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ARTICLE 1543

PROCEDURE.

Refus du dépôt.
Contrôle juridictionnel de la validité de la décision du conservateur.

Question : Pour éviter de recourir aux dispositions du chapitre V du titre XVIII du livre troisième du Code Civil qui traitent de la radiation et de la réduction des inscriptions, un notaire a imaginé plusieurs formules d'actes dont il requiert la publication sous forme de mentions en marge des inscriptions concernées. Se heurtant à des refus de publier et remarquant que le contrôle de la légalité des rejets de la formalité, organisé par l'article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, n'est applicable qu'à la situation expressément envisagée audit article (1), cet officier ministériel s'obstine à affirmer que les refus qui lui sont opposés ne sont susceptibles d'aucun recours juridictionnel. Il se prévaut de l'existence de l'immunité qu'il allègue pour se déclarer contraint de demander au tribunal de grande instance la condamnation de certains de nos collègues à l'amende civile et à la destitution, prévues l'une et l'autre à l'article 2200 du code civil ; il invoque la même raison pour en dénoncer d'autres au Parquet comme s'étant rendus coupables, en n'inscrivant pas les actes au registre des dépôts le jour de leur remise, du délit d'abus de confiance (Code pénal, art. 408) et même du crime de soustraction commis par un dépositaire public (ibid., art. 169). Que faire valoir pour tenter de persuader ce notaire en exercice qu'il n'a pas à recourir à de telles outrances pour faire juger les litiges ?

Réponse: A l'instar de tous les actes accomplis par un conservateur des hypothèques pour l'exécution des formalités civiles qu'il est chargé d'exécuter, les refus de publier visés dans la question sont soumis au contrôle de l'autorité judiciaire. S'il le lui est demandé et si les conclusions présentées à cette fin sont reconnues fondées, le tribunal de grande instance de la résidence administrative du défendeur ne manquera pas d'annuler la décision attaquée et d'ordonner l'apposition de la mention requise. De nombreuses décisions de justice ayant ce double objet ont été rendues, et continueront à l'être, dans des litiges nés de refus de radier des inscriptions (cf., en restant à des affaires venues en cassation au cours des dernières années, Cass. civ. 3e, 2 novembre 11978, Bull. A.M.C., art. 1091 ; 10 juillet 1985, art. 1332; 19 octobre 1988, art. 1416). Pour les autres formalités, le contrôle juridictionnel est évidemment le même: c'est ainsi que dans une affaire récente, dont l'épilogue a été l'arrêt de cassation n° 1720 D du 2 décembre 1992 (3e ch. civ.), il était demandé d'annuler le refus de publier un procès-verbal de remembrement rural et d'ordonner sa publication ; au cours de la procédure, ni les parties, ni le tribunal de Melun qui a enjoint de publier, ni la Cour de Paris qui a rétabli le refus (Bull. A.M.C., art. 1467), ni la Cour de Cassation qui a rejeté le pourvoi n'ont douté un seul instant que les juges du fond étaient compétents pour statuer. En réalité, la seule difficulté touche au point de savoir si un notaire, qui n'est qu'un intermédiaire, justifie de l'intérêt, qui doit être positif et concret, exigé par l'article 31 du nouveau code de procédure civile, ou si l'action ne peut être utilement exercée que par le bénéficiaire de l'inscription à émarger; mais si, pour ce motif, le recours n'était pas jugé recevable, le mandant interviendrait et l'obstacle serait levé.

(1) Voir Cass. civ. 3°, 30 mai 1978, Bull. civ. III n° 225, p. 171, Bull. A.M.C., art. 1132; cour d'appel de Versailles 14e, 30 juin 1989, D. 1990, p. 52).