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Art : 1935

INSCRIPTIONS

Effet des inscriptions déposées sans indication de condition, contre une société et/ou ses représentants, avant, puis après son immatriculation au RCS dans un contexte ou l'acte d'acquisition du bien grevé avait érigé en condition suspensive pour la société et condition résolutoire pour ses représentants le dépôt d'un acte de reprise des engagements qui n' a toujours pas été publié.

Prise en compte au fichier d'un K bis déposé à l'appui d'un bordereau


QUESTION : Par acte du 29/04/2002, déposé le 01/07/2002, une SCI " X " en cours de formation, représentée par ses associés, les consorts K et T a acquis un immeuble commercial.

L'acte indiquait que les associés s'obligeaient à déposer au rang des minutes d'un notaire un K bis de la société et un acte de reprise des engagements dans les deux mois de l'acte, disant qu'à défaut, les associés seraient réputés propriétaires personnellement à concurrence du montant de leurs apports.

Compte tenu de cette clause, la conservation a porté l'acquisition au fichier à la fois au nom de la société et au nom des associés en les présentant tous comme acquéreurs, mais sans préciser dans le complément au descriptif que leurs droits respectifs se trouvaient conditionnés par la réalisation ou la non réalisation de la condition exprimée, par ailleurs non expressément reprise, en se contentant de la mention suivante : " Les consorts K et T associés de la société " X " "

Simultanément, un bordereau de privilège de prêteur de deniers a été déposé en mentionnant comme débiteur, propriétaire grevé la société X, " représentée par les associés K et T", en rappelant la condition attachée à l'acquisition.

Au vu de ce bordereau, la Conservation a inscrit le privilège contre la société et contre les associés pris eux aussi comme débiteurs, mais sans mentionner dans le complément au descriptif, la condition affectant les droits de propriété respectifs de chacun.

Le 21/01/2009, une inscription d'hypothèque conventionnelle a été prise au profit d'une banque " Z ", mais contre la société " X " seule, sans indication des associés et sans rappel de la condition exprimée dans l'acte d'acquisition, cette société, (immatriculée dès le lendemain de l'acte d'acquisition) étant identifiée avec son numéro SIREN.

Le 07/09/2009, un bordereau d'inscription d'hypothèque légale du Trésor requise contre les époux " K et T" (seuls) a été déposé. Là encore aucune indication sur le caractère conditionnel des droits de propriété n'a été mentionnée.

Dès réception de l'état sur formalité, la Recette des finances a contesté le fait que le conservateur ait pu accepter l'Inscription d'hypothèque conventionnelle du 21/01/2009 contre la société seule, alors qu'aucun acte constatant la réalisation des conditions n'avait été préalablement publié (1).
Le Receveur des finances a subséquemment relevé qu'ayant eu connaissance de l'immatriculation de la société par le biais du dit bordereau, le conservateur aurait du constater au fichier l'immatriculation de la société comme valant reprise des engagements et donc refuser l'hypothèque légale du Trésor, dont il pressent l'inefficacité.

REPONSE:
Observations préalables
Les actes d'acquisition effectués pour le compte d'une société en formation ne sont pas toujours rédigés d'une manière explicite au regard du caractère conditionnel des droits de propriété attribués aux associés comparants, au représentant de la société et à la société elle-même, en attendant l'immatriculation et la constatation par acte, de la reprise des engagements.
Lorsque la formule employée n'exprime pas clairement le caractère résolutoire de l'acte vis-à-vis des associés et représentants, ou son caractère suspensif, vis-à-vis de la société (exemple " acquisition par la société, représentée par ", comme dans le cas précis…) l'AMC a toujours conseillé (cf. art 1462 du bulletin), de traiter l'acte comme s'il était affecté expressément de telles conditions dès lors que l'analyse des clauses qu'il comporte ne fait apparaître aucune ambiguïté à ce sujet. Il est alors conseillé de reproduire avec la plus grande fidélité et la plus grande clarté possible les termes exacts de la condition dans le complément à la formalité.
On ne peut que s'en tenir à cette ligne étant observé qu'au cas particulier le report in extenso de la mention portée par le notaire a savoir " les associés s'obligent à déposer au rang des minutes d'un notaire un K bis de la société et un acte de reprise des engagements dans les deux mois de l'acte, disant qu'à défaut, ils seraient réputés propriétaires personnellement à concurrence du montant de leurs apports ". aurait été de nature à assurer une information claire sur la portée des droits de chacun.

