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ARTICLE 1732

INSCRIPTIONS

Sûretés judiciaires constituées sur les immeubles en vertu de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991

Inscription provisoire prise sur présentation
d'une ordonnance d'autorisation rendue par le juge de l'exécution

Inscription définitive requise avant que le titre constatant les droits du créancier

soit passé en force de chose jugée

Refus du dépôt justifié

Question : Se fondant sur l'autorisation donnée à cette fin par un juge de l'exécution, une banque a pris une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sur un immeuble appartenant à son débiteur.

Cette publicité provisoire a, quelques mois plus tard, été suivie par la remise au conservateur de deux bordereaux ayant pour objet d'inscrire sur le même immeuble et pour sûreté de la même somme une hypothèque judiciaire définitive.

Dans ces bordereaux, cette seconde inscription est expressément qualifiée de ' se substituant rétroactivement' à l'inscription provisoire qu'elle est destinée à confirmer.

En même temps, cet inscrivant, pour satisfaire à l'obligation prescrite au dernier alinéa de l'article 263 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, a présenté un jugement ayant condamné le débiteur au paiement d'une somme supérieure à celle conservée par l'inscription provisoire.

Mais ce jugement, assorti de l'exécution provisoire mais rendu en premier ressort, a été frappé d'appel.

Y avait-il lieu, dès lors, de refuser le dépôt ?

Réponse : Réponse affirmative.

Sous l'empire de l'article 54 alinéa 4 de l'ancien code de procédure civile, article abrogé par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 (1) portant réforme des procédures civiles, la question s'était posée de savoir si une inscription judiciaire définitive requise avant que le jugement au fond soit passé en force de chose jugée pouvait se substituer rétroactivement à l'inscription provisoire.

Après avoir répondu par l'affirmative dans un arrêt du 15 Mai 1974 publié et commenté au Bulletin de l'A.M.C. sous l'article 1022, la Cour de cassation, dans un arrêt du 5 Mai 1981 ( JCP 1981, Ed. N 1985 II p. 27 ), confirmé depuis, notamment dans un arrêt du 4 Janvier 1991 ( JCP 1992 Ed. N. II p. 65 ), est revenue sur sa jurisprudence.

S'appuyant sur la nouvelle formulation de l'article 54 du code précité introduite par l'article 19 du décret n° 75-1122 du 5 Décembre 1975 et ayant consisté à remplacer la locution 'aura acquis l'autorité de la chose jugée ' par la locution 'aura acquis force de chose jugée ', elle a décidé qu'une inscription judiciaire définitive requise avant que le jugement soit passé en force de chose jugée ne pouvait se substituer rétroactivement à l'inscription provisoire.

Il faut noter cependant que tant que l'article 54 de l'ancien code de procédure civile est demeuré en vigueur, les hésitations jurisprudentielles sur la validité de ces inscriptions n'intéressaient pas directement les conservateurs.

Ceux-ci, même lorsqu'ils avaient pris conscience de l'inefficacité des inscriptions définitives requises prématurément ou au contraire, tardivement, ne pouvaient qu'accepter le dépôt des bordereaux et achever l'exécution de la formalité.

C'est ce que le Président de l'A.M.C. avait justement suggéré dans le dernier alinéa de la réponse faite en 1974 et insérée à l'article 994 du Bulletin.

La situation est modifiée et le conseil donné par le Président de l'Association est devenu caduc depuis l'abrogation de l'article 54 de l'ancien code de procédure civile et en présence de l'article 263 du décret n° 92-755 du 31 Juillet 1992 pris en application de la loi n° 91-650 du 9 Juillet 1991.

Ce dernier article dispose :

' La publicité définitive doit être effectuée dans le délai de deux mois courant selon le cas :

1° du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée.

Le créancier présente tout document attestant que les conditions ci-dessus sont remplies .

Concernant la nécessité d'un jugement passé en force jugée pour inscrire l'hypothèque définitive se substituant à l'hypothèque provisoire et eu égard à la similitude des termes employés par l'ancien article 54 de l'ancien code de procédure civile et l'article 263 précité, il ne paraît pas douteux que la jurisprudence de la Cour de cassation ne pourra qu'être maintenue dans le nouveau régime des sûretés judiciaires conservatoires.

En revanche, le dernier alinéa de l'article 263 du décret du 31 Juillet 1992 exige désormais du conservateur qu'il s'assure que le document présenté à l'appui du bordereau d'inscription démontre que le jugement formant titre est passé en force de chose jugée et que le délai de deux mois prévu par ce texte est respecté.

En l'espèce et par application de ces principes, dès lors que le document présenté à l'appui des bordereaux ne démontrait pas, même si les mentions figurant sur ces bordereaux affirmaient le contraire, que le jugement était passé en force de chose jugée et qu'en conséquence, le délai de deux mois prévu par ce texte avait commencé à courir et qu'il n'était pas expiré, le dépôt devait faire l'objet d'un refus (2).

Il en aurait été bien entendu autrement si les bordereaux avaient fait mention expresse de substitution rétroactive à une inscription provisoire, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce. A défaut de cette mention en effet, l'inscription requise serait entrée dans le champ d'application de l'hypothèque judiciaire prévue par l'article 2123 du code civil, lequel n'exige pas pour que l'inscription soit valablement prise, un jugement passé en force de chose jugée. Une telle inscription n'aurait en bien entendu aucun effet rétroactif.

(1) Les article 48 à 57 de l'ancien code de procédure civile ont été abrogés à compter du 1er janvier 1993 par les dispositions combinées des articles 94 à 97 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution. Ils ont été remplacés par les règles énoncées au chapitre IV de ladite loi, intitulé ' Dispositions spécifiques aux mesures conservatoires '.

(2) Il y a lieu de noter qu'en l'espèce, si l'inscription avait pu être prise, toutes les conditions exigées par les textes ayant été remplies, elle n'aurait donné rang à la date de la formalité initiale que dans la limite des sommes conservées par cette dernière, conformément aux dispositions de l'article 260 du décret du 31 Juillet 1992.