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ARTICLE 449

PUBLICATION D'ACTES.

1. Forme des actes. - Exploit d'huissier. - Copie sur formule spéciale signée par le requérant et non par l'huissier. - Refus justifié.
2. - Actes à publier. - Sommation en réalisation de promesse de vente.

ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS (1° ch.) DU 6 AVRIL 1959

La Cour,

Statuant sur l'appel interjeté par les époux Bertin d'un jugement du Tribunal civil de la Seine du 25 mars 1954 qui les a déboutés de leur action contre le sieur R..., action en paiement d'une somme de 1.000.000 de francs à titre de dommages-intérêts pour le préjudice qu'ils auraient subi du fait d'un refus de transcription;

Considérant que des faits de la cause, tels qu'ils ont été exactement rapportés par les premiers juges, il résulte que la dame Bertin, le 2 janvier 1952, a requis au deuxième bureau des hypothèques de la Seine la transcription d'un exploit de H..., huissier, en date du 26 janvier 1952, exploit par lequel les époux Bertin faisaient sommation aux consorts de C...-B... et à leurs mandataires d'avoir à se trouver, le 30 janvier suivant, à seize heures trente, en l'étude de M° C..., notaire à... pour y passer un acte authentique destiné à constater une vente d'appartement qui serait résultée d'un échange de lettres entre eux-mêmes acheteurs et le cabinet D..., mandataire desdits consort de C...-B..., vendeurs; qu'afin d'obtenir la transcription de l'exploit la dame Bertin a présenté l'original et une copie sur formule spéciale dont elle avait elle-même signé le certificat de collationnement; que R..., conservateur des hypothèques, a refusé la transcription au motif que le certificat de collationnement n'avait pas été signé par l'huissier lui-même, rédacteur de l'exploit; que le même jour a été transcrit dans le même bureau un acte constatant la vente par les consorts C...-B... à C... de l'appartement que les époux Bertin prétendaient avoir acquis des mêmes vendeurs;

Considérant que les époux Bertin demandent que le bénéfice de leur exploit introductif d'instance leur soit adjugé; qu'ils soutiennent à l'appui de leur appel que R..., aurait commis une faute en opposant un refus à la réquisition de transcription de la dame Bertin et que cette faute serait pour eux constitutive de préjudice en raison de la transcription de la vente des consorts C...-B... à C...;

Considérant que conformément aux dispositions de l'article 13 -I de la loi du 23 mars 1855, modifiée par celle du 24 juillet 1921, l'expédition d'un acte authentique destiné à être conservé au bureau des hypothèques doit être, à peine de rejet, certifiée exactement collationnée et conforme à la minute; que la certification de collationnement doit émaner de l'officier public, auteur de la minute et seul qualifié pour en délivrer expédition; qu'en l'espèce le certificat de collationnement figurant sur l'expédition de l'exploit aurait du être signé par l'huissier lui-même, auteur de l'acte et non par la dame Bertin; que d'ailleurs, l'article 13 précité, dans son paragraphe 6 relatif à la transcription de commandement aux fins de saisie immobilière, dispose que les copies doivent être certifiées par l'huissier et que c'est là l'application pour un acte déterminé du principe de la certification de collationnement par l'officier public lui-même lorsqu'il délivre une expédition d'acte aux fins de transcription;

Considérant dans ces conditions que R..., n'a pas commis de faute en refusant de transcrire;

Considérant au surplus que l'acte qui lui était présenté n'était pas en lui-même translatif de propriété immobilière ou constitutif de droits réels; que s'il contenait l'engagement des époux Bertin d'acquérir, il ne contenait pas celui des consorts C...-B... ou de leur mandataire de vendre; qu'ainsi et à défaut de transcription des actes exprimant l'échange des volontés entre vendeur et acheteur, le refus de transcription de l'exploit n'a pu être la cause d'un préjudice pour les époux Bertin;

Considérant en conséquence que leurs prétentions doivent être rejetées sans qu'il y ait lieu de recourir aux mesures d'enquête et de comparution personnelle qu'ils sollicitent à titre subsidiaire; qu'ils offrent de prouver plus particulièrement que leur demande de transcription aurait été antérieure à celle de C... mais que le fait ainsi offert en preuve n'aurait un intérêt que si R... en refusant de faire droit à la réquisition de la dame Bertin avait commis une faute; que celle-ci n'est pas établie, pas plus que le préjudice qui, aux dires des appelants, en serait résulté pour eux;

Considérant dans ces conditions que le jugement entrepris doit être confirmé;

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges que la Cour adopte :

Déclare les époux Bertin recevables, mais mal fondés en leur appel; En conséquence confirme le jugement entrepris et dit qu'il recevra son plein et entier effet;

Rejetant toutes autres demandes, moyens et conclusions comme irrecevables, inutiles ou mal fondés;

Condamne les époux Bertin aux dépens d'appel...

