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ARTICLE 1442

INSCRIPTIONS.

Contrat de prêt reçu devant notaire de Grande-Bretagne, suivi d'un acte passé devant un notaire français constatant l'acquisition, au moyen des deniers empruntés, d'un immeuble situé en France.
Pièces à présenter à l'appui du bordereau d'inscription au privilège de prêteur de deniers.

Question. - Afin de favoriser les investissements des ressortissants du Royaume-Uni en immeubles situés en France, deux établissements de crédit français ont constitué une filiale commune dont le siège est à Londres et qui a pour objet de consentir des prêts hypothécaires aux acquéreurs sans que ceux-ci aient à se rendre sur le continent. C'est pourquoi le contrat de prêt serait reçu par un notaire auprès de la Reine. Il y serait stipulé que emprunteur s'engage à employer le montant du crédit qui lui est ouvert au paiement de partie du prix d'acquisition et à déclarer dans l'acte d'achat l'origine des deniers servant au paiement afin de faire bénéficier le bailleur de fonds du privilège accordé par l'article 2103-2° du code civil à ceux qui ont financé l'acquisition un immeuble. L'acte d'achat serait établi par un notaire français ; il y serait fait référence aux stipulations de l'acte de prêt ; celles-ci seraient rapprochées de la quittance des deniers fournis, délivrée par le vendeur et il serait déclaré en conséquence que le prêteur est investi sur le bien en cause du privilège qu'il a entendu se réserver. Aussi est-il demandé si, sur le plan de la publicité foncière, un acte notarié anglais peut être assimilé à un acte notarié français.

Réponse. -Aux termes du troisième alinéa de l'article 4 du décret modifié n° 55-22 du 4 janvier 1955, " les actes reçus par les officiers publics ou ministériels étrangers... ne peuvent... constituer le titre d'une inscription de privilège ou d'hypothèque que s'ils ont été légalisés par un fonctionnaire qualifié du ministère français des affaires étrangères et déposé au rang des minutes d'un notaire français ou s'ils ont été rendus exécutoires en France. Ils doivent être accompagnés s'ils sont rédigés en langue étrangère, d'une traduction en français, certifiée, soit par le fonctionnaire susvisé, soit par un interprète habituellement commis par les tribunaux". Toutefois, fréquemment, la légalisation susmentionnée est remplacée par une apostille normalisée, délivrée par l'une des autorités habilitées à cette fin par l'Etat sur le territoire duquel l'acte a été établi. C'est, en effet, ce qui a été rendu possible par les stipulations d'une convention internationale conclue à La Haye le 5 octobre 1961 ; or cette convention est opposable tant à la France qu'à la Grande-Bretagne qui l'ont l'une et l'autre ratifiée (1). Par suite, pour satisfaire à l'obligation imposée par le premier alinéa de l'article 2148 du code civil, il appartient au prêteur ou à son représentant de communiquer au conservateur, à l'appui du bordereau d'inscription du privilège, non seulement une expédition authentique de la vente, mais également celle de l'acte de dépôt en l'étude d'un notaire français du contrat de prêt revêtue de l'apostille et accompagnée d'une traduction en français.

Observations. - L'obligation de représenter un titre, édictée au premier alinéa de l'article 2148 du code civil, doit être conciliée avec le principe selon lequel le conservateur des hypothèques n'est pas juge de la validité ou de l'efficacité des inscriptions qu'il lui est demandé d'opérer. Cette obligation, en réalité, est imposée dans l'intérêt non seulement du propriétaire grevé mais également de l'agent de la loi, chargé de veiller à son accomplissement. Elle tend, en effet, à permettre à ce dernier de se prémunir contre toute tentative d'engager sa responsabilité personnelle en cas d'inscriptions manifestement abusives ; mais il lui incombe, pour atteindre ce but, de se borner à s'assurer de l'existence apparente du droit hypothécaire : s'il va au-delà, c'est-à-dire s'il refuse le dépôt lorsqu'il y a matière à discussion sur la valeur du titre, il encourt le risque de devoir réparer la perte subie par un créancier qui n'aura pu, à cause de ce refus, garantir le paiement de ce qui lui est dû.

C'est compte tenu de ces considérations qu'il a été convenu de ne pas retenir la thèse qui voudrait que les dispositions du second alinéa de l'article 4 du décret modifié du 4 janvier 1955 concernent non pas tous les actes reçus par les officiers publics ou ministériels étrangers mais seulement, en raisonnant à partir du texte de l'article 2128 du code civil, les seuls contrats passés en pays étranger qui donnent hypothèque sur les biens de France en vertu de dispositions spéciales insérées à cette fin "dans les lois politiques ou dans les traités".

Au surplus, ledit article 2128, en s'en tenant à son sens littéral, lui-même conforté par l'appartenance de cet article à une section du code civil consacrée aux seules hypothèques conventionnelles, ne saurait, en tout état de cause, être opposé de façon irréfutable pour contester l'efficacité d'un titre qui, comme celui de l'espèce, tout en étant nécessaire à la naissance du privilège, ne su fit pas à constituer cette sûreté.

En définitive, la réponse publiée ci-dessus ne prétend pas trancher des difficultés de droit privé ; elle se contente d'exprimer les suggestions que, dans la situation qui y est décrite, l'A.M.C. croit devoir formuler en vue, autant qu'il se peut, d'épargner aux conservateurs des actions en responsabilité.

Rappr. Bull. A.M.C., art. 645.

(1) En France, cette convention, annexée au décret n° 65-57 du 22 janvier 1965, a été publiée au J.O. du 28 janvier, page 758 cf. Bull. A.M.C., art. 1400).