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ARTICLE 1254

RADIATIONS.

Hypothèque judiciaire provisoire. - Radiation sur ordonnance de référé.
Ordonnance infirmée en appel. - Rétablissement de l'inscription.

Conformément aux conseils qui leur ont été donnés après, l'arrêt rendu, le 21 novembre 1978, par la Cour de Cassation (Bull. A.M.C., art. 1134, 1153 et 1236), les Conservateurs procèdent actuellement à la radiation d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire au vu d'une ordonnance de référé prescrivant cette radiation, même si cette ordonnance n'est pas encore passée en force de chose jugée.

Or, il arrive que la Cour d'Appel infirme par la suite la décision du juge des référés et ordonne le rétablissement de l'inscription radiée.

La question se pose, dès lors, de savoir comment, du point de vue matériel, l'inscription peut être rétablie et quels sont les effets juridiques ce rétablissement.

La situation créée par la radiation d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire au vu d'une ordonnance de référé infirmée en appel est semblable à celle qui a lieu quand la radiation a été opérée sur un arrêt de Cour d'Appel, que cette décision est annulée par la Cour de Cassation et que l'inscription radiée est rétablie par la Cour de Renvoi.

Or, dans cette dernière hypothèse, une jurisprudence unanime décide que l'inscription rétablie n'est pas opposable aux créanciers inscrits entre la radiation et le rétablissement de l'inscription, ni aux tiers ayant fait opérer des publications dans le même laps de temps, car l'inscription rétablie ne reprend son effet qu'à l'égard des créanciers inscrits avant la radiation (Cass. Civ., 26 janvier 1814, S. 1814-1-179 ; req,. 18 juillet 1838, D.P. 1838-1-358, S. 1838-1-1004; 9 décembre 1846, D.P. 1847-1-298, S. 1847-1-827; Civ. 13 avril 1863, D.P. 1863-1-196 ; S. 1863-1-297 ; req. 4 juillet 1864 S. 64-1-252 ; Civ. 26 juin 1895, D.P. 1896-1-548, S. 1896-1-481 ; 31 décembre 1895, D.P. 1896-1-481). Certes, ces décisions sont toutes intervenues sous le régime de publicité foncière antérieur au décret du 4 janvier 1955 ; mais elles semblent avoir gardé toute leur valeur depuis la publication de ce texte car les motifs de bon sens qui les ont inspirées n'ont pas varié.

En effet, une inscription radiée totalement n'est plus révélée dans les états délivrés aux usagers. Les tiers, dont les droits ont été publiés après la radiation, ont donc pu en ignorer l'existence. Au contraire, ceux qui ont fait publier leurs droits avant la radiation l'ont fait en toute connaissance de cause. Il est normal, dès lors, que l'inscription radiée puisse, après son rétablissement, leur être opposée.

Quant à ceux dont les doits sont postérieurs au rétablissement de l'inscription radiée, cette inscription leur est évidemment opposable puisqu'ils pouvaient également en avoir connaissance.

Reste le problème du rétablissement de l'inscription sur le plan matériel.

A cet égard, les avis sont partagés tant en doctrine qu'en jurisprudence. Sous l'emprise de la réglementation antérieure au 1er janvier 1956 où les mentions en marge des inscriptions procédaient d'une simple pratique, certains pensaient que le créancier devait requérir une nouvelle inscription car, du fait de sa radiation, l'inscription primitive avait été juridiquement anéantie en totalité (Cass. Civ. 26 juin 1895, D.P. 1896-1-548, S. 18991-481 ; Montpellier, 30 mai 1904, Jour. Ecom. n° 5787, Rev. Hyp. n° 3136 ; Aubry et Rau, cours de Droit Civil, 5 éd., t. 3, § 28 1 et note 41, p. 646 ; André, Traité du Régime Hypothécaire, n° 1807 ; Planiol et Ripert, Traité Pratique de Droit Civil, t. 13, n° 862). D'autres estimaient, au contraire, que l'inscription radiée pouvait être rétablie par la voie d'une simple mention en marge (Paris, 9 juillet 1892, D.P. 93-2-569, S. 95-2-137 ; Baudry-Lacantinerie et de Loynes, Privilèges et Hypothèques, t. 3, n° 1892, Précis Chambaz, Masounabe et Leblond, 2° éd., n° 928 ; Jacquet et Vétillard, V° Introduction, n° 58).

Et la question est devenue encore plus délicate depuis que le décret du 4 janvier 1955 a, consacré, dans son article 23, l'ancienne pratique des mentions en marge des inscriptions,. Il résulte, en effet, de cet article 23, repris à l'article 2149 du Code Civil, que peuvent être publiées en marge des inscriptions existantes toutes les modifications qui n'ont pas pour effet d'aggraver la situation du débiteur.

Or, une inscription revêtue en marge d'une mention de radiation totale n'est plus juridiquement " existante ". De plus, le rétablissement d'une inscription radiée est de nature à porter préjudice aux tiers ayant publié leurs droits après la radiation et, par voie de conséquence, à aggraver la situation du débiteur.

Quoi qu'il en soit, le Conservateur ne peut se faire juge de la solution à donner à la difficulté tant que la jurisprudence n'est pas définitivement fixée.

Il doit donc actuellement non seulement accepter d'inscrire une nouvelle hypothèque judiciaire provisoire, s'il en est requis par le créancier en vertu de l'ordonnance primitive qui a repris toute sa vigueur à la suite de l'annulation, sur appel, de l'ordonnance de radiation, mais encore ne pas se refuser à mentionner, en marge de l'inscription primitive, le rétablissement de cette inscription au vu d'une expédition de l'arrêt ayant annulé la radiation et ordonné le rétablissement de ladite inscription, même si le créancier ne prend pas, en même temps, une nouvelle inscription.

Bien mieux : Il est préférable, si seule une nouvelle inscription est requise, de mentionner cette nouvelle inscription en marge de l'ancienne sous la mention de radiation, qui y a déjà portée et de répercuter évidemment, alors, cette nouvelle mention sur la fiche de l'immeuble grevé.

Le Conservateur doit, en effet, être en mesure, dès qu'une nouvelle inscription d'hypothèque judiciaire a été prise à la suite de l'annulation d'une ordonnance de radiation, de révéler, dans les états requis par les usagers, non seulement cette nouvelle inscription, mais aussi l'inscription primitive qui est redevenue opposable aux tiers ayant fait inscrire leurs droits avant la radiation.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 928 ; Jacquet et Vétillard, V° Introduction, n° 57 et 58.

 Voir AMC n°1801.