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ARTICLE 1762

PUBLICITE FONCIERE

Effet relatif - Document dressé sans le concours du dernier titulaire du droit

Immeuble acquis par deux époux communs en biens

Vente par le liquidateur de la liquidation judiciaire de l’époux survivant

Question: Un notaire a déposé en vue de sa publication, un acte portant vente d’un immeuble par le liquidateur judiciaire dans la procédure de liquidation ouverte à l’encontre de Mme B...,veuve M..., qui exerçait la profession de transporteur routier à la suite du décès de son mari. Constatant, au moment de l’annotation du fichier immobilier, que l’immeuble appartenait à la communauté constituée par M. M..., décédé avant que la liquidation judiciaire soit prononcée, et son épouse, le conservateur a notifié au notaire rédacteur une cause de rejet pour " absence de titre pour partie ".

Contestant cette décision et se plaçant sur le terrain de la validité du document à publier, le notaire objecte au conservateur que le liquidateur était qualifié pour vendre l’immeuble dont il s’agit en vertu de l’article 815-17 du code civil, dès lors que la veuve était en état de liquidation judiciaire et qu’il existait dans cette liquidation des créanciers de l’indivision dont la créance était née avant le décès de M M ...

Compte tenu de cette argumentation, convient-il de maintenir le rejet ?

Réponse : Réponse affirmative.

La vente en cause est intervenue dans le cadre de la réalisation de l’actif de Mme Vve B... qui, alors qu’elle exerçait la profession de transporteur routier, a été mise en liquidation judiciaire par jugement d’un tribunal de grande instance statuant commercialement. Cette vente est celle de gré à gré prévue par les dispositions combinées du troisième alinéa de l’article 154 de la loi du 25 janvier 1985 et de l’article 138 du décret d’application du 27 décembre 1985.

L’acte la formalisant est donc l’un des documents spécialement envisagés au premier alinéa de l’article 36 du décret du 14 octobre 1955, parce que dressés " sans le concours du dernier titulaire du droit ", et qui ne sont pas tenus de contenir les références ( date, volume, numéro ) de la formalité donnée au titre du disposant.

Mais, pour ces documents aussi, selon les alinéas 2 et suivants du même article, le contrôle de l’exacte observation du principe de l’effet relatif énoncé aux articles 3 du décret du 4 janvier 1955 et 32 du décret du 14 octobre 1955 doit être opéré par le conservateur.

Ce principe subordonne l’exécution de la formalité de publicité foncière à la publicité préalable ou simultanée de l’acte, de la décision judiciaire ou de l’attestation de transmission par décès constatant le droit du disposant ou dernier titulaire. L’article 34 précité impose en effet au conservateur de s’assurer de la concordance du document déposé et des documents publiés depuis le 1er janvier 1956, tels qu’ils sont répertoriés sur les fiches personnelles ou les fiches d’immeuble, en ce qui concerne la qualité de disposant ou dernier titulaire au sens du 1 de l’article 32, de la personne indiquée comme telle dans le document déposé.

Au cas d’espèce, le disposant ou dernier titulaire est, ainsi qu’il a été jugé dans l’arrêt de cassation du 12 juin 1996 ( Bull. AMC art. 1765 ), celui qui figure au fichier immobilier, c’est à dire M. et Mme M...., alors que le disposant indiqué dans l’acte à publier est Mme M....

Dans ces conditions, sans entrer dans une discussion sur la validité dudit acte présenté, dont le conservateur n’est en aucun cas juge, et dès lors que la liquidation judiciaire n’a pas été prononcée à l’encontre de M. M..., mais de son épouse, il y avait une discordance et celle-ci ne pouvait pas être regardée comme supprimée par les précisions fournies dans l’acte, selon lesquelles " Monsieur M... est décédé ... sans qu’une attestation de propriété ait été dressée après son décès, le liquidateur pouvant poursuivre seul la vente sans le concours du conjoint survivant et des héritiers " . Par ces énonciations, en effet, la qualité de co-disposant n’a pas été formellement attribuée aux ayants-cause de M. M..., dont d’ailleurs les identités n’ont été ni révélées, ni certifiées.

Notre collègue, dès lors, ne pouvait que relever qu’il n’était pas fait une exacte application du principe de l’effet relatif et il devait, en conséquence, comme il l’a pensé, surseoir aux annotations du fichier et engager la procédure de rejet de la formalité.

Cette procédure ayant été menée à son terme, une nouvelle présentation ne pourrait utilement être faite qu’à la condition que soit ajouté à l’acte du 4 juillet 1997 un avenant dressé en présence des parties ( ou à la rigueur une attestation rectificative explicative établie par le notaire ) d’où il ressortirait clairement que les parties ont considéré que l’immeuble vendu n’était pas la propriété exclusive de Mme Vve M... et où les identités des propriétaires seraient déclinées et certifiées.

Si cette adjonction était faite et qu’aucune discordance n’était constatée entre le document déposé et ceux publiés depuis le 1er janvier 1956, le conservateur pourra, sans s’exposer à un risque anormal, incorporer cette vente au registre public.

En effet, le conservateur n’est pas juge de la validité et de l’efficacité des documents à publier. En particulier, il n’a pas à s’intéresser à la question de savoir si, en disposant des droits revenant aux héritiers et au conjoint survivant dans la propriété du bien vendu, le liquidateur excède ou non les pouvoirs à lui conférés dans l’ordonnance d’autorisation judiciaire de vente. C’est au notaire, et à lui seul, d’apprécier si le liquidateur a donné un consentement valable. Il appartient simplement au conservateur d’exiger qu’il ressorte clairement de l’acte qui lui est remis pour être publié quelles sont la ou les personnes dont le droit s’est trouvé, sans leur accord, transféré, et ce, seulement afin d’être en mesure d’assurer le contrôle de l’effet relatif.

Rapp: Bull. AMC, articles 493, 1216 et 1376.