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Art. 1673

PUBLICITE FONCIERE

Rejet de la formalité

Notification des irrégularités de nature à justifier le rejet

Notification faite après l'expiration du délai d'un mois imparti au premier alinéa du 3 de l'article 34 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955

Conséquences

ARRET DE LA COUR DE CASSATION ( 3ème CHAMBRE CIVILE )
DU 13 JUILLET 1994)

Faits : Aux termes du E-1 de l'article 71 du décret du 14 octobre 1955, "sous peine de refus du dépôt, tout extrait, expédition, copie ou bordereau déposé pour l'exécution d'une formalité concernant un fraction d'immeuble doit contenir en plus des références exigées par l'article 32-2ÿe du présent décret... les références (date, volume, numéro) à la formalité donnée à l'acte contenant l'état descriptif de division ou au document analogue en tenant lieu et, éventuellement, aux actes modificatifs se rapportant aux fractions intéressées".

Aussi, dans une attestation après décès constatant la transmission de lots de copropriété et établis par la SCP notariale R... et S... a-t-il été relaté à la fois l'état descriptif de division d'origine et les deux modificatifs de cet état. Mais la relation de celui d'origine n'était pas complète : il manquait l'indication du volume et du numéro de la publication.

Lors de la remise de l'attestation au bureau des hypothèques, cette omission ne fut pas immédiatement décelée et il n'y eut pas, par suite, de refus du dépôt. Ce ne fut qu'ultérieurement, c'est-à-dire lors de l'annotation du fichier, que la non-désignation du volume et du numéro d'ordre a été relevée et considérée comme faisant obstacle à l'achèvement de l'exécution de la formalité.

Cette cause de rejet, effectivement, trouve sa justification légale dans les dispositions combinées du 3 de l'article 74 du décret du 14 octobre 1955 et dans celles susrapportées du E-1 de l'article 71 du même décret. Elle fut en conséquence notifiée au signataire du certificat d'identité, puis, la régularisation demandée n'ayant pas été faite, le rejet fut prononcé et notifié.

Soumis au jugement, d'abord du président du tribunal de grande instance et ensuite de la cour d'appel de Paris, ce rejet fut validé par ces deux juridictions ainsi qu'il résulte de l'ordonnance du 21 mai 1991 et de l'arrêt du 23 octobre 1992 qui, l'une et l'autre, ont été insérés au présent bulletin sous les articles 1508 et 1573 auxquels le lecteur est invité à se référer.

Sur pourvoi de Me S..., la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a rendu l'arrêt rapporté ci-dessous :

"Sur le premier moyen

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 1992), statuant comme en matière de référé, que la SCP notariale R... et S... a déposé au bureau des hypothèques aux fins de publication, le 10 juillet 1990, une attestation immobilière à la suite d'un décès et que, le 12 décembre 1990, le conservateur des hypothèques lui a notifié une cause de rejet pour absence des références de publication du règlement de copropriété et de l'état descriptif de l'immeuble; que M. S... ayant protesté, une nouvelle décision de rejet de la formalité lui a été notifiée, contre laquelle il a formé un recours, demandant que soit ordonnée la publication de l'acte;

