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ARTICLE 860

PROCEDURE.

Inscription prise par un rapatriée.
Radiation ordonnée par le Président de tribunal
en exécution de l'art. 6 de la loi du 6 novembre 1969.
Litige au sujet de l'exécution de la radiation.
Juge des référés incompétent.

ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BASTIA DU 4 JUIN 1971

Vu l'ordonnance du 28 octobre 1970 accordant mainlevée des mesures conservatoires prises par la Caisse Régionale de Crédit Agricole sur les biens ayant appartenus à la communauté Pérez-Ramos, ladite ordonnance autorisant également M Paoletti, notaire à Bastia, à se libérer entre les mains des consorts Pérez du prix de vente des biens hypothéqués.

Vu l'ordonnance du 30 décembre 1970 déclarant commune à l'Agent Judiciaire du Trésor l'ordonnance précitée.

Attendu que le Conservateur des Hypothèques de Bastia a refusé la mainlevée des hypothèques au motif que les consorts Pérez ne produisent pu de certificat de non appel.

Attendu que suivant exploit du 23 avril 1971, Ramos Arlette Anna, veuve Pérez, Pérez Geneviève Anna, épouse Huertas, Pérez Monique, épouse Bertrand, Pérez Nicole, épouse Battesti, Pérez Michèle, ont fait donner assignation à B... Louis.

Attendu que les demandeurs soutiennent que le certificat de non appel n'a pas à être exigé pour une simple ordonnance de radiation, l'article 548 du Code Civil ( 1 ) ne s'appliquant qu'aux jugements.

(1) Lire : Code de Procédure Civile.

Attendu que le défendeur réplique que l'ordonnance du 28 octobre 1970 visait deux points différents, mais que s'il n'a été fait appel que partiellement de cette ordonnance (la disposition visant la mainlevée n'ayant pas été appelée), l'ordonnance forme cependant un tout déféré à la Cour d'Appel.

Qu'une inscription hypothécaire, qui ne peut être rétablie après avoir été radiée, ne peut faire l'objet d'une mainlevée qu'en présence d'une décision définitive conformément aux dispositions de l'article 2157 du Code Civil.

Attendu qu'enfin, il souligne que le juge des référés qui a pour mission essentielle de rendre des décisions provisoires sans préjudicier au principal est incompétent pour statuer en la matière.

SUR CE

Attendu que la mainlevée d'une inscription hypothécaire est par définition une opération non provisoire ; qu'elle ne peut être en conséquence de la compétence du juge des référés telle que définie par l'article 809 du Code de Procédure Civile.

Attendu enfin que la présente action, tendant à la mainlevée d'une inscription dont le caractère définitif est contesté ne doit pas être confondue avec les mesures conservatoires régies par les dispositions de l'article 48 et suivant du Code de Procédure Civile.

Attendu que l'incompétence du juge des référés est d'ordre public.

Attendu qu'il importe peu que le sieur B. ne l'ait pas soulevée in limine litis.

PAR CES MOTIFS

Nous, Président du Tribunal de Grande Instance de Bastia, statuant en matière de référé,

Au principal, renvoyons les parties à mieux se pourvoir.

Nous déclarons incompétent.

Condamnons les demandeurs aux dépens.

Observations. - Dans leurs éléments essentiels, les faits de la cause sont les suivants:

Par une ordonnance du 28 octobre 1970, le Président du Tribunal de Grande Instance de Bastia a, en exécution de l'art. 6 de la loi n° 69.992 du 6 novembre 1969, sur les rapatriés (Bull. A.M.C., art. 784) ordonné la radiation d'une inscription.

Prétendant que cette ordonnance était exécutoire par provision, par application de l'art. 809 du Code de Procédure Civile, les intéressés en ont requis l'exécution immédiate. Le Conservateur leur a opposé un refus subordonnant la radiation à la production d'un certificat de non-appel, pour les motifs développés sous l'art. 783 du Bulletin (observations, § II).

En présence de ce refus, les débiteurs ont assigné notre collègue devant le Président du Tribunal de Grande Instance de Bastia pour qu'il lui soit enjoint de procéder à la radiation sur la seule production de l'ordonnance du 28 octobre 1970.

Le Président du tribunal n'était pas compétent pour connaître de cette demande.

D'une part, en effet, lorsqu'il statue en exécution des art. 806 et suivants du Code de Procédure Civile, le juge des référés ne peut rendre que des décisions provisoires. Il est dès lors incompétent pour prononcer la radiation d'une inscription hypothécaire qui a un caractère définitif, soit entre créancier et débiteur (V. Etude Masounabe-Puyanne, Le référé et la publicité foncière, J.C.P. 1963-I. 1794, n° 7 ; v. ég. Observ., § I, sous l'art. 783 du Bulletin), soit a fortiori entre les intéressés et le conservateur (Toulon, ordon. de référé du 15 mars 1964, Bull. A.M.C., art. 614 ; v. égal. Observ. sous l'art. 604 du Bulletin).

D'autre part, dans les cas où le Président du tribunal est expressément habilité à ordonner la radiation d'une inscription hypothécaire, soit par les art. 54 et 55 du Code de Procédure Civile, soit par l'art. 6 précité de la loi n° 69-992 du 6 novembre 1969, la compétence qui lui est ainsi conférée est exceptionnelle et doit être maintenue dans les limites que lui donnent les textes qui la prévoient. Elle permet seulement au Président d'ordonner la radiation des inscriptions visées, dans les relations entre créancier et débiteur ; elle ne l'autorise en aucun cas à connaître des litiges qui peuvent s'élever entre les intéressés et le conservateur au sujet de l'exécution de la radiation (Bull. A.M.C., art. 783, Observ., § III).

Par l'ordonnance du 4 juin 1971 reproduite ci-dessus, le Président du Tribunal de Grande Instance de Bastia s'est effectivement déclaré incompétent et sa décision ne peut qu'être approuvée.

On notera que, dans ses motifs, l'ordonnance observe " qu'une inscription hypothécaire, qui ne peut être rétablie après avoir été radiée, ne peut faire l'objet d'une mainlevée qu'en présence d'une décision définitive conformément aux dispositions de l'article 2157 du Code Civil ".

Il en résulte nettement que, si le Président avait été compétent pour statuer sur le fond du litige, il aurait décidé que c'est avec raison que le conservateur a subordonné l'exécution de la radiation à la justification du caractère définitif de l'ordonnance qui l'a prescrite (V. en ce sens : Ordonn. du Prés. du Tribunal de Grande Instance de Marseille du 18 avril 1969, Bull. A.M.C., art. 783 ; Ordonn. du Prés. du Tribunal de Grande Instance de Paris du 28 janvier 1971, Bull. A.M.C., art. 851).

Annoter : C.M.L. 2° éd., n° 1361-4°, 1372 et 2049 ; Jacquet et Vétillard, V° Jugement de radiation, n° 6, p. 372 ; 37, p. 412, et 43, p. 422.