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ARTICLE 1176

PUBLICATION D'ACTES.

Opposabilité aux tiers.
Promesse de vente publiée dans les conditions prévues à l'article 37-1,
et non à l'article 37-2, du décret du 4 janvier 1955.

I. - ARRET DE LA COUR DE CASSATION (3° ch. civ.) DU 22 FEVRIER 1977

LA COUR,

Sur le moyen unique : Attendu que des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué il résulte que, par acte notarié du 4 novembre 1966, Brice Maurel a consenti à Delalande une promesse unilatérale de vente d'une parcelle de terrain sis au Cap Ferret, formant le lot n° 14 du lotissement du domaine des Tourterelles, sur lequel était édifiée une maison d'habitation, que le prix stipulé était de 120.000 F, un délai d'option étant accordé au bénéficiaire jusqu'au 31 décembre 1969 ; que le transfert de propriété consécutif à la levée d'option était soumis à la condition suspensive du versement par l'acquéreur dans le délai de huit jours, du prix de la vente, que Delalande a réglé lors de la rédaction de cet acte la somme de 121.000 F à titre de dédit éventuel ; que cette promesse a fait l'objet d'une publication au bureau des Hypothèques le 14 avril 1967; qu'après avoir versé deux acomptes, Delalande a payé le solde du prix le 7 février 1967; qu'à la suite du décès du vendeur, Delalande a dû agir en justice pour obtenir la réalisation de la vente, qui a été constatée par jugement du 29 mai 1969, l'acte dressé le 11 décembre 1969 ayant été publié le 16 février 1970 ; que des hypothèques judiciaires ont été inscrites sur l'immeuble, objet de la promesse de vente par un créancier, le sieur Morvan et le percepteur de La Teste, en octobre 1967, mai et septembre 1968, postérieurement à la publication de la promesse de vente et la levée d'option, mais antérieurement à l'a publication de l'acte authentique constatant la réalisation de la promesse de vente ; que Delalande a assigné ces créanciers pour voir déclarer inopposables à son encontre lesdites inscriptions hypothécaires et en réclamer la radiation ;

Attendu qu'il est fait grief audit arrêt d'avoir débouté la dame Delalande, agissant en qualité d'héritière de son mari défunt, de sa demande, alors, selon le moyen, qu'une restriction au droit de disposer analogue à celle qui résulte d'une promesse unilatérale de vente, est opposable aux tiers dès lors qu'elle a fait l'objet d'une mesure de publicité et ce, à compter du jour de cette formalité, qu'en l'espèce puisque Delalande a fait publier la promesse unilatérale de vente consentie à son profit et puisque la décision judiciaire constatant la réalisation de la vente a été publiée dans un délai de trois ans, les hypothèques inscrites pendant la période qui s'est écoulée entre ces deux mesures de publicité devaient être déclarées inopposables à Delalande et à ses ayants droit, même si l'acquéreur n'a pas fait publier la déclaration de son intention de lever l'option ou sa demande en justice de réalisation de la vente, les créanciers hypothécaires ne pouvant ignorer l'existence de la promesse unilatérale de vente qui était régulièrement publiée ;

Mais attendu qu'ayant constaté que Delalande n'a pas usé de la faculté prévue par l'article 37-2 du décret du 4 janvier 1955 en publiant, soit la demande en justice tendant obtenir la réalisation en la forme authentique de la vente parfaite entre les parties, soit un procès-verbal notarié constatant le défaut ou le refus de Brice Maurel de procéder à ladite réalisation, soit une déclaration, par acte notarié, de la volonté d'exiger la réalisation de la promesse, c'est à bon droit que les juges du second degré ont décidé " que Delalande ne saurait opposer la mutation dont il se prévaut à Morvan et au percepteur de La Teste, qui ont valablement pris inscription de leur hypothèque sur leur débiteur (Brice Maurel) " ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé.

