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Art. 1900


PROCEDURE
SALAIRES

TAXE DE PUBLICITE FONCIERE

Contrôle juridictionnel de la validité des refus de dépôt
Refus d'une inscription motivé par le défaut de paiement préalable de la taxe de publicité foncière réclamée par le conservateur

Juridiction civile incompétente pour se prononcer, dans le cadre de l’article 26 du décret du 4 janvier 1955,sur le bien fondé des droits réclamés par le conservateur préalablement à l'exécution de la formalité

Arrêt de la Cour d’appel de Versailles (Chambres civiles réunies) du 26 janvier 2006

Cette affaire a fait l’objet des articles 1812, 1826 et 1874 du Bulletin auxquels le lecteur pourra utilement se reporter.

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 24 mars 2000, avait confirmé une ordonnance du Président du tribunal de grande instance de Créteil annulant le refus du conservateur de publier un acte au motif que la taxe de publicité réclamée n’avait pas été préalablement versée. L’arrêt de cassation du 12 mai 2004, commenté dans l’article 1874 susvisé, a cassé cet arrêt, remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles.

Cette juridiction vient de rendre son arrêt, toutes chambres civiles réunies, le 26 janvier 2006. Les motifs et le dispositif de cette décision sont reproduits ci-après :

MOTIFS DE L'ARRÊT

Considérant que le premier juge a été saisi en la forme des référés par le C…. sur le fondement de l'article 26 du décret du 5 janvier 1955, 844 et 1702 bis du code général des impôts aux fins de voir prononcer l'annulation, avec toutes conséquences de droit, de la décision de refus de dépôt du 21 septembre 1999 opposé par le conservateur du 3ème bureau des hypothèques de C… à sa demande d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire à l’encontre de Monsieur et Madame L… pour un montant de 2 200 000 francs ;

Que l'article 26 du décret du 5 janvier 1955 tel que modifié par la loi du 6 avril 1998 dispose que "Lorsqu'un document sujet à publicité dans un bureau des hypothèques a fait l'objet d'un refus de dépôt ou d'un rejet de la formalité, le recours de la partie intéressée contre la décision du conservateur des hypothèques est porté dans les huit jours de la notification de cette décision devant le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les immeubles. Il est statué comme en matière de référé... " ;

Que le refus de dépôt pour défaut d'avance des droits de publicité foncière opposé au C… est expressément prévu et encadré par l'article 1701 du code général des impôts ;

Qui ne saurait, dès lors, contrairement à ce que celui-ci soutient, être considéré comme inopérant ;

Considérant selon ce texte, que les droits des actes sont payés avant l'exécution de l'enregistrement, de la publicité foncière ou de la formalité fusionnée, que nul ne peut en atténuer ni différer le paiement sous prétexte de contestation de la quotité ni pour quelque autre motif que ce soit, sauf à se pourvoir en restitution s'il y a lieu, le dépôt étant refusé à défaut de paiement préalable de la taxe de publicité foncière ;

Que dans cette hypothèse de refus opposé par le conservateur, la compétence que tire le juge des dispositions de l'article 26 modifié du décret du 1955 se trouve limitée au seul constat formel de paiement ou de refus de paiement ;

Qu'il n'entre pas dans ses pouvoirs de se prononcer sur le bien fondé des droits réclamés par le conservateur préalablement à l'exécution de l'inscription hypothécaire, un tel moyen ne pouvant fonder qu'une demande en restitution dans les termes de l'article 1701 deuxième alinéa qui relève du juge de l'impôt;

Que c'est, dès lors, en vain que le C… se prévaut des dispositions des articles 844 alinéa 2 et 1702 bis du code général des impôts relative à la dispense de taxe qu'il serait en droit d'obtenir ;

Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau, de débouter le C…. de toutes ses demandes et de déclarer bien fondé le refus opposé au C…. le 21 septembre 1999 par Monsieur P…, conservateur des hypothèques honoraire du 3éme bureau de C… ;

Considérant qu'aucune circonstance d'équité n'appelle l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Que les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge du C….

PAR CES MOTIFS

Statuant sur renvoi après cassation, en audience publique, solennelle, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de C…., statuant en matière de référé du 28 octobre 1999,

Statuant à nouveau,

Dit qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge, saisi sur le fondement des dispositions de l'article 26 modifié du décret du (sic) 1955, de se prononcer sur le bien fondé des droits réclamés par le conservateur du 3emc bureau des hypothèques de C…. préalablement à l'exécution de l'inscription hypothécaire,

Rejette, en conséquence, la demande formée par le C…. tendant à voir annuler, avec toutes conséquences de droit, la décision de refus d'inscription qui lui a été opposée par le conservateur le 21 septembre 1999 et dit celle-ci bien fondée,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne le C…. aux dépens de première instance et d'appel ….

Observations:

Cet arrêt de la Cour d’appel de Versailles (toutes chambres civiles réunies), qui reprend l’interprétation que la Cour de cassation avait donnée de l'article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 dans sa rédaction issue de la loi n° 98-261 du 6 avril 1998 au regard de l’article 1701 du code général des impôts, met un terme à cette affaire.

La cour d’appel, saisie comme cour de renvoi après cassation, se conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation et affirme avec force que le Président du tribunal de grande instance saisi sur le fondement de l'article 26 ci-dessus n'a pas compétence pour se prononcer sur le bien-fondé des droits réclamés par le conservateur.

Elle tire de ce principe, posé par la Cour de cassation dans son arrêt du 12 mai 2004, la conséquence que dans l’hypothèse de refus opposé par le conservateur pour ce motif, dont il est rappelé qu’il ne relève pas du droit de la publicité foncière proprement dit mais du droit fiscal, la compétence du Président du tribunal de grande instance se trouve limitée au seul constat formel du paiement ou de l’absence de paiement des droits liquidés par le conservateur dans sa mission d’assiette de l’impôt.

Pour les mêmes raisons, comme il a déjà été indiqué dans l’article 1874 du Bulletin, cette jurisprudence trouverait à s'appliquer dans les cas où c’est le salaire du conservateur qui serait contesté.

Annoter : Bull. AMC, art. 1812, 1826 e t 1874.