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Art. 1639

MENTIONS EN MARGE DES INSCRIPTIONS

Acte à mentionner
Acte portant quittance de la somme garantie et ramenant au jour de l'acte la date extrême d'effet de l'inscription

Formalité impossible
Radiation inévitable.

ARRET DE LA COUR DE CASSATION (3ème Chambre civile ) 13 juillet 1994)

Faits : Les circonstances de l'affaire ont été exposées dans le bulletin sous l'article 1540 auquel le lecteur est invité à se reporter.

Il y est reproduit l'acte qui, reçu le 24 septembre 1991 par Me S..., notaire associé à Paris, a été "à fin de mention" remis par cet officier ministériel au bureau des hypothèques d'Avesnes-sur-Helpe.

Cet acte a d'abord été refusé pour défaut de paiement préalable du salaire proportionnel liquidé au taux prévu pour les radiations.

Puis, après avoir reçu cette rétribution versée "sous toutes réserves" et inscrit l'acte au registre des dépôts, le conservateur, M. P..., se heurta à l'impossibilité d'obtenir la justification du consentement du créancier à la renonciation convenue par son mandataire et ramenant la date-limite d'effet de l'inscription à émarger du 22 avril 1996 au 24 septembre 1991.

Il fut, dès lors, amené à engager la procédure de rejet de la formalité et à la conduire à son terme.

La décision de rejet, reçue par Me S... le 6 avril 1992, a immédiatement été attaquée par lui devant le Président du Tribunal de grande instance d'Avesnes. Ce magistrat, dans une ordonnance du 18 juin 1992, rendue comme en matière de référé, d'une part, rejeta la fin de non recevoir soulevée par le conservateur et tirée du défaut de qualité du demandeur et, d'autre part, enjoignit à M. P... d'exécuter en marge de l'inscription concernée la publication de l'acte en cause.

Mais notre collègue qui n'avait pas acquiescé à ce jugement interjeta appel. La Cour de Douai, par un arrêt du 22 octobre 1992, confirma la recevabilité de l'action intentée seulement par le notaire mais la rejeta au fond et infirma en conséquence la décision du premier juge.

Me S... se pourvut alors en cassation et son adversaire, dans sa défense, ne se borna pas à conclure au rejet du pourvoi. Il forma à titre éventuel un pourvoi incident faisant grief à l'arrêt d'appel d'avoir déclaré qu'un notaire qui demande la publication d'un acte qu'il a dressé a qualité, en cas de rejet de la formalité, pour exercer le recours ouvert à l'article 26 du décret du 4 janvier 1955.

Ces pourvois furent l'un et l'autre rejetés par les motifs et par le dispositif rapportés ci-après.

( Art. 1639 suite )

"Sur le moyen unique du pourvoi principal

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 22 octobre 1992), que la banque S... a pris une inscription d'hypothèque ayant effet jusqu'au 22 avril 1996, en garantie d'un prêt consenti à la société L..., et qu'après remboursement de celui-ci, M. S..., notaire, a dressé le 24 septembre 1991, un acte de quittance avec réduction, au même jour, de la durée d'effet de l'inscription ; que le conservateur des hypothèques ayant refusé de publier cet acte, M. S... a formé un recours demandant qu'en soit ordonnée la publication, en marge de l'inscription prise le 25 juin 1986 ;

"Attendu que M. S... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen,

"1°) qu'il résulte des dispositions des articles 2199 du Code civil, 34 du décret du 4 janvier 1955 et 74 du décret du 14 octobre 1995 que le conservateur des hypothèques ne peut refuser le dépôt d'un acte dont la publicité est requise ou rejeter la formalité que dans les cas limitativement énumérés par la loi ; qu'en se bornant, pour refuser d'ordonner à un conservateur des hypothèques qui avait rejeté un acte de quittance et de réduction de durée d'effet d'une garantie, de procéder à la publication requise, à se référer aux dispositions de l'article 2149 du Code civil, sans rechercher si les causes d'un tel refus étaient au nombre de celles limitativement énumérées par la loi, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des exigences de l'article 2199 du Code civil.