Observations I. - L'arrêt ci-dessus confirme le jugement du Tribunal civil de la Seine du 25 mars 1954. (Bull. A.M.C., art. 219). Comme le Tribunal, la Cour d'Appel décide que la copie sur formule spéciale d'un exploit d'huissier à transcrire ne satisfait pas aux dispositions légales lorsque le certificat de collationnement est signé, non par l'huissier rédacteur de l'acte, mais par la partie requérante elle-même.

Cette décision rendue à l'occasion d'une formalité requise sous l'empire de la loi du 23 mars 1855 conserve toute sa force à l'égard des formalités opérées depuis le 1er janvier 1956. En ce qui concerne la signature du certificat de collationnement, le décret n° 56-1183 du 15 novembre 1956. (Bull. A.M.C., art. 276; B.A. 1956-I-7310) est même plus précis que le décret du 28 août 1921 (Instr. n° 3708 ) qu'il a remplacé. La seule signature qu'il envisage, et dont il exige qu'elle soit manuscrite, est celle " de l'officier public ou ministériel ou de l'autorité administrative ou judiciaire " à l'exclusion d'un simple particulier (Rapp. égal. art. 1er du décret n° 55-1346 du 12 octobre 1955).

Par conséquent, actuellement comme par le passé, en cas de publication d'un exploit d'huissier, le certificat de collationnement ne peut être signé que par l'huissier rédacteur.

II. - Depuis le 1er janvier 1956, la question qui peut se poser est celle de savoir si un exploit de la nature, de celui dont le refus a fait l'objet de l'instance terminée par l'arrêt du 6 avril 1959 peut être publié, même, s'il est présenté sous une forme régulière.

Un tel exploit, portant sommation à l'auteur d'une prétendue promesse de vente de comparaître en l'étude d'un notaire pour constater la réalisation de sa promesse au profit du bénéficiaire, n'entre (en dehors des cas particuliers, prévus à l'art. 57-2° et 3° du décret du 4 janvier 1955, complété par l'art. 9 du décret n° 59-89 du 7 janvier 1959 où cet exploit est annexé à un procès-verbal de défaut ou à une déclaration notariée constatant la volonté du bénéficiaire d'exiger la réalisation de la promesse) dans aucune des catégories d'actes dont la publication est prévue à titre obligatoire ou facultatif par le décret du 4 janvier 1955, modifié par le décret n° 59-89 du 7 janvier 1959.

Il n'est cependant pas sans intérêt qu'une sommation de cette sorte soit publiée. Sans doute l'engagement d'acquérir contenu dans cette sommation, isolé de la promesse de vente, ne constitue pas le titre d'une mutation que sa publication rendrait opposable aux tiers. Mais la publication organisée par le décret du 4 janvier 1955 n'est pas exclusivement une formalité destinée à rendre les actes opposables aux tiers; certains actes, tels que les promesses de vente, peuvent également être publiés, à titre de simple mesure d'information des usagers (art. 37- 1 du décret). Or, s'il peut être intéressant pour les usagers d'être informés de l'existence d'une promesse de vente, il y a également intérêt à ce qu'ils aient connaissance d'une prétention à la réalisation d'une telle promesse.

En l'état, la question qui se pose au conservateur auquel est présentée une sommation tendant à la réalisation d'une promesse de vente est celle de savoir s'il est tenu ou non de refuser de publier tous actes autres que ceux qui ne sont pas assujettis ou admis à publicité par une disposition légale.

A cette question les décisions de jurisprudence n'ont pas répondu d'une manière uniforme : le président du Tribunal de Nice a approuvé le conservateur qui avait refusé de publier des actes non expressément visés au décret du 4 janvier 1955 (deux ordonnances des 4 octobre et 1er décembre 1958. (Bull. A.M.C., art. 441, 2° et 3° espèces), J.C.P. 1959- II - 11.060, v., dans le même sens ord. du président du Tribunal de Segré du 12 mars 1958, Bull. A.M.C., art. 328); par contre, le Tribunal de la Seine (jugement du 26 novembre 1958; Bull. A.M.C., art. 441, première espèce) a reconnu aux usagers la faculté de faire publier des actes dont la publication n'était pas prévue.

La solution est donc incertaine et, dans le doute, il paraît préférable d'accepter de publier.

Annoter : C.M.L., 2° éd. numéros 695 et 811