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Art. 1652

PUBLICATIONS D'ACTES

Actes soumis ou admis à publication

Acte portant quittance du prix d'une licitation immobilière

et constatant à la fois la non-publication et l'extinction du privilège de copartageant 

Acte n'entrant pas dans le champ d'application de la publicité foncière

Refus du dépôt justifié

Question : Dans un acte reçu par Me S..., notaire associé à Paris, le 9 novembre 1993, il est tout d'abord rappelé qu'aux termes d'un acte établi par le même office notarial le 21 mai 1986 et qui a été publié, Mme Renée D... a vendu, à titre de licitation faisant cesser l'indivision, à sa soeur Lucienne la moitié indivise en toute propriété d'un appartement moyennant un prix payable par mensualités et productif d'intérêts.

Puis le vendeur "reconnaît que le prix de la vente précitée lui a été entièrement réglé en principal, intérêts et accessoires et en donne quittance à Mlle Lucienne D... sans réserve".

Enfin, il est observé que "par suite de ce paiement, le privilège de copartageant est éteint et ne peut plus être valablement publié".

La publicité de cet acte ayant été requise en suivant les formes fixées au 1 de l'article 34 du décret du 4 janvier 1955 et à l'article 67-3 du décret d'application du 14 octobre 1955, le conservateur a refusé de l'inscrire au registre des dépôts en faisant valoir que, d'une part, "un acte de quittance n'affecte pas la situation juridique de l'immeuble et n'entre pas dans le champ d'application des actes à publier au fichier immobilier et que, d'autre part, il en est de même de l'extinction du privilège de copartageant dont l'inscription n'a du reste jamais été demandée".

Mais Me S... conteste la validité de ce refus en invoquant la jurisprudence résultant de l'arrêt de cassation du 14 mars 1968 (bull. A.M.C., art. 734) où, à partir des articles 2199 du code civil, 34 du décret du 4 janvier 1955 et 74 du décret du 14 octobre 1995, il a été rappelé que "le conservateur des hypothèques ne peut refuser le dépôt d'un acte dont la publicité est requise, ou rejeter la formalité, que dans les cas limitativement énumérés par la loi".

Cet argument est-il pertinent ?

Réponse : Réponse négative.

En effet, dans l'arrêt susvisé du 14 mars 1968, la Cour de cassation a rappelé le principe de la légalité des refus et en a fait application. Plus précisément, après avoir constaté qu' "aux termes de l'article 37-2 du décret du 4 janvier 1955, les demandes en justice tendant à obtenir la réitération ou la réalisation en la forme authentique d'actes sous seings privés doivent reproduire ou comporter en annexe lesdits actes", la Cour suprême a décidé que " cette formalité n'est pas au nombre de celles énumérées par le législateur et dont l'inobservation permet au conservateur de refuser le dépôt ou de rejeter la formalité".

Aussi, en réalité, la décision invoquée par Me S... est-elle étrangère à la difficulté exposée dans la question et dont la solution ne dépend pas de la reconnaissance d'une cause légale de refus du dépôt. Il s'agit seulement de savoir si le document qui a été remis à notre collègue satisfait ou non à la condition d'entrer dans le champ d'application de la publicité foncière.

Cette condition, de toute évidence, est remplie par les demandes en justice dont il est fait état dans l'arrêt et qui, de nature immobilière par l'objet auquel elles s'appliquent (C. civ., art. 526), concrétisent les risques de révocation du titre de la personne qui, d'après les documents déjà publiés, apparaît comme étant le propriétaire.

Au contraire, en l'espèce, tant la quittance faisant preuve du paiement du prix de la licitation que la renonciation à un privilège de copartageant qui n'a pas été inscrit n'apportent aucun changement à la situation juridique de l'immeuble vendu.

Par suite, le document contenant ces dispositions ne pouvait être incorporé dans aucun des registres publics tenus dans un bureau des hypothèques . Dans la mesure, en particulier, où seule, l'exécution par l'acquéreur d'une obligation personnelle y est constatée, il ne supprime aucune charge qui, attachée à l'immeuble lui-même, eût pu être opposée à celui qui l'aurait acquis ou qui l'aurait grevé d'une sûreté réelle.

Nota : Rapprocher Bull. A.M.C., art. 1568 où, dès lors qu'il y était constaté l'extinction d'un droit d'hypothèque publié, le document remis au conservateur n'était pas étranger au champ d'application de la publicité foncière mais ne pouvait cependant être intégré dans aucun des registres publics.

Voir AMC n° 1717.