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ARTICLE 1529

RADIATIONS.

Mainlevée judiciaire.
Compétence de la juridiction ayant ordonné la radiation.
Question étrangère aux attributions du conservateur.

Question : Par un jugement du 7 mars 1989, le tribunal de grande instance d'Annecy statuant en matière commerciale a, en application des articles 81 et suivants de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, arrêté le plan de cession totale d'une entreprise en situation de redressement judiciaire; mais ultérieurement, par un jugement rendu le 22 janvier 1991, le même tribunal s'est déclaré incompétent pour ordonner la radiation des inscriptions de privilège et d'hypothèque grevant un immeuble vendu dans le cadre de cette cession. Dans ce jugement de débouté, le demandeur, qui était l'administrateur au redressement, a été invité " à suivre la procédure d'ordre prévue par les articles 140 et suivants du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 ". Au reçu d'une expédition de ce jugement, notre collègue qui, à la suite d'une demande du Parquet, avait été assigné en déclaration de jugement commun, a remarqué que de la sorte et ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 145 du décret déjà cité, les mainlevées seraient prononcées par le juge aux ordres du tribunal d'Annecy et non, comme il est prescrit à l'article 2159 du code civil, par le tribunal de grande instance de Bonneville qui est celui " dans le ressort duquel l'inscription a été faite ". Aussi, est-il demandé s'il devrait refuser de radier en considérant que la loi l'emporte sur le décret.

Réponse. Réponse négative. En effet, la question de la compétence du juge ayant ordonné la radiation d'une inscription " est sans intérêt pratique pour le conservateur qui ne saurait encourir aucune responsabilité du chef de l'exécution d'une décision judiciaire. même émanant d'un tribunal incompétent, pourvu qu'elle soit passée en force de chose jugée " (" la mainlevée d'hypothèque ", par Jacquet et Vétillard. p. 374 ; cf. aussi dans le même sens Bull. A.M.C.. art. 385, 594. 910 et 1118).

Bien plus, c'est en appréciant la régularité des jugements qui leur sont présentés et en particulier en se fondant sur l'incompétence " ratione materiae " et à plus forte raison " ratione loci ", que les conservateurs risquent de se voir taxés de faire obstacle a des décisions judiciaires définitives et de supporter les conséquences, souvent fort onéreuses. attachées aux offenses faites à la chose jugée (cf. dans ce sens, l'arrêt de cassation du 10 juillet 1985, Bull. A.M.C., art. 1333).

La prudence ne peut donc, en l'espèce, que conduire à procéder aux radiations qui seraient prescrites par le juge aux ordres du tribunal de grande instance d'Annecy. sans s'interroger sur le point de savoir si les auteurs de l'article 145 du décret du 27 décembre 1985 étaient ou non habilités par le Parlement à déroger à la règle sus-rappelée énoncée à l'article 2159 du code civil.