Point (1) : S'agissant de la possibilité de requérir des Inscriptions contre l'un ou l'autre des propriétaires conditionnels identifiés au fichier en attendant la réalisation des conditions exprimées dans l'acte.

Lorsque pour une propriété donnée le fichier immobilier fait état de personnes ayant acquis un bien sous condition résolutoire et corrélativement d'une société l'ayant acquis sous condition suspensive, l'AMC a toujours considéré qu'a défaut de publication d'acte constatant la réalisation de la condition au fichier, on devait accepter aussi bien les inscriptions prises contre les associés que celles requises contre la société (art 1746, 1328 du bulletin), étant observé qu'en vertu de l'article 2414 du code civil, les inscriptions prises se trouvent alors soumises aux mêmes conditions que celles affectant le droit de propriété possédé (1).

Au cas particulier, ni le caractère insuffisamment explicite des annotations portées au fichier immobilier pour relater l'acte d'acquisition, ni l'absence de mention sur les bordereaux du caractère conditionnel des droits de propriété donnés en garantie ne paraissent de nature à affecter la validité et l'opposabilité aux tiers des inscriptions prises, tant contre la société que contre les associés, l'efficacité de celle-ci étant, quelque soit la formulation adoptée, suspendue à la réalisation de la condition. Ainsi, même s'il apparaît souhaitable, que le bordereau soit rédigé en conséquence lorsqu'une inscription est prise contre les fondateurs sous condition résolutoire et/ou contre la société en formation sous condition suspensive (bulletin art 1746 déjà cité), la non indication expresse du caractère conditionnel sur le bordereau n'apparait pas susceptible de faire grief et ne constitue pas en soi une cause de rejet.

Concernant plus spécifiquement le bordereau d'inscription d'hypothèque conventionnelle présenté le 21/07/2009 contre la société seule, identifiée pour la première fois avec son numéro d'immatriculation, on observera que l'acte constatant la réalisation de la condition n'étant pas publié à la date de son dépôt, cette inscription revêtait de fait le même caractère conditionnel (certes non exprimé) que les autres inscriptions publiées.
L'indication du numéro SIREN, qui constitue un élément d'identification obligatoire dès son attribution en vertu de l'article 6-1 du décret du 04/01/1955, ne pouvait aucunement être relevée comme une discordance d'identité avec les énonciations portées au fichier immobilier, qui aurait justifié un rejet.

Point (2) : L'immatriculation et la production du K bis à l'appui de l'inscription n'auraient pas été suffisantes pour attester de la réalisation de la condition suspensive, qui prévoyait sans ambiguïté un acte de reprise des engagements.

Au demeurant, la réalisation d'une condition suspensive relative à un transfert de propriété ne saurait évidemment être constatée au fichier immobilier au vu de mentions portées sur un bordereau d'inscription comme le suggérait la Recette des finances. Une telle opération qui relève exclusivement de l'art 28 4° b du décret du 04/01/1955 ne pouvant s'opérer que par voie de publication.
L'appréciation de l'efficacité des inscriptions en cause, qui n'entre pas dans les attributions du Conservateur, se trouve uniquement liée à la réalisation ou la non réalisation de la condition posée dans l'acte d'acquisition, les litiges éventuels étant tranchés par les tribunaux.

(1) Art 2414 : Ceux qui n'ont sur l'immeuble qu'un droit suspendu par une condition, ou résoluble dans certains cas, ou sujet à rescision, ne peuvent consentir qu'une hypothèque soumise aux mêmes conditions ou à la même rescision.


Annoter bulletin AMC art 1462, 1746.