II. - ARRET DE LA COUR DE CASSATION (3° ch. civ.) DU 20 FEVRIER 1979

LA COUR,

Sur le premier moyen : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 8 juin 1977), que, par acte du 12 novembre 1973, publié le 22 novembre 1973, Lévy a consenti un prêt à Renauld qui, en garantie, lui a accordé une hypothèque sur un immeuble donné à Bail à Bouriez, une cession des loyers à toucher pour cet immeuble et une promesse de vente de ce dernier, valable deux ans ; que, par un autre acte du 3 mai 1974, publié le 10 mai suivant, Renauld a vendu son immeuble à Bouriez ; qu'après avoir, le 22 mai 1974, signifié à Renauld qu'il levait la promesse qui lui avait été consentie en 1973, Lévy à assigné Renauld et Bouriez en annulation de la vente du 3 mai 1974 et paiement de dommages-intérêts; que Renaud a conclu à la nullité de l'acte du 12 novembre 1973 et à la condamnation de Lévy au paiement de dommages-intérêts, tandis que Bouriez appelait Renauld en garantie et demandait sa condamnation et celle de Lévy au paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que Lévy fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en inopposabilité de la vente du 3 mai 1974, alors, selon le moyen, que, " d'une part, les conditions auxquelles l'article 30-1, alinéa 1, du décret du 4 janvier 1955, soumet l'inopposabilité, ne concernent que les actes et décisions judiciaires soumis à publicité par application des dispositions du 1° de l'article 8, ce qui n'est pas le cas des actes constatant une promesse de vente, que, d'autre part, le caractère obligatoire de la publication n'est pas nécessairement lié à l'opposabilité de l'acte publié, et qu'enfin, il résulte de l'alinéa 3 de l'article 30-1 susvisé, lequel envisage de façon générale les effets de la publicité qu'une restriction au droit de disposer est, dès lors qu'elle a fait l'objet d'une mesure de publicité, opposable aux tiers, tel étant le cas notamment, ainsi d'ailleurs que le reconnaît la Cour elle-même, d'une promesse de vente " ;

Mais attendu que l'arrêt énonce, à bon droit, d'abord, qu'un texte spécial, l'article 37-1, alinéa 1, du décret du 4 janvier 1955, stipulant que la publicité des promesses de vente n'est que facultative, il ne pouvait être fait application des articles 28-2° et 30-1, alinéa 3, du même texte prévoyant la publicité obligatoire des actes constatant des restrictions au droit de disposer et, en cas de publicité, leur opposabilité à l'acquéreur du bien dont l'acte d'acquisition a été publié ultérieurement, que l'arrêt retient justement, ensuite, que la publicité obligatoire de l'acte de vente du 3 mai 1974, condition obligatoire de l'opposabilité, l'emportait nécessairement sur la publicité facultative de la promesse de vente du 12 novembre 1973, simple mesure d'information des usagers, la Cour d'appel relève qu'il n'est pas établi que Bouriez se soit associé aux agissements de Renauld et ait, en 1974, acquis la propriété litigieuse en connaissance de l'existence de la promesse de vente consentie à Lévy en 1973, et en déduit justement que, dans ces circonstances, la vente de 1974 est opposable à Lévy ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé.

Observations. - Un arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 1971 a jugé que la publication d'un pacte de préférence rendait ce dernier opposable aux tiers (Bull. A.M.C., art. 883) et un arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, agissant comme juridiction de renvoi, a, le 22 mai 1974, statué dans le même sens (Bull. A.M.C., art. 1113).

On était fondé à penser que la même solution devait prévaloir pour la promesse de vente, le pacte de préférence n'étant autre chose qu'une promesse de vente soumise à la condition que le promettant décide de vendre.

Les deux arrêts rapportés a prononcent cependant en sens contraire. Dans le premier de ces arrêts, la décision est implicite. Elle est motivée dans le second.

le motif sur lequel repose cette dernière décision est qu'un texte spécial, l'article 37-1 du décret du 4 janvier 1955, dispose que la publication da promesses de vente est facultative et faite seulement " pour l'information des usagers " et que, de ce fait, ces actes échappent aux prescriptions de l'article 28-2° du même décret concernant la publication obligatoire des actes contenant une restriction au droit de disposer, ce qui les soustrait à l'application de l'article 30-1, troisième alinéa, dudit décret relatif à l'opposabilité aux tiers des actes publiés.

Il ressort cependant de l'arrêt du 22 février 1977 que la publication de la promesse de vente aurait été opposable aux tiers - conditionnellement - si le bénéficiaire de cette promesse avait usé de la faculté prévue à l'article 37-2 du décret du 4 janvier 1955 en publiant, soit la demande en justice tendant à obtenir la réalisation en la forme authentique de la vente parfaite entre les parties, soit un procès-verbal notarié constatant le défaut ou le refus du promettant de procéder à ladite réalisation, soit une déclaration, par acte notarié, de sa volonté d'exiger la réalisation de la promesse.

Les deux arrêts rapportés ne portent pas atteinte à la règle tracée par l'arrêt précité du 4 mars 1971, au sujet des effets de la publication des pactes de préférence.

Il faut cependant noter qu'un autre arrêt de la Cour de cassation du 13 mars 1979 (Dalloz 79-546, J.C.P. 1979 - II - p. 253) a jugé que la publication d'un pacte de préférence de bail rendait pas ce dernier opposable aux tiers.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 679 et 695.