Retour

ARTICLE 1020

SAISIES

I. - Péremption. - Publication émargée de la mention d'un jugement prorogeant le délai de l'adjudication. - Effet.
Absence de distinction selon que la prorogation est prononcée à titre principal ou à titre accessoire.

II. - Concours de saisies. - Première saisie émargée, plus de trois ans après la publication du commandement, d'un jugement prorogeant le délai de l'adjudication.
Publication du second commandement possible.

MENTIONS EN MARGE DES SAISIES.

Jugement prorogeant le délai de l'adjudication.
Mentions à effectuer même si elle est requise plus de trois ans après la publication du commandement.

ETATS HYPOTHECAIRES.

Saisies.
Publication du commandement émargée de la mention d'un jugement prorogeant le délai de l'adjudication.
A révéler dans les états même si la mention est inopérante parce qu'elle a été requise plus de trois ans après la publication du commandement.

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTAUBAN
DU 21 NOVEMBRE 1974

Faits. - Dans l'espèce soumise au Tribunal un commandement avait été publié pour valoir saisie le 14 octobre 1970·. Par la suite avaient été mentionnés en marge de cette publication, respectivement le 10 août 1971 et le 29 décembre 1971, deux jugements autorisant la reprise des poursuites et fixant une nouvelle date pour l'adjudication.

Considérant que les deux jugements mentionnés avaient eu pour effet de proroger le délai de l'adjudication, le Conservateur a estimé que la publication du commandement ne devait cesser de produire effet qu'à l'expiration d'un nouveau délai de trois ans qui avait pris cours à la date de la dernière des mentions (V. Bull. A.M.C., art. 728), soit le 29 décembre 1974. En conséquence, requis le 10 décembre 1973, de publier un nouveau commandement pour valoir saisie, il a, par application de l'art. 680 du Code de Procédure Civile, refusé de procéder à cette nouvelle publication.

La société " La Concorde ", créancière saisissante, a contesté ce refus, soutenant que le jugement mentionné le 29 décembre 1971 qui l'a autorisée à reprendre les poursuites ne saurait valoir comme jugement de prorogation, étant donné que cette prorogation n'avait pas été expressément demandée par elle.

Par son jugement du 21 novembre 1974, le Tribunal a écarté cette prétention.

" Attendu, porte cette décision, que le défendeur principal souligne avec une certaine pertinence que la Société " La Concorde " fait une distinction arbitraire entre le jugement reportant la date de l'adjudication et le jugement prorogeant le délai d'adjudication, distinction qui se heurte au texte clair et précis de l'article 694 qui, en visant " le jugement prorogeant le " délai d'adjudication ", paraît bien englober toutes les décisions judiciaires intervenues au cours de la procédure de saisie immobilière qui, à titre principal ou non, ont statué sur la date de l'adjudication et fixé celle-ci à une époque postérieure à celle qui résultait d'un précédent jugement ;

" Attendu par ailleurs qu'il a été admis qu'à compter de la mention du jugement de prorogation et à la condition que cette mention intervienne dans les trois ans de la publication du commandement, court un nouveau délai qui, à défaut de disposition légale expresse, est égal au précédent, soit trois ans ; que cette tendance est à rapprocher de la décision récente rendue par la Cour de Cassation qui a décidé qu'un jugement prorogeant le délai d'adjudication ne peut empêcher la péremption du commandement qu'à la date de sa mention en marge de la publication du commandement et n'emporte pas de plein droit prorogation du délai de trois ans (Civ. 3 oct. 1973 D - 1973 - 739) (1) ;

(1) Bull. A.M.C., art. 985.

" Attendu en définitive que le refus de publier a été motivé par le fait que l'immeuble saisi avait déjà fait l'objet d'un précédent commandement valant saisie, émargé notamment d'un jugement ayant reporté l'adjudication au 24 février 1972 ;

Attendu que le jugement du 25 novembre 1971 ayant été publié en marge du commandement le 29 décembre 1971, ce n'est donc au plus tôt que le 29 décembre 1974 que la péremption pouvait être encourue ; qu'il s'ensuit que la Compagnie " La Concorde " doit être déboutée de son action tendant faire juger que le commandement valant saisie du 7 octobre 1970 est périmé depuis le 14 octobre 1973 et que le Conservateur des Hypothèques de Montauban sera tenu de procéder à la radiation de ce commandement ;

Par ces motifs :

" Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, en matière ordinaire et après en avoir délibéré ;

" Dit et juge que M. le Conservateur des Hypothèques de Montauban n'avait pas à publier le commandement litigieux du 28 novembre 1973 qui est à la base de l'incident actuel ;

" Déboute la Compagnie " La Concorde " de sa demande tendant à faire prononcer la péremption du commandement valant saisie du 7 octobre 1970 publié le 14 octobre 1970, cette péremption ne pouvant en tout état de cause intervenir au plus tôt le 29 décembre 1974 et non à dater du 14 octobre 1973. "

Observations. - I. - Aux termes du 3° alinéa de l'art. 694 du Code de Procédure Civile, un commandement de payer publié pour valoir saisie cesse de produire effet si, dans les trois ans de sa publication, n'a pas été mentionné en marge de celle-ci, soit l'adjudication des immeubles saisis, soit un jugement prorogeant le délai de l'adjudication. La publication du commandement qui a cessé de produire effet est alors considérée comme périmée et n'a plus à figurer dans les états (Précis Masounabe - Puyanne, 2° éd., n° 1833 ; Jacquet, Traité des états,, n° 289 ; v. égal. Bull. A.M.C., art. 728).

