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ARTICLE 1534

SAISIES.

Radiation judiciaire.
Ordonnance de référé d'un président de tribunal de grande instance constatant la caducité d'une sommation à tiers détenteur et ordonnant sa radiation.
Exécution subordonnée à la production d'un certificat de non appel

ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DAX
(30 mars 1992)

Faits. Les faits sont suffisamment exposés dans cette ordonnance qui est reproduite ci-après:

" Exposé du litige :

" La société T... a acquis de la S.C.C.V. Le R... un ensemble immobilier situé à Dax et dénommé Le R...

" Cet immeuble fait l'objet d'une procédure de saisie immobilière initiée par " la Société S... " (précédente propriétaire du bien sur lequel elle avait fait inscrire un privilège de vendeur) " qui prétend détenir une créance de 2.628.000 F sur les deux sociétés précitées.

" C'est ainsi que S... a fait signifier d'une part un commandement de saisie immobilière a la S.C.C.V. Le R... par exploit du 20 août 1991, d'autre part, une sommation de payer ou de délaisser à la société T... par acte du 24 septembre 1991.

" C'est pour obtenir la radiation de cet acte, publié a la conservation des hypothèques le 19 novembre 1991, que T... a fait assigner S... par exploit du 21 mars 1992. Elle sollicite en outre une indemnité de 4.000 F en application de l'article 700 du N.C.P.C.

" La Société S... admet qu'elle n'a pas poursuivi la procédure de saisie immobilière dans les délais légaux; aussi, elle ne s'oppose pas à la demande tout en précisant qu'elle déposera sans délai une requête afin d'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire pour garantir le recouvrement de sa créance.

" Discussion:

" Il résulte des pièces versées aux débats et des déclarations de la société S... que cette dernière n'a pas poursuivi la procédure de saisie immobilière dans les délais requis par la loi ; notamment le délai fixé par l'article 688 alinéa 1 pour le dépôt du cahier des charges n'a pas été respecté.

" Dans ces conditions, il y a lieu de constater la caducité de la sommation à tiers détenteur visée dans lu demande et d'ordonner sa radiation.

" Compte tenu des éléments de l'espèce, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C.

" Par ces motifs.

" Nous, Pierre Lavigne, président du tribunal de grande instance de Dax, statuant en matière de référé, contradictoirement et en premier ressort.

" Ordonnons la radiation de la sommation à tiers détenteur signifiée par la société S... à la société T... le 24 septembre 1991 et publiée à la conservation " des hypothèques de Dax le 19 novembre 1991 ;

" Déboutons la société T... de sa demande formulée au titre de l'article 700 du N.C.P.C. ;

" Condamnons la société S... aux dépens et ce compris les frais de radiation de la sommation ".

Observations : Dans " l'exposé du litige ", il est relaté que la société défenderesse " admet qu'elle n'a pas poursuivi la procédure de saisie immobilière dans les délais légaux " et qu' " elle ne s'oppose pas à la demande ". Aussi serait-on tenté de considérer qu'il y a eu, en réalité, radiation volontaire, le juge des référés civils s'étant trouvé substitué au notaire pour authentifier le consentement donné par le poursuivant. Il n'a, toutefois, pas semblé prudent de suggérer au collègue intéressé de faire sienne cette manière de voir. En effet, la renonciation d'un créancier au bénéfice d'une sommation faite a un tiers détenteur doit être expresse pour permettre au conservateur de radier c'est-à-dire de décider que, désormais, cette sommation ne sera plus au nombre des "saisies en cours" au sens du 2° de l'article 38-1 du décret n° 55-1350 du 14 octobre l955 et qu'en conséquence, elle cessera définitivement de figurer dans les réponses faites aux réquisitions de renseignements. D'autre part, il semble bien qu'en matière de saisie immobilière, les dispositions combinées des articles L. 311-2 du code de l'organisation judiciaire et 718 de l'ancien code de procédure civile attribuent une compétence exclusive au tribunal de grande instance, gardien de la propriété immobilière. C'est aussi ce que présuppose l'article 731 2° alinéa de ce dernier code (1) qui édicte des restrictions au droit d'appel pour les jugements sur incidents de saisies. L'ordonnance de référé n'est donc pas à l'abri de tout reproche. Cependant un conservateur n'a pas à " s'inquiéter des nullités dont peut être infectée " (2) une décision judiciaire de radiation. C'est pourquoi à l'instar de la position prise à l'article 1379 du Bulletin, il a été recommandé de subordonner l'exécution de la radiation requise à la production d'un certificat de non appel. Ainsi se trouve pratiquement écarté tout risque de voir une partie condamnée sans s'être opposée à la demande, tant au cours des débats que lors de la signification de la décision, obtenir le retrait d'une ordonnance de référé en invoquant les circonstances nouvelles exigées par l'article 488 du N.C.P.C.. texte spécifique au référé.

Rapprocher: Bull. A.M.C., art. 1516.

(1) Ancien Code de Procédure Civile, article 731 : " les jugements et arrêts rendus par défaut en matière d'incidents de saisie immobilière ne sont pas susceptibles d'opposition. L'appel ne sera recevable qu'à l'égard des jugements qui auront statué sur des moyens de fond tirés de l'incapacité de l'une des parties, de la propriété, de l'insaisissabilité ou de l'inaliénabilité des biens saisis. "

(2) Jacquet et Vétillard (traité de la mainlevée d'hypothèque, page 411, n° 36)