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ARTICLE 990

RADIATIONS.

Justifications.
Dispense de production des pièces justificatives (C.C. art. 2158, 2° al.)
Conséquences.

(Rép. Min. Econ. et Fin., 31 mai 1974)

Question. - M. Giovannini expose à M. le Ministre d'Etat, Ministre de l'Economie et des Finances, que les termes de l'article 2158, alinéa 2, du Code Civil, résultant du décret du o8 septembre 1967, sont parfaitement explicites : " Aucune pièce justificative n'est exigée à l'appui de l'expédition de l'acte authentique en ce qui concerne les énonciations établissant l'état, la capacité et la qualité des parties, lorsque ces énonciations sont certifiées exactes dans l'acte par le notaire ou l'autorité administrative. " Or, messieurs les Conservateurs des Hypothèques se fondant sur les instructions en leur possession et se référant en outre à une précédente réponse donnée par vos services à M. Thorailler (1), considérant que les énonciations contenues dans l'acte de mainlevée et relatives à l'état, la capacité et la qualité des parties qui sont certifiées par le notaire sous sa responsabilité ne sauraient consister en une simple affirmation mais que ces énonciations doivent relater les actes, pièces et autres documents qui font la preuve à rapporter et, d'autre part, que, dans l'hypothèse où cette preuve n'est fournie que de façon incomplète ou imparfaite, le Conservateur personnellement responsable des radiations qu'il opère est fondé, sous le contrôle des tribunaux, à demander la production des justifications nécessaires à sa pleine information. Il en serait certes ainsi si le texte, au lieu de citer les énonciations, était ainsi libellé : " Aucune pièce justificative n'est exigée en ce qui concerne l'état, la capacité et la qualité des parties, lorsque le notaire certifie que lesdites pièces justificatives lui ont été représentées. " Mais, en l'état actuel du texte, il apparaît clairement et indiscutablement, à moins de trahir cette disposition aussi bien dans son esprit que dans sa lettre, que c'est bien l'énonciation faite par le notaire de l'état, de la capacité et de la qualité des parties et non l'énonciation des pièces justificatives qui dispense le Conservateur d'exiger lesdites pièces justificatives dont il était en droit de demander auparavant la production. En conséquence, il lui demande de veiller à l'application stricte du texte et de ne pas adopter une attitude qui contredit le sens et la portée de la réforme intervenue, le notaire qui certifie aux termes de l'acte l'état, la capacité et la qualité des parties étant en mesure de la faire, sans qu'il ait à en justifier auprès du Conservateur dont le rôle doit donc se borner, au vu des qualités ainsi exprimées et définies, à accomplir la formalité pour laquelle il est requis, les notaires ne pouvant en effet que se conformer aux textes législatifs sans avoir à se soumettre aux instructions de votre administration auxquelles se trouvent tenus malgré eux les Conservateurs, la prééminence devant être accordée à ceux-ci sur celles-là, à moins de changer le caractère fondamental de nos institutions.

(1) V. Bull. A.M.C., art. 823.

