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ARTICLE 1752

RADIATIONS

Mainlevée judiciaire
Radiation d'une inscription définitive d'hypothèque judiciaire
et de l'inscription provisoire à laquelle elle a été substituée
par un jugement de première instance frappé d'appel mais assorti de l'exécution provisoire
Refus de radier justifié nonobstant l'ordonnance du conseiller de la mise en état
ayant radié l'affaire du rôle de la Cour d'appel.

Jugement du juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de GRASSE

( 27 février 1996 )

Faits

Pour obtenir la radiation d'une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire et de l'inscription définitive qui l'a suivie, la société E... a remis au conservateur une expédition d'un jugement rendu le 16 décembre 1994 par le tribunal de Grasse.

Ce jugement qui enjoint de radier ces deux inscriptions a été frappé d'appel.

Toutefois l'exécution provisoire a été formellement ordonnée. En outre à l'expédition déjà citée, le requérant a ajouté celle d'une ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état dans le cadre de l'instruction de l'appel formé contre le jugement de radiation.

Cette décision de justice en date du 22 septembre 1995 est reproduite ci-après :

' ORDONNANCE DE RADIATION

(article 915 du N.C.P.C.)

Attendu que l'appelant n'a pas déposé de conclusions dans le délai prescrit par l'article 915 du nouveau code de procédure civile;

Qu'il convient en application de l'article 915 du nouveau code de procédure civile de prononcer la radiation de l'instance avec ses conséquences légales;

PAR CES MOTIFS

Prononce la radiation de l'instance;

Dit que cette radiation prive l'appel de tout effet suspensif hors le cas où l'exécution provisoire est interdite par la loi.'

Considérant que le jugement du 16 décembre 1994 n'était pas passé en force de chose jugée, notre collègue refusa de radier en invoquant la règle énoncée à l'article 2157 du code civil.

Ce refus fut attaqué devant le juge de l'exécution du tribunal de Grasse par la société propriétaire des biens immobiliers grevés.

Sur cette requête, il fut statué le 27 février 1996 par le jugement rapporté ci-dessous.

' Par jugement du 16 décembre 1994, il a été prononcé la radiation et ordonné la mainlevée pure et simple de toutes les inscriptions d'hypothèque judiciaire provisoire et d'hypothèque judiciaire définitive prises par M. L.. sur les biens et droits immobiliers régulièrement acquis par la société E... le 15 avril 1987.

Cette décision a été frappée d'appel le 18 avril 1995 par M. L..

Une ordonnance de radiation du rôle de la Cour d'appel est intervenue le 22 septembre 1995 car M. L.. n'avait pas respecté les prescriptions de l'article 915 du nouveau code de procédure civile.

Aux termes de l'article 2157 du code civil, les inscriptions sont rayées du consentement des parties intéressées et ayant capacité à cet effet ou en vertu d'un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée.

Il apparaît que c'est à bon droit que M. le conservateur du 3ème bureau des hypothèques de G.. a refusé de procéder à la mesure de radiation qui était sollicitée puisque l'instance d'appel n'est toujours pas éteinte et, qu'en conséquence, le jugement rendu le 16 décembre 1994 ne peut être considéré passé en force de chose jugée, l'ordonnance rendue le 22 septembre 1995 se bornant à prononcer la radiation de l'instance; or, l'instance peut être reprise à tout moment par une des parties présentes à la procédure. En conséquence, il convient de débouter la SA E.. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

Il serait inéquitable que Monsieur le conservateur du 3ème bureau de G.. conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'il a dû exposer, il lui est alloué de ce chef une somme de 4 000 F.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déboute la SA E.. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

La condamne à payer à Monsieur le conservateur du 3ème bureau des hypothèques de G.. une somme de 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Condamne la SA E.. aux entiers dépens. '

OBSERVATIONS :

Ainsi dans la présente affaire, le conservateur qui avait refusé d'effectuer la radiation ordonnée par le tribunal de grande instance de Grasse a été assigné par le propriétaire grevé devant le juge de l'exécution appartenant à ce tribunal.