Attendu que M. S... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen, "d'une part, qu'aux termes de l'article 34-3 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 pris pour l'application du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, en cas d'inexactitude ou de discordance ou à défaut de publication du titre du disposant ou de l'attestation de transmission par décès à son profit, le conservateur notifie "dans le délai maximum d'un mois à compter du dépôt" les inexactitudes ou autres causes de rejet de la formalité au signataire du certificat d'identité; que de l'indication formelle que ce délai d'un mois est un délai maximum, il résulte nécessairement que le conservateur des hypothèques ne peut l'outrepasser; qu'il n'est donc pas en droit de notifier au delà de ce terme une cause de rejet et qu'en considérant que le délai réglementaire n'a qu'une valeur indicative et en admettant qu'en l'espèce, le conservateur des hypothèques avait pu régulièrement notifier une cause de rejet de la formalité plus d'un mois après le dépôt de l'acte, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les dispositions de l'article 34-3 du décret du 14 octobre 1955 susvisées; d'autre part, que lesdites dispositions instituent deux délais, savoir d'abord le délai d'un mois ouvert au conservateur des hypothèques pour notifier une cause de rejet, puis un nouveau délai d'un mois au terme duquel, si le signataire du certificat d'identité n'a pas réparé les omissions, produit les justifications ou déposé les documents rectificatifs, la formalité est rejetée, le conservateur des hypothèques devant alors notifier dans les huit jours de l'expiration de ce délai sa décision de rejet; que le requérant avait, dans ses conclusions d'appel, précisément analysé ce mécanisme et observé qu'en l'espèce, le conservateur des hypothèques avait non seulement outrepassé le premier délai, qui expirait le 10 août 1990, pour notifier la cause de son rejet, mais aussi méconnu le second délai, puisqu'après avoir notifié la cause de rejet le 12 décembre 1990, il disposait d'un mois et huit jours pour notifier sa décision de rejet et que la décision de rejet de formalité prise le 13 février 1991 était donc tardive; que la cour d'appel qui ne s'est prononcée que sur le premier délai et a totalement ignoré le moyen ainsi précisément articulé par M. S... dans ses écritures et tiré de la méconnaissance du second délai imparti au conservateur des hypothèques pour notifier le rejet de la formalité, n'a pas répondu aux conclusions dont elle était saisie et violé, de la sorte, l'article 455 du nouveau code de procédure civile";

Mais attendu qu'ayant, d'une part exactement relevé qu'aucune sanction n'était prévue en cas de dépassement du délai institué à l'article 34-3 du décret du 14 octobre 1955 pour notifier la cause de rejet éventuel de formalité et que l'expiration du temps imparti pour donner une réponse ne pouvait s'analyser en un acquiescement à la formalité requise et, d'autre part, constaté que, le 7 janvier 1991, M. S... avait reçu la lettre lui notifiant les inexactitudes relevées et la référence du texte appliqué et que la notification du rejet de la formalité avait été faite le 13 février 1991, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a retenu, à bon droit, que la notification faite plus d'un mois après le dépôt de la demande de publication pouvait seulement entraîner la mise en jeu de la responsabilité du conservateur des hypothèques;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé;

Sur le second moyen

Attendu que M. S... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen, "d'une part, qu'aux termes de l'article 2199 du code civil, un rejet de formalité ne peut être fondé que sur un texte législatif ou réglementaire sur la publicité foncière; qu'en vertu de l'article 1er du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, "le fichier immobilier présente, telle qu'elle résulte des documents publiés, la situation juridique actuelle des immeubles"; qu'au regard de la finalité ainsi assignée à la publicité foncière, si une fiche d'immeuble existe déjà, ce qui était le cas de l'espèce, et si elle comporte l'indication des dates, volumes et numéros de la publication du règlement de copropriété et de son modificatif, il n'y a pas lieu de répéter ces informations sur les actes relatifs au même immeuble; que leur publication ne peut donc être subordonnée à l'inclusion de renseignements d'ores et déjà connus du conservateur et accessibles aux tiers; que de telles mentions sont, en pareille occurrence, parfaitement inutiles et qu'en estimant, néanmoins, que leur omission justifiait un rejet de formalité, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1er, alinéa 2, du décret du 4 janvier 1955 et celles de l'article 71 E du décret du 14 octobre 1955 pris pour son application; d'autre part, que dans ses conclusions, le notaire avait encore indiqué que l'attestation présentée à la formalité contenait "toutes les références des états descriptifs antérieurs, ce qui rendait d'autant plus inutiles les références de l'état descriptif d'origine, qui n'était plus valable"; que la cour d'appel a totalement ignoré ce chef péremptoire des conclusions dont elle était saisie, entachant ainsi derechef sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation des dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile";

