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Art. 1871

INSCRIPTIONS

 

Inscription de l'hypothèque judiciaire de l'article 2123 du code civil
Nécessité d'un jugement définitif (non)
Autorisation expresse du juge (non)
Rappel des principes

 

Question : Un bordereau d'inscription hypothécaire a été publié sur le fondement de l'article 2123 du code civil en vertu d'un jugement de divorce condamnant un époux à payer une pension alimentaire à son épouse à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants du couple.

L'époux condamné a demandé au conservateur en vertu de quels textes il avait accepté de publier ce bordereau sans autorisation expresse préalable du juge compétent, alors que l'inscription garantissait une créance éventuelle qui pouvait être modifiée par le juge d'appel, ce qui s'est produit au demeurant.

Estimant quant à lui que l'inscription avait été régulièrement publiée dès lors que l'article 2123 du code civil n'exige pas que la condamnation ne soit plus susceptible de remise en cause, le conservateur se demande si sa position est justifiée.

Réponse : Réponse affirmative.

L'article 2123 du code civil dispose: " L'hypothèque judiciaire résulte des jugements soit contradictoires, soit par défaut, définitifs ou provisoires, en faveur de celui qui les a obtenus. Elle résulte également des décisions arbitrales revêtues de l'ordonnance judiciaire d'exécution ainsi que des décisions judiciaires rendues en pays étrangers et déclarées exécutoires par un tribunal français….."

La jurisprudence et la doctrine s'accordent pour admettre que l'hypothèque judiciaire prévue par cet article apparaît comme un effet légal des jugements, qui se produit de plein droit, en vertu de la loi elle-même, hors la volonté des parties, sans qu'il soit nécessaire au créancier de la demander ou au juge de l'accorder et sans que le débiteur puisse s'y opposer ni que le juge puisse l'empêcher de naître.

Pour que les jugements donnent naissance à l'hypothèque judiciaire deux conditions sont nécessaires.

La première concerne le caractère contentieux de la décision judiciaire:

Sont seules susceptibles de conférer l'hypothèque judiciaire les décisions rendues sur une contestation présentée devant une autorité judiciaire et rentrant dans l'exercice de la juridiction contentieuse. Il n'est pas nécessaire pour que soit inscrite une hypothèque judiciaire, qui est une mesure conservatoire, que la décision de justice à laquelle elle est attachée soit passée en force de chose jugée (rapp. Bulletin art. 994.)

Par ailleurs, le 2ème alinéa de l'article 2123 du code civil autorise également l'hypothèque judiciaire pour les décisions arbitrales lorsqu'elles sont revêtues de l'ordonnance judiciaire d'exécution. De même, certaines contraintes administratives peuvent engendrer l'hypothèque judiciaire (rapp. Bulletin, art. 1810).

La seconde condition est relative à la nécessité pour la décision d'emporter condamnation d'une des parties et de constater une créance. Tout jugement ne confère pas une hypothèque. Dans une jurisprudence déjà ancienne, la cour de cassation a estimé que, malgré les termes très généraux employés dans le premier alinéa de l'article 2123, il était nécessaire que la décision judiciaire prononce une condamnation, qu'elle soit déterminée ou indéterminée, actuelle ou éventuelle ou conditionnelle, ou qu'elle en contienne le germe en déclarant ou reconnaissant, à la charge de l'une des parties, l'existence d'une obligation appréciable en argent, de faire ou de ne pas faire une chose, sans qu'il soit besoin d'ordonner au débiteur de l'exécuter. Mais il ne suffit pas qu'une créance soit énoncée dans les motifs du jugement pour justifier l'inscription hypothécaire: ce qui est nécessaire et suffisant, c'est le principe de la condamnation.

Par ailleurs, l'hypothèque judiciaire garantit le montant en principal de la créance visée par le jugement, qu'il s'agisse d'une créance actuelle, éventuelle ou conditionnelle, déterminée ou non, à charge dans ce dernier cas, d'en évaluer le montant dans le bordereau d'inscription. Si le débiteur grevé estime que cette inscription est excessive, il lui appartient d'en demander au juge compétent la réduction, conformément aux dispositions de l'article 2161du code civil.

Rapp. Bulletin, art. 994 et 1810.