mêmes d'y procéder.

Réponse. - 1° et 2° La radiation volontaire des inscriptions hypothécaires est, conformément à l'article 2157 du Code Civil, faite à la diligence des personnes qui ont fait prendre l'inscription. La partie qui consent à la radiation doit avoir capacité à cet effet. Cette capacité varie suivant que la mainlevée est donnée avant ou après paiement de la dette garantie. Quand la mainlevée intervient après le paiement, elle peut être donnée par la personne ayant capacité pour recevoir paiement de la dette. Si la mainlevée est donnée avant paiement, elle ne peut l'être que par une personne ayant la capacité nécessaire pour disposer d'un droit réel immobilier. Le Ministre de la Santé publique et de la Sécurité Sociale estime, pour sa part, qu'en application des dispositions combinées de l'article 10 du décret n° 59-819 du 30 juin 1959 et de l'article 14, alinéa IV, du décret n° 60-452 du 12 mai 1960, le directeur, responsable du recouvrement des créances de l'organisme est, de ce fait, compétent pour préserver lesdites créances et, en conséquence, procéder tant à l'inscription, qu'à la radiation de la garantie hypothécaire (J.O. 3 octobre 1970, Déb. Sénat, p. 1434).

Observations. - Dans l'art. 750 du Bulletin, nous avons déjà examiné la difficulté exposée dans la question écrite. Notre opinion diffère de celle exprimée dans la réponse ministérielle sur deux points :

La possibilité de donner mainlevée sans payement ;

La détermination de la personne qualifiée pour donner mainlevée au nom d'un organisme de Sécurité Sociale.

Les textes en, cause, c'est-à-dire ceux que nous avons cités dans l'art. 750 du Bulletin et ceux que vise la réponse ministérielle :ont les suivants :

1. - Art. 10-I du décret n° 59-819 du 30 juin 1959. - " Le directeur est responsable de l'application des mesures destinées à provoquer sans délai la liquidation et le recouvrement des créances de l'organisme ".

2. - Art. 14-I du décret n° 60-452 du 12 avril 1960. - " Le directeur assure le fonctionnement de l'organisme sous le contrôle du Conseil d'administration ".

3. - Art. 14-IV du même décret. - " Dans les conditions définies par décret, le directeur engage les dépenses, constate les créances et les dettes, émet les ordres de recettes et de dépenses et peut, sous sa responsabilité, requérir qu'il soit passé outre au refus de visa ou de paiement éventuellement opposé par l'agent comptable ".

4. - Art. 15 du même décret. - " Les organismes sont représentés de plein droit en justice et dans tous les actes de la vie civile par leur président qui peut déléguer ses pouvoirs au directeur par mandat général ou spécial.

" Dans les matières relevant des attributions du directeur, les organismes sont représentés uniquement par le directeur ".

Aucun de ces textes n'est de nature à permettre au représentant d'un organisme de Sécurité Sociale de donner mainlevée sans payement.

Comme le rappelle la réponse ministérielle, la mainlevée qui intervient avant le payement ne peut être consentie que par une personne ayant la capacité nécessaire pour disposer d'un droit réel immobilier et, plus précisément, pour disposer de ce droit à titre gratuit.

Or, il est de principe que les administrateurs des collectivités publiques ou privées ne peuvent consentir d'actes de dispositions à titre gratuit que si les textes qui les régissent ou leurs statuts leur en confèrent expressément le pouvoir.

Tel n'est pas le cas des représentants - que ce soit le directeur ou le président du Conseil d'administration - des organismes de Sécurité Sociale.

La situation de ces organismes peut d'ailleurs être rapprochée de celle des Caisses de mutualité sociale agricole, puisqu'ils sont régis, les uns et les autres, par le décret précité du 12 mai 1960. Or, dans une réponse à question écrite du 1er septembre 1970 (Bull. A.M.C., art. 831), le Ministre de l'Economie et des Finances a exprimé l'avis que les Caisses de mutualité sociale agricole ne peuvent consentir la mainlevée des inscriptions prises à leur profit qu'à la suite du payement de la créance garantie.

Nous persistons dès lors à penser que les inscriptions profitant à un organisme de Sécurité Sociale ne peuvent faire l'objet d'une mainlevée que comme conséquence du paiement de la créance garantie ou de son annulation.

Quant à la personne qualifiée pour représenter l'organisme de Sécurité Sociale à l'acte de mainlevée, nous continuons à estimer pour les motifs indiqués à l'art. 750 du Bulletin, que c'est le président du Conseil d'administration, et non le directeur.

Il résulte, en effet, des dispositions combinées des deux alinéas de l'art. 15 du décret du 12 mai 1960 que le président du Conseil d'administration représente l'organisme en justice et dans tous les actes de la vie civile dans les matières qui ne relèvent pas spécialement de la compétence du directeur.

Or aucun des textes reproduits plus haut, spécialement l'art. 10 du décret du 30 juin 1959 et l'art. 14-IV du décret du 12 mai 1960 sur lesquels se fonde la réponse ministérielle, ne confère au directeur le pouvoir de consentir les mainlevées.

Sans doute, l'art. 14-I du décret du 12 mai 1960 dispose-t-il que " le directeur assure le fonctionnement de l'organisme ". Mais si on devait donner à cette disposition une portée assez large pour qu'elle puisse englober le consentement à mainlevée, le 1er alinéa de l'art. 15 se trouverait alors sans objet.

La stricte application des textes doit dès lors conduire, à notre avis, à décider que le directeur d'un organisme de Sécurité Sociale ne peut consentir la mainlevée des inscriptions profitant à cet organisme que s'il y est habilité par une délégation de pouvoirs du président du Conseil d'administration.

En fait, il serait cependant sans risque d'accepter une mainlevée qui serait signée par le directeur, même en l'absence de délégation du président.

Ce qui est essentiel, en effet, dans les actes de mainlevée concernant les organismes de Sécurité Sociale, c'est la quittance régulièrement donnée par l'agent comptable ou, éventuellement, la constatation de l'annulation de la créance garantie qui peut être considérée comme entrant dans les attributions du directeur, chargé d'assurer le recouvrement des créances de l'organisme. Le consentement à mainlevée lui-même, qui n'est que la reconnaissance de l'extinction de l'hypothèque corrélative à celle de la créance, n'est que l'élément accessoire de l'acte et il est sans véritable inconvénient qu'il soit donné par le directeur bien qu'il soit douteux qu'il ait qualité à cet effet.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 1248 et 1280.