Réponse. - 1°L'article 5 de l'ordonnance n° 67-839 (et non pas d'un décret) du 28 septembre 1967 (2), a donné au second alinéa de l'article 2158 du Code Civil, une nouvelle rédaction qui a eu pour conséquence d'étendre à la puissance publique, à compter du 1er janvier 1968, une facilité réservée depuis le 1er Janvier 1956 aux seuls notaires. Mais, comme le montre le rapprochement des deux rédactions successives, le texte n'a subi aucune modification de nature à en altérer le sens et doit donc être appliqué dans les mêmes conditions qu'avant l'intervention de l'ordonnance susvisée. Or, dès l'entrée en vigueur de la réforme de la publicité foncière réalisée par le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, le Conseil Supérieur du Notariat et l'Association Mutuelle des Conservateurs des Hypothèques se sont concertés pour, notamment, retenir une interprétation commune de l'alinéa dont il s'agit. Les deux organismes ont reconnu que la réforme réalisée consistait " à remplacer la production des pièces justificatives par leur énonciation dans l'acte de mainlevée, certifiée exacte par le notaire rédacteur ", et que cet acte devait, dès lors, relater les pièces " qui font la preuve de l'état, de la capacité et de la qualité, pour consentir la mainlevée en cause de la partie intéressée " (§ VI de la note publiée au Bulletin du Conseil Supérieur du Notariat et au Bulletin de l'Association Mutuelle des Conservateurs, art. 241 de janvier-février 1956). Leur position rejoignait celle qu'avaient déjà adoptée certains auteurs (M L. Page, Le nouveau régime de la publicité foncière, n° 239, p. 72 et 73 ; MM. Chambaz, Masounabe-Puyanne et Leblond, Précis du droit et de la pratique hypothécaires, additions, n° 881 -A), et a été ultérieurement approuvée par les autres (J.C.P. La Semaine Juridique, édition N : M. H.Bulté, 1968, IV, 4424 et 1972, doctrine, 2509, n° 101 et 112 ; M. A. Précigout, formules 2537, in limine). L'administration, pour sa part, n'a été amenée qu'en 1966 à faire connaître son propre point de vue, conforme, au demeurant, à celui des organismes et auteurs précités (R.M.E.F. 31 décembre 1966, Journal Officiel, Débats de l'Assemblée Nationale, p. 5977). Il est, par conséquent, inexact de dire que les conservateurs et les notaires seraient contraints par des instructions administratives : les uns ne demandent aux autres que de suivre l'interprétation admise depuis près de vingt ans par les organismes représentatifs des deux professions. Cette interprétation, dont le bien-fondé a été de nouveau souligné en 1970 dans la réponse à M. Thorailler citée par l'honorable parlementaire, ne peut que continuer d'être retenue par l'administration, sous réserve, bien entendu, de l'appréciation souveraine des tribunaux, car elle respecte à la fois la lettre et l'esprit du texte. La rédaction du second alinéa de l'article 2158 est, en effet, claire et précise : le notaire est dispensé de la représentation matérielle des pièces justificatives à deux conditions, la seule à considérer ici étant que l'acte de mainlevée contienne des énonciations " établissant " l'état, la capacité et la qualité des parties. Ainsi l'acte ne doit pas seulement énoncer ces trois sortes d'éléments ; il importe qu'il renferme des énonciations qui les " établissent ", c'est-à-dire qui en fassent la démonstration. Quant à l'esprit du texte, il ne diffère pas de sa lettre la réforme a été de substituer à une preuve par la production de certaines pièces une preuve par la relation certifiée des mêmes pièces. Estimer que la réforme a eu (ou qu'elle aurait pu avoir) une portée plus ample serait méconnaître les rôles respectifs du notaire et du conservateur. Requérir une radiation est une chose et c'est le rôle du rédacteur de l'acte tant de constater authentiquement un consentement valable à mainlevée que d'apporter la preuve (de la façon ancienne ou de la nouvelle manière) que la demande de radier est formulée à bon droit. Rayer l'inscription est une autre chose et c'est le rôle du conservateur, maître de sa décision sous le contrôle des tribunaux, d'apprécier, en toute hypothèse, si les conditions d'une radiation régulière sont réunies et, dans la négative, de refuser de radier et d'exiger si besoin est des justifications complémentaires ; 2° Cela étant, il faut noter que la question examinée ne devrait se poser que dans les rares cas où il n'aurait pas été possible de faire en sorte que l'inscription disparaisse sans mainlevée ni radiation (donc sans frais), par le simple jeu de la péremption ; Or, pareille possibilité existe depuis le 1er janvier 1968, date de l'entrée en vigueur du nouvel article 2154 du Code Civil qui permet aux intéressés et à leurs conseils, à condition qu'ils en respectent et la lettre et l'esprit, de requérir chaque inscription avec effet jusqu'à une date très voisine de l'échéance ou de la dernière échéance de l'obligation garantie (ordonnance du 28 septembre 1967 précitée, art. 1er); 3° Quoi qu'il en soit, des représentants des conservateurs et des notaires cherchent actuellement à mettre au point, en liaison avec l'administration, des actes types de mainlevée correspondant aux situations les plus courantes : lorsque ces modèles, qui contiendront la liste et le texte des énonciations propres à établir l'état, la capacité et la qualité des parties dans les actes de mainlevée dont la rédaction ne pourrait être évitée, seront utilisés, la plupart des hésitations qui sont à l'origine des difficultés encore rencontrées en la matière se trouveront éliminées (Rép. Question écrite n. 4053 : J.O. 31 mai 1974, Déb. Ass. Nat., p. 2395-:2396).

Observations : V. les observations sous l'arrêt de la Cour d'Appel de Caen du 1er mars 1974 (Bull. A.M.C., art. 987). V. égal. art. 823.

Annoter : C.M.L., 2° d., n° 88 1 A (feuilles vertes) ; Jacquet et Vétillard, introduction, n° 75.

(2) Bull.. A.M.C., art. 698.

Voir AMC n° 1280, 1306.