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ARTICLE 1451

PUBLICITE FONCIERE.

Délais dans lesquels doivent être opérées les formalités de Publicité foncière.
Bordereau de renouvellement d'inscription porté au bureau d'hypothèques compétent le dernier jour du délai après l'heure de la fermeture légale de ce bureau mais prétendument déposé avant minuit dans la boite aux lettres de ce bureau.
Licéité du refus du dépôt subordonnée au défaut de preuve de l'exactitude de cette allégation.

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CHAMBERY
DU 29 JUIN 1989

Faits. - Statuant sur l'action en responsabilité engagée par une banque contre un conservateur qui, en refusant le dépôt d'un bordereau de renouvellement d'inscription, avait fait perdre son rang à cet établissement de crédit et mis sa créance en péril, le tribunal de grande instance de Chambéry a rendu un jugement fondé sur les considérations de droit et de faits rapportées ci-après :

"Sur le fond,

"Attendu que le délai de renouvellement de l'inscription prise par la banque A... expirant le vendredi 2 octobre 1987 à vingt-quatre heures, il ne bénéficiait pas de la prorogation de l'alinéa 2 de l'article 642 du nouveau code de procédure qui ne s'applique qu'au délai qui expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié jusqu'au premier jour ouvrable suivant, de sorte que le dépôt des bordereaux pouvait être refusé à la date du lundi 5 octobre 1987, ainsi qu'il l'a été fait ;

"Attendu que le décret n° 71-69 du 26 janvier 1971 relatif au régime d'ouverture au public des services extérieurs de l'Etat renvoyant à des instructions ministérielles pour la durée hebdomadaire de celle-ci et à des arrêtés préfectoraux pour la fixation des jours et heures de celle-ci, non plus que l'arrêté du préfet de la Savoie pris le 30 avril 1986 fixant à 16 h 15 l'heure limite d'ouverture de la conservation des hypothèques de Chambéry, ne sauraient avoir pour effet de priver le créancier hypothécaire de la possibilité qu'il tient de l'alinéa premier de l'article 642 et de l'article 642-1 du nouveau code de procédure civile, d'accomplir la formalité le dernier jour du délai jusqu'à vingt-quatre heures, qu'en l'espèce la banque A... pouvait requérir le renouvellement de son inscription jusqu'au vendredi 2 octobre 1987 à vingt-quatre heures sans encourir de péremption ;

"Attendu cependant que Maître X... (1) atteste seulement du fait que la préposée de la banque A... lui a annoncé en quittant son étude, aller déposer les bordereaux de renouvellement dans la boîte aux lettres de la conservation des hypothèques, que si Mlle Y... certifie l'avoir fait le vendredi 2 octobre 1987 vers 18 heures, il est de principe que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, qu'en conséquence, on ne peut considérer ce fait comme établi, que donc la banque A... ne rapporte pas la preuve qu'elle a tenté d'accomplir la formalité avant l'expiration du délai ;

"Qu'ainsi il y a lieu de considérer que le renouvellement d'inscription a été requis après la péremption et que le refus du dépôt du bordereau par Monsieur le Conservateur des hypothèques n'a pas un caractère fautif, partant la banque A. doit être déboutée de son action en responsabilité ;

(1) Maître X... est le notaire qui, le 2 octobre 1987, a établi le bordereau de renouvellement à la demande de Mlle Y... "préposée de la banque A... "

" Attendu que le tribunal disposant d'éléments suffisants pour statuer, il n'est pas nécessaire d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées à titre subsidiaire par la banque A...".

Observations. - L'inscription dont la non-publication du renouvellement a été à l'origine du litige était celle d'une hypothèque conventionnelle. Sa durée de validité, par suite, au contraire de celle des inscriptions provisoires d'hypothèque judiciaire, n'était pas régie par le code de procédure civile ; le tribunal de grande instance de Chambéry a cependant estimé que l'inscription en cause était au nombre des "inscriptions et autres formalités de publicité" auxquelles l'article 10 du décret n° 76- 1236 du 28 décembre 1976 codifié sous l'article 642- 1 du nouveau code de procédure civile a rendu applicables les dispositions des articles 640 à 642 du même code relatives à la computation des délais. Cette interprétation est conforme à la position préconisée par l'Association (cf. Bull. A.M.C., art 1094 et 1352).

Selon la banque qui demandait à être indemnisée, le bordereau de renouvellement avait été porté dans la boîte aux lettres de la conservation territorialement compétente le dernier jour du délai de validité vers 18 heures. Or, ainsi qu'il est prévu à l'article 642 déjà cité, "Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures" ; d'autre part, le préfet du département, comme il était habilité à le faire, avait fixé à 16 h 15 l'heure de fermeture vespérale de ce bureau d'hypothèques. Pour résoudre ce conflit de textes, le tribunal a donné le pas à l'article 642 : le créancier hypothécaire avait jusqu'à minuit pour requérir utilement la formalité et, en l'espèce, c'est seulement parce qu'il ne s'était pas ménagé, par exemple au moyen d'un constat d'huissier, la preuve de l'heure de dépôt du bordereau dans la boîte aux lettres que le refus de publier n'a pas été retenu comme constitutif d'une faute de notre collègue de nature à engager sa responsabilité civile (1).

Aussi, la prudence conduit-elle dans le cas d'un bordereau de renouvellement d'inscription retrouvé dans la boîte aux lettres le lendemain matin de la date extrême d'effet de l'inscription de ne pas le refuser et de le joindre au dépôt du jour si, du moins, il est fait état au pied de ce document ou dans une pièce annexée de l'heure du dépôt et d'éléments de preuve de ladite heure. Il sera fait référence à ces informations dans la colonne "observation" du registre des dépôts, ainsi que dans la mention de publication et au fichier.

Annoter : Bull. A.M.C., art. 1094 et 1352.

(1) C'est vainement que le conservateur intéressé, qui bénéficie de la procédure informatisée (MEDOC), avait tait valoir que le dépôt n'était plus matériellement possible après 16 h 15 en expliquant que l'arrêté du registre des dépôts et l'arrêté comptable empêchent de créer une affaire nouvelle et d'encaisser un chèque, qu'en effet, ces opérations d'arrêté se passent entre l'unité locale d'informatique et l'ordinateur central, lequel après édition des registres et des journaux de la journée bascule, automatiquement, la saisie des écritures sur le jour ouvrable suivant, si bien qu'il est impossible de revenir en arrière.