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ARTICLE 1095

PUBLICITE FONCIERE.

Effet relatif des formalités.
Changement de régime matrimonial.
Substitution à un régime de communauté du régime de la séparation des biens.
Acte de disposition postérieur au changement de régime.
Conditions de sa publication.

(Rép. Premier Ministre, Econ. et Fin., 6 août 1977)

Question. M. Gilbert Mathieu expose à M. le Premier Ministre (Economie et Finances) le cas de deux époux ayant contracté mariage dans le courant de l'année 1960 ; cette union n'ayant pas donné lieu à un contrat réglant les conditions civiles, ces époux se sont trouvés soumis à l'ancien régime légal de la communauté de biens meubles et acquêts ; qu'aux termes d'un acte reçu devant notaire dans le courant de l'année 1972, ils ont décidé de substituer à leur régime matrimonial initial, celui de la séparation de biens tel qu'il est régi par les articles 1536 et suivants du Code Civil, le Tribunal de Grande Instance de X... ayant homologué cette convention en 1973 ; que, par suite, la communauté ayant existé entre eux s'est trouvée dissoute, et les immeubles qui en dépendaient sont devenus la propriété par moitié indivisément des deux époux ; qu'aucun partage n'étant intervenu, les époux ont apporté les biens indivis entre eux, à un groupement foncier agricole qu'ils ont convenu de constituer ; que cet acte constitutif a été régulièrement publié dans le courant de l'année 1974 ; qu'au cours de l'année 1975, les époux ont procédé à une augmentation du capital du G.F.A. par apport de biens propres à l'un d'eux ainsi que deux parcelles dépendant de l'ancienne communauté ; que cet acte a été soumis à la Conservation des Hypothèques aux fins de publicité foncière ; que le Conservateur requiert préalablement à la formalité, la publicité de changement de régime matrimonial, en raison de la mutation immobilière qu'il opère. Il lui demande, d'une part, si cette exigence, qui n'a pas été formulée lors de l'apport originaire de biens dépendant de l'ancienne communauté, ne lui semble, pas, inopportune et injustifiée, les biens faisant l'objet de cette formalité - à l'exception d'une parcelle omise lors de l'apport initial du patrimoine propre d'un époux - n'ayant donné lieu à aucune mutation ; d'autre part, dans le cas où cette exigence eût été formulée lors de la constitution du G.F.A., n'eut-elle pas paru sans fondement, dans la mesure où, en l'absence de partage, les biens, communs par le fait du changement de régime matrimonial deviennent la propriété indivise des époux, sans opérer aucune mutation immobilière, à l'inverse du cas exposé dans la réponse publiée au Journal Officiel du 4 octobre 1966 (1) concernant l'adoption d'un régime de communauté universelle, en présence de biens propres à chacun des deux époux.

Réponse. - Dans l'hypothèse évoquée par l'honorable parlementaire, le changement de régime matrimonial a eu pour conséquence de dissoudre la communauté préexistante, et, en l'absence de partage, les immeubles qui en dépendaient sont devenus, à compter de la date du jugement d'homologation, la propriété, par moitié indivise, de chacun des époux. Sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, la substitution intervenue entraîne bien un déplacement de la propriété immobilière de la communauté dissoute vers le patrimoine propre de chacun des conjoints et la convention homologuée qui la constate doit, par conséquent, être publiée au fichier immobilier.

La demande du Conservateur des Hypothèques paraît donc justifiée. En revanche, en l'absence d'éléments d'appréciation suffisants (date d'effet du jugement d'homologation à l'égard des tiers, date de l'acte constitutif du groupement foncier agricole, énonciations de cet acte relatives au régime matrimonial, etc.), il n'est pas possible de préciser si la même exigence aurait dû être formulée à l'occasion de la publication de l'acte portant constitution du groupement foncier agricole (J.O. du 6 août 1977, Déb. Ass. Nat, p. 5041).

Observations. - D'après la réponse ministérielle qui précède, la dissolution d'une communauté conjugale aurait pour effet de faire passer les biens communs du patrimoine de la communauté dans celui des deux époux et opérerait par suite un déplacement de propriété.

Cette analyse de l'opération suppose que la communauté possédait un patrimoine propre distinct de celui des époux.

Or, dans l'art. 647 du Bulletin, nous avons rappelé que l'opinion selon laquelle, dans un régime de communauté, la communauté dispose d'un patrimoine propre est loin d'être unanimement admise (v. égal. : art. 672 et 679).

Aussi, par mesure de prudence, nous croyons devoir conseiller aux collègues, comme nous l'avons déjà fait dans, le cas d'immeubles ameublis par contrat de mariage (v. les art. 647 et 672, précités, du Bulletin); de ne pas subordonner la publication des actes de disposition consentis par les époux après la dissolution de la communauté, à celle de l'acte constatant cette dissolution.

Annoter : C.M.L, 2° éd., n° 490 A, k, II (feuilles vertes) et 721.

 (1) V. Bull. A.M.C., art. 672.