La décision rapportée juge que, pour l'application de cette disposition, doit être considéré comme " un jugement prorogeant le délai de l'adjudication " toute décision de justice intervenue au cours de la procédure de saisie immobilière qui, à titre principal ou non, fixe la date de l'adjudication à une époque postérieure à celle précédemment prévue.

Elle précise, en outre, que, comme nous en avons déjà exprimé l'avis (Bull. A.M.C., art. 728), la mention d'un tel jugement en marge du commandement fait courir un nouveau délai de trois ans pendant lequel le commandement continue à produire effet. Jusqu'à l'expiration de ce délai, ce commandement doit être révélé dans les états et s'oppose à ce que soit publié un nouveau commandement signifié aux mêmes personnes et portant sur les mêmes immeubles.

II. - Un arrêt de la Cour de Cassation du 3 octobre 1973 (Bull. A.M.C., art. 985) a décidé que, pour que le commandement publié continue à produire effet après l'expiration du délai de trois ans suivant sa publication prévu au 3° alinéa de l'art. 694 du Code de Procédure Civile, lorsque cette publication est émargée de la mention de l'adjudication des immeubles saisis, il faut que cette mention soit antérieure à l'expiration du délai de trois ans.

Se référant à cet arrêt, le Tribunal de Montauban observe, bien que la question ne se pose pas dans l'espèce en cause, qu'il doit en être de même dans le cas de mention, en marge de la publication du commandement, d'un jugement prorogeant le délai de l'adjudication : il faut que cette mention soit requise dans les trois ans de la publication pour que le commandement continue à produire effet après l'expiration de ce délai.

En commentant l'arrêt du 3 octobre 1973, nous avons exprimé l'avis que lorsqu'il est appelé à publier une adjudication sur saisie, le Conservateur doit mentionner cette adjudication en marge de la publication du commandement, même si cette publication est antérieure de plus de trois ans à celle de l'adjudication. (Bull. A.M.C., art. 985). De même, à défaut de disposition qui lui permette d'opposer un refus (V. Cass. Civ., 14 mars 1968, Bull. A.M.C., art. 734), le Conservateur ne peut refuser de mentionner un jugement prorogeant le délai de l'adjudication en marge de la publication du commandement, même si cette dernière formalité remonte à plus de trois ans,.

Par ailleurs, émargée de la mention du jugement prorogeant le délai de l'adjudication, la publication du commandement est apparemment non périmée ; elle doit par suite être révélée dans les états quelle que soit la date de la mention portée en marge. C'est aux requérants, de ces états, informés de la date de la publication et de celle de la mention dont elle est émargée, qu'il appartient d'apprécier si le commandement a ou non cessé de produire effet.

Dans la rigueur des principes, on pourrait aussi considérer que l'existence, en marge de la publication d'un commandement, d'une mention de prorogation du délai de l'adjudication, même postérieure de plus de trois ans à cette publication, est de nature à motiver, par application de l'art. 680 du Code de Procédure Civile, le refus de publication d'un nouveau commandement.

Toutefois une telle attitude risquerait d'être génératrice de difficultés, alors que la position contraire est pratiquement sans risque.

D'une part, en effet, le saisissant, placé dans l'impossibilité de donner suite à la procédure par le refus de publier le second commandement, serait tenté de contester la légitimité de ce refus plutôt que de poursuivre la radiation amiable ou judiciaire de la première publication qui nécessiterait le concours ou la mise en cause de tous les créanciers, sommés.

D'autre part, il est certain, en présence de la jurisprudence de la Cour de Cassation, que la mention d'un jugement prorogeant le délai de l'adjudication en marge de la publication du premier commandement ne permet pas à ce dernier de continuer à produire effet au-delà de trois ans, à compter de cette publication, lorsqu'elle est requise après l'expiration de ce délai.

On croit, en conséquence, devoir conseiller aux collègues requis de publier un commandement pour valoir saisie, alors qu'un précédent commandement visant les mêmes parties saisies et portant sur les mêmes immeubles a été publié et que sa publication a été émargée d'une mention de prorogation du délai de l'adjudication plus de trois ans après cette publication, de ne pas opposer le refus prévu à l'art. 680 du Code de Procédure Civile.

Annoter : C.M.L., 2° éd., n° 790, 963 et 1833.

Voir AMC n° 1364, 1637.