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Art. 1857

PUBLICITE FONCIERE

 

 

Réversion d'usufruit
Nature juridique de la clause de réversibilité
Confirmation du revirement de jurisprudence opéré en 1997 par la Cour de cassation
Conséquences en matière de publicité foncière


Question : Un notaire fait état d'un nouvel arrêt de la Cour de cassation du 6 novembre 2002 pour contester, dans le cas d'une donation avec réserve d'usufruit réversible, la nécessité de produire une attestation notariée après le décès du premier usufruitier pour l'accomplissement d'une formalité subséquente.
Cet arrêt, qui considère, dès lors que la donation a été régulièrement publiée à la conservation des hypothèques, qu'imposer une telle attestation viole les articles 938 et 939 du code civil relatifs aux donations entre vifs, conduit-il à abandonner la position encore prise actuellement en matière de publicité foncière?

Réponse : Réponse affirmative.
Dans le dernier article consacré à cette question en 1999 (art. 1799), le Bulletin de l'AMC conseillait aux conservateurs de s'en tenir à la ligne de conduite définie antérieurement (cf. art 416, 633 et 1434 du Bulletin), c'est à dire le rejet de la formalité en l'absence de publication d'une attestation notariée après le décès du premier usufruitier, sauf mesure de tempérament si cette formalité emportait disparition du second usufruit (vente consentie conjointement par le donataire et l'usufruitier).
Cette position était motivée par le fait que très peu de temps après l'arrêt du 21 octobre 1997 de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation modifiant son analyse, intervenait en sens contraire un arrêt de la chambre commerciale (Cass.Com. 2 décembre 1997) laissant planer un doute sur le caractère définitif du revirement de jurisprudence (cf. art 1799 du Bulletin).
Deux arrêts de la Cour de cassation ( 3 octobre 2000 de la 1ère chambre civile et 6 novembre 2002 de la 3ème chambre civile ) reprennent dans les mêmes termes la qualification de la clause de réversibilité donnée par l'arrêt du 21 octobre précité, aux termes duquel " la clause de réversibilité de l'usufruit s'analyse en une donation à terme de bien présent, le droit d'usufruit du bénéficiaire lui étant définitivement acquis dès le jour de l'acte, seul l'exercice de ce droit d'usufruit s'en trouvant différé au décès du donateur ".
Dès lors on peut considérer que la jurisprudence étant désormais bien établie, il convient d'en tirer les conséquences en matière de publicité foncière.
La clause de réversion d'usufruit insérée dans une donation (ou une vente) n'étant plus qualifiée de "donation de bien à venir" constitutive d'une transmission par décès, il n'y a plus lieu au regard de l'effet relatif de la publicité visé par l'article 32 du décret du 14 octobre 1955, d'exiger une attestation notariée.
En effet, la publicité préalable constatant les droits du second usufruitier en tant que "disposant ou dernier titulaire" se trouve, selon la nouvelle qualification juridique, assurée par la publication de l'acte comportant la clause de réversibilité.
Le droit d'usufruit étant définitivement acquis dès le jour de la constitution de la réversion d'usufruit, le fichier immobilier devra être annoté en conséquence.
Il conviendra donc de porter, en application de l'article 4-1 alinéa 3 du décret du 14 octobre 1955, la formalité de réversion au nom du bénéficiaire de l'usufruit en second et, le cas échéant des autres bénéficiaires successifs (alors même que l'alinéa 5 indique qu'en cas d'usufruits successifs, seule est établie la fiche personnelle du premier usufruitier.), en précisant bien qu'il s'agit d'un droit dont l'exercice effectif est différé.


L'identité du bénéficiaire de la réversion d'usufruit devra donc être précisée dans les actes constitutifs et certifiée conformément aux dispositions de l'article 5 du décret du 4 janvier 1955.
Par ailleurs, et dans l'attente d'une prise de position de l'Administration sur la perception de la taxe de publicité foncière, on notera en matière de salaire que la clause de réversibilité constitue à elle seule une convention qui doit être mentionnée spécialement au fichier immobilier et dont la publication est susceptible d'engager la responsabilité du conservateur, ce qui suffit à justifier la perception d'un salaire distinct pour chaque usufruit réservé dans les conditions suivantes :
- réversion d'usufruit portant sur un bien propre à l'un des époux: évaluation de l'usufruit en second, compte tenu de l'âge du donataire au jour de l'acte;
- réversion d'usufruit portant sur un bien commun ou indivis: eu égard à la jurisprudence de la chambre civile de la Cour de cassation et de la publication immédiate de deux usufruits qui en résulte, il y aurait lieu de percevoir un salaire sur la valeur de chacun des deux usufruits transmis, évaluée au jour de l'acte compte tenu de l'âge de chacun des bénéficiaires. Toutefois il a été admis ( Bulletin art 1244 et 1386 ) que lorsqu'un acte renferme deux conventions conditionnelles et que c'est le même événement (en l'occurrence le décès) qui entraîne la réalisation de la condition pour l'une des conventions et sa défaillance pour l'autre, l'acte qui doit aboutir à une opération unique ne donne ouverture lors de sa publication qu'à un seul salaire. Celui-ci est alors liquidé sur la plus élevée des valeurs afférentes aux usufruits réversibles, compte tenu de l'âge du ou des donataires.