"2°) qu'aux termes de l'article 2149 du Code civil, sont publiées par le conservateur des hypothèques sous forme de mentions en marge des inscriptions existantes, notamment les mainlevées et, de manière générale, toutes les modifications qui n'ont pas pour effet d'aggraver la situation du débiteur ; que ces dispositions ne subordonnent nullement la publication qu'elles imposent en marge des inscriptions à la radiation desdites inscriptions : qu'en écartant, en l'espèce, les dispositions impératives de l'article 2149 pour la raison, inopérante, que la garantie devrait être radiée des registres, la Cour d'appel les a violées par refus d'application ;

"3°) que le conservateur des hypothèques n'a pas la possibilité de radier une hypothèque ; qu'aux termes de l'article 878 du Code général des impôts, dans la rédaction issue du décret n° 55-472 du 30 avril 1955, il est chargé de l'exécution des formalités civiles prescrites pour la publicité des privilèges et des hypothèques et des autres droits sur les immeubles ; qu'il n'a, en conséquence, que le pouvoir de publier les privilèges et hypothèques et, par symétrie, les actes ou les jugements d'extinction de leurs effets ; qu'au surplus, l'article 13 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 interdit formellement les "surcharges et grattages" et n'autorise que l'annulation, par rature, des annotations entachées d'erreurs imputables aux agents des conservations ; qu'en estimant, néanmoins, qu'un acte de mainlevée, de quittance ou de réduction de durée d'effet caractérise un renoncement à une garantie qui n'a plus lieu d'être et doit donc être radiée des registres, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 878 du Code général des impôts, ensemble celles de l'article 13 du décret du 14 octobre 1955 ;

( Art. 1639 suite )

"Mais attendu qu'ayant exactement relevé qu'un acte de mainlevée ou de quittance ou encore de réduction de durée d'effet mettant fin à une garantie caractérise un renoncement à celle-ci, la Cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'inscription correspondante devait être radiée dans les conditions prévues par l'article 2158 du Code civil ;

"Sur le moyen unique du pourvoi incident ci-après annexé

"Attendu que le moyen unique du pourvoi principal étant rejeté, le pourvoi incident est devenu sans portée ;

"PAR CES MOTIFS :

"REJETTE les pourvois ;

"Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

"Les condamne, ensemble, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt".

OBSERVATIONS :

Les conservateurs des hypothèques tiennent des dispositions combinées des articles 2157 et 2158 du Code civil le pouvoir de radier totalement ou partiellement les inscriptions de privilège ou d'hypothèque.

Avant d'exécuter cette formalité, ils sont tenus de vérifier la validité du consentement du créancier en cas de mainlevée volontaire et de s'assurer de l'efficacité et du caractère définitif du jugement lorsque l'ordre de radier est donné par un tribunal.

En s'en tenant aux radiations autres que judiciaires, le fait que les conservateurs ont le pouvoir de radier oblige ces agents publics à se prévaloir de cette compétence légale pour exiger d'être requis d'accomplir cette formalité chaque fois qu'il leur est remis un acte de mainlevée pour, en application de l'article 2149 du Code civil, le mentionner en marge d'une inscription.

En effet, la publication d'une mainlevée entraîne nécessairement la radiation de l'inscription (Cass. civ. 9 février 1994, Bull. A.M.C. art. 1604).

Une réquisition ayant le même objet et émanant du créancier ou de son mandataire doit également être demandée lorsque l'acte à publier, quoiqu'ayant reçu une qualification autre que celles de mainlevée, "met fin à une garantie" dans des conditions caractérisant "un renoncement à celle-ci".

Il en est ainsi d'une quittance notariée délivrée lors du remboursement d'un prêt hypothécaire et dans laquelle il est fait référence à l'inscription assurant la conservation de la sûreté qui, par le fait du paiement, s'est éteinte. Il en va de même de la stipulation avançant la date extrême d'effet d'une inscription de façon telle qu'au moment de la mention de cette clause au registre public l'inscription cesse d'être "subsistante".

Dans tous ces cas, la radiation est obligatoire : c'est ce que la Cour d'appel de Douai a jugé le 22 octobre 1992 et que la Cour de cassation a confirmé dans l'arrêt du 13 juillet 1994 rapporté ci-dessus.

Bien entendu, l'inscription d'un de ces actes au registre des dépôts doit, en outre, être subordonnée au paiement préalable du salaire fixé à l'article 295 de l'annexe III au C.G.I., ainsi qu'aux résultats de la recherche menée par le conservateur afin de s'assurer que le comparant a vraiment entendu consentir à la radiation et qu'il avait capacité et qualité pour le faire.

Rapprocher : Bull. A.M.C., art. 1540 et 1604.