Le demandeur a été débouté de ses conclusions et la décision rendue dans ce sens paraît à la fois entrer dans la compétence du juge de l'exécution et être pleinement justifiée au fond.

Sur la compétence

Avant le 1er janvier 1993, l'article 811 du nouveau code de procédure civile habilitait le président du tribunal de grande instance à statuer en référé ' sur les difficultés d'exécution d'un jugement ou d'un autre titre exécutoire '

Cet article a été abrogé par l'article 305 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992.

Désormais, comme il est prévu au premier alinéa de l'article L. 311-12 du code de l'organisation judiciaire dans sa rédaction issue de l'article 8 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991, c'est le juge de l'exécution qui connaît ' des difficultés relatives aux titres exécutoires. '

Dès lors, en tranchant le désaccord qui opposait notre collègue à la société E.., le juge de l'exécution de Grasse est resté dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés.

Ratione loci également, ce magistrat était compétent et ce, que l'on se réfère à l'un ou l'autre des deux critères retenus à l'article 9 du décret du 31 juillet 1992, qui sont, soit le lieu où demeure le débiteur, soit celui de l'exécution de la mesure;

Au fond

Le jugement du 16 décembre 1994 auquel notre collègue a estimé qu'il ne devait pas déférer bénéficie de l'exécution provisoire, ce qui, malgré l'appel, suffit à le rendre exécutoire. En outre même si, ce qui n'est pas, l'appel avait eu un effet suspensif, ce recours aurait été privé dudit effet par l'ordonnance susrapportée, rendue le 22 septembre 1995 par le conseiller de la mise en état;

C'est ce qui résulte des premier et second alinéas de l'article 915 N.C.P.C. visé dans cette ordonnance.

Selon ces alinéas, lorsque l'avoué de l'appelant n'a pas, dans les quatre mois de la déclaration d'appel, déposé au greffe ses conclusions, l'affaire est radiée du rôle ' par une décision non susceptible de recours ' et 'cette radiation prive l'appel de tout effet suspensif, hors les cas où l'exécution provisoire est interdite par la loi '.

Toutefois, le troisième alinéa du même article dispose que l'affaire ainsi radiée ' est rétablie soit sur justification du dépôt des conclusions de l'appelant, l'appel restant privé de tout effet suspensif, soit sur l'initiative de l'intimé qui peut demander que la clôture soit ordonnée et l'affaire renvoyée à l'audience pour être jugée au vu des conclusions de première instance '.

Or, lorsqu'elle désigne une décision frappée d'appel, l'expression ' jugement passé en force de chose jugée ' employée par les auteurs de l'article 2157 du code civil implique que les juges du second degré aient statué ou, s'ils ne l'ont pas fait, qu'ils soient définitivement dessaisis.

Cette dernière condition est accomplie lorsque l'instance a été éteinte par la péremption et c'est pourquoi l'article 390 N.C.P.C. précise que ' la péremption en cause d'appel ou d'opposition confère au jugement la force de la chose jugée, même s'il n'a pas été notifié '

Au contraire, en l'espèce, comme le juge de l'exécution l'a relevé, l'instance quoique radiée, ' peut-être reprise à tout moment par une des parties présentes à la procédure '; elle n'est donc pas ' éteinte ' et, dès lors, ' le jugement rendu le 16 décembre 1994 ne peut être considéré comme passé en force de chose jugée '

A cette conclusion, on ne peut que souscrire : les conservateurs, d'après l'article 878-1° du CGI, sont chargés de l'exécution des formalités civiles prescrites et les radiations d'inscription, ordonnées par la Justice, ne peuvent être qualifiées de telles tant qu'elles sont susceptibles d'êtres infirmées en appel.

Rapprocher : Bulletin A.M.C., art. 1416 et 1726.