Mais attendu qu'ayant constaté que l'acte déposé ne mentionnait pas le volume et le numéro de publication de l'état descriptif d'origine de l'immeuble, la cour d'appel, qui a retenu, à bon droit, que le conservateur des hypothèques, qui n'avait pas lui-même le pouvoir de le compléter, devait être mis en mesure de s'assurer qu'il n'y avait aucune discordance entre le document à publier et les énonciations correspondantes contenues dans les titres déjà publiés, a, répondant aux conclusions, légalement justifié sa décision de ce chef;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi;

Condamne Me S..., envers M. T..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt;

Observations :

L'objet du litige est apparemment bien mince : dans une attestation de propriété déposée le 10 juillet 1990 au 1er bureau des hypothèques de Paris, un document déjà publié a été relaté comme étant "l'état descriptif de division du 15 décembre 1964, publié au 1er bureau des hypothèques de la Seine le 29 janvier 1965". Il s'agit de savoir s'il convient ou non d'ajouter à cette désignation les références de publicité que sont les numéros de volume et d'ordre. Ce différend, cependant, grâce à l'opiniâtreté d'un plaideur inflexible, a conduit la Cour de Cassation à examiner trois questions de droit : elles sont énoncées ci-après et suivies pour chacune d'elle de l'exposé et du commentaire de la réponse apportée par la Cour Suprême.

1ère question :

Selon le 1er alinéa du 3 de l'article 34 du décret du 14 octobre 1955, "En cas d'inexactitude ou de discordance ou à défaut de publication du titre du disposant ou de l'attestation de transmission par décès à son profit, le conservateur ne procède pas aux annotations sur le fichier immobilier. Il notifie, dans le délai maximum d'un mois à compter du dépôt, les inexactitudes, discordances ou défaut de publication relevés au signataire du certificat d'identité...".

Faut-il, comme le requérant l'a soutenu, déduire de ces dispositions réglementaires qu'après l'expiration du délai qui y est fixé, le conservateur est privé du droit de notifier une cause de rejet et doit, en conséquence, achever l'exécution de la formalité ?

Réponse :

Non, pour les motifs déjà retenus dans l'arrêt attaqué et qui sont les suivants :

- aucune sanction n'est prévue en cas de dépassement du délai dont il s'agit,

- l'expiration du temps imparti pour donner une réponse ne peut s'analyser en un acquiescement à la formalité requise,

- le dépassement du délai est seulement susceptible d'entraîner la mise en jeu de la responsabilité du conservateur.

2ème question :

Ainsi qu'il ressort des 4ème, 6ème et 7ème alinéas du 3 de l'article 34 déjà cité, la réception de la notification d'une cause de rejet fait courir le délai d'un mois accordé à son destinataire pour supprimer l'anomalie qui lui est reprochée. Lorsque la suppression ainsi demandée n'est pas opérée, la fin du délai d'un mois marque le point de départ d'un nouveau délai de huit jours qui est celui imparti au conservateur pour notifier la décision de rejet.

Si cette ultime notification n'a pas été faite dans le délai ainsi fixé, le conservateur peut-il encore prononcer valablement le rejet et le notifier ou, au contraire, est-il tenu d'achever l'exécution de la formalité ?

Réponse :

L'arrêt du 13 juillet 1994 ne résout pas cette question. En effet, il y est seulement souligné que "le 7 janvier 1991, M. S... avait reçu la lettre lui notifiant les inexactitudes relevées et la référence du texte appliqué et que la notification du rejet de la formalité avait été faite le 13 février 1991".

C'est que les juges du fond, en exposant les faits, ont récapitulé les correspondances échangées entre le notaire et le conservateur et l'ont fait comme suit :

- 10 juillet 1990 : dépôt du document à publier.

- 12 décembre 1990 : notification d'une cause de rejet tenant à l'absence des références de publication de l'état descriptif de division de l'immeuble.

- 27 décembre 1990 : réponse de Me S... qui affirme que "la notification est sans valeur en faisant valoir que :

1°) le délai d'un mois entre la date du dépôt et la date de notification n'a pas été respecté,

2°) la décision n'est pas motivée, faute de référence au texte qui imposerait dans une vente de rappeler les références de publication de l'état descriptif de division".

- 4 janvier 1991 : le conservateur à qui la lettre de notification (formule 3273) avait été renvoyée en fait retour à Me S... . Il y a ajouté une croix qui ne figurait pas dans la première notification mais qui a été placée au niveau de la motivation préimprimée tirée de la "discordance entre les énonciations relatives aux éléments essentiels dans le document déposé et celles des titres publiés depuis le 1-1-56 (D. du 4-1-1955, art. 34 par. 3......; D. du 14-10-1955, art. 34, 36.....; C. Civ.. art. 2148)". En outre, l'article 71, compris dans l'énumération qui précède, et qui constitue la base légale du rejet a été encadré.

- 7 janvier 1991 : Me S... reçoit la notification dûment complétée.

- 13 février 1991 : notification du rejet.

Or, effectivement, à cette dernière date, le délai d'un mois et huit jours, compté à partir du 7 janvier 1991, n'était pas expiré : la Cour de cassation, en se référant aux constatations effectuées par la Cour d'appel l'a reconnu d'une manière implicite mais certaine.

De la sorte, la Haute Juridiction a considéré que l'argument du déposant manquait en fait. Corrélativement, elle s'est abstenue de rechercher si, ce qui ne semble pas, il eût été susceptible d'être fondé en droit.

3ème question :

Lorsque le document à publier concerne un ou plusieurs lots de copropriété, ce document, sous peine de refus du dépôt, doit rappeler les références (date, volume, numéro) à la formalité donnée à l'acte contenant l'état descriptif de division. C'est ce qui résulte du E-1 de l'article 71 du décret du 14 octobre 1955.

D'autre part, d'après le E-2 du même article, la formalité est rejetée si après avoir accepté le dépôt d'un tel document, le conservateur constate une discordance entre les références (date, volume, numéro) à la formalité donnée à un état descriptif de division et celles énoncées dans le document déposé.

Toutefois, Me S... a remarqué que l'intégralité des références susvisées n'est pas nécessaire à la mise à jour du fichier lorsque chacun des immeubles dont il est disposé a déjà suscité la création d'une fiche sur laquelle il est fait mention de l'état descriptif et de la formalité qui lui a été donnée.

Faut-il, comme il l'a fait, en déduire que ces références n'ont pas alors à être exigées ?

Réponse : Réponse négative.

En effet, selon la Cour de cassation, il ne doit exister aucune discordance entre le document à publier et les énonciations correspondantes contenues dans les titres déjà publiés. S'il n'y a pas concordance, le conservateur n'a pas le pouvoir de mettre lui-même fin à cette anomalie.

C'est qu'en réalité, contrairement à ce que Me S... a fait plaider, le rôle légal d'un conservateur des hypothèques ne saurait être réduit à l'obligation qui lui incombe de présenter au fichier la situation juridique actuelle des immeubles, telle qu'elle résulte des documents publiés.

Depuis comme avant le 1er janvier 1956, ce mandataire légal a pour mission primordiale de concourir à la formation des registres qui sont "publics", c'est-à-dire accessibles sous forme de copie ou d'extrait à tous ceux qui le requièrent. A cette fin, il est chargé de filtrer les documents appelés à composer ces registres. Il doit également assurer la garde de ces derniers en veillant à leur entretien et à leur intangibilité.

Si, par suite, une disposition législative ou réglementaire exclut du registre public tout acte ou décision juridictionnelle ne contenant pas les références attribuées à un document déjà inclus dans ce registre, nos collègues n'ont pas à se demander s'ils sont en mesure de procéder sur le fichier aux annotations qui leur incombent. Ils sont tenus de faire ce qui leur est prescrit et donc, selon le cas, de refuser le dépôt ou de rejeter la formalité.

Un même caractère obligatoire ne peut qu'être reconnu au principe d'intangibilité qui, à l'égard des agents des conservations, s'applique dès la remise du document. En considérant que le conservateur n'avait pas lui-même le pouvoir de compléter l'acte déposé, la Haute Juridiction a fait application de ce principe dont elle a, en même temps, rappelé très opportunément l'existence.

Rapprocher : Bull. A.M.C., art. 1508 et 1573.