ARTICLE 1869
RADIATIONS
Liquidation judiciaire - Procédure d'ordre
Radiation prescrite par une ordonnance prise par le juge des ordres
en vertu de l'article 145 du décret n° 85-1388 du 27 décembre
1985
Radiation (oui)
Rappel des principes
Question : Un juge des ordres statuant dans le cadre d'une liquidation
judiciaire en vertu des pouvoirs à lui attribués par l'article
145 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 relatif
au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises
a ordonné la radiation de plusieurs inscriptions dans les termes
suivants:
" …Vu l'état de collocation et l'insertion au BODACC de l'avis
prévu par l'article 142 du décret n° 85-1388 du 27 décembre
1985,
Attendu que, par jugement rendu le … le tribunal de grande instance de
… a fait droit à la contestation de la collocation par …..,
Attendu que la collocation prévue dans le procès-verbal
de clôture tient compte de cette décision,
Vu l'article 145 du décret n° 85-1388 du 27 décembre
1985,
Ordonnons la radiation de toutes les inscriptions et de leur renouvellement
….
Disons que la radiation des inscriptions sera opérée conformément
aux dispositions de l'article 146 du décret n° 85-1388 du 27
décembre 1985… sur présentation d'une expédition
de la présente ordonnance et du procès-verbal de clôture
de l'ordre dressé par le liquidateur… "
Saisi d'une réquisition de radiation des inscriptions concernées,
le conservateur se demande :
1°/ dans quelles conditions il doit opérer la radiation et
notamment, si l'ordonnance doit relater explicitement l'accomplissement
des formalités prévues par le troisième alinéa
de l'article 145 du décret , relatives à l'envoi par le
greffier de la lettre recommandée avec accusé de réception
à tous les créanciers qui n'ont pas donné mainlevée
prévue par cet article, ou si le fait de viser cet article 145
est suffisant;
2°/ si, en application des dispositions de l'article 2157 du code
civil, il lui appartient de se faire justifier que l'ordonnance est en
dernier ressort ou passée en force de chose jugée.
Réponse :
1°/ La radiation doit être opérée si sont réunies
les conditions prévues par l'article 146 du décret n°
85-1388 du 27 décembre 1985. Cet article dispose notamment que
le conservateur procède à la radiation sur présentation
d'une expédition du procès-verbal de clôture de l'ordre
et de l'ordonnance du juge prononçant la radiation.
Concernant l'ordonnance du juge des ordres qui prononce la radiation,
elle constitue dans le cadre d'une liquidation judiciaire comme en matière
civile, une véritable décision de justice revêtue
de l'autorité de la chose jugée et à laquelle est
attachée, de ce fait, une présomption de régularité
qui interdit au conservateur de rechercher si elle est entachée
d'irrégularité ou si le juge qui l'a rendue a agi dans les
limites de sa compétence. Ce qui importe, ce sont les termes de
l'ordre de radier. Si celui-ci vise sans équivoque les inscriptions
profitant aux créanciers, qu'ils aient été colloqués
ou non, ces inscriptions peuvent être radiées (app. art.
1084 et 1193 du Bulletin).
Il importe peu dans ces conditions de se poser la question de savoir,
comme le fait le conservateur au cas d'espèce, si l'ordonnance
doit relater explicitement l'accomplissement des formalités prévues
par le troisième alinéa de l'article 145 du décret,
relatives à l'envoi par le greffier de la lettre recommandée
avec accusé de réception à tous les créanciers
qui n'ont pas donné mainlevée, ou si le fait de viser cet
article est suffisant. Dès l'instant que les termes de l'ordre
de radier sont parfaitement explicites et sans équivoque, le conservateur
doit s'y conformer et procéder à la radiation.
Il peut arriver cependant que l'ordre de radier ne soit pas pur et simple
et soit assorti d'une ou plusieurs conditions. Dans ce cas, quel que soit
le mérite des conditions mises par le juge à l'exécution
des mainlevées qu'il a ordonnées, le conservateur doit en
tenir compte et s'assurer de leur exact accomplissement avant de radier.
Tel était le sens de la solution retenue dans l'espèce évoquée
dans l'article 1657 du Bulletin. On remarquera
que dans l'espèce faisant l'objet du présent article le
juge a subordonné la radiation à la présentation
au conservateur de son ordonnance et d'une expédition du procès-verbal
de clôture de l'ordre établi par le liquidateur, conditions
qui sont précisément celles prévues par l'article
146 du décret et que, en tout état de cause, le conservateur
aurait été tenu de respecter.
Concernant le procès-verbal de clôture établi par
le liquidateur, il a été admis ( cf art. 1724
du Bulletin ) que lorsque, dans l'ordonnance remise au bureau, il n'est
pas fait référence à ce document, le conservateur
ne peut que considérer que, sans doute, il n'a pas été
dressé et, s'il n'est pas nécessaire à l'exacte compréhension
de ce qui a été jugé, qu'il peut ne pas l'exiger.
2°/ Dans les articles 1626 et 1724
du Bulletin, il avait été précisé que pour
satisfaire à l'exigence posée par l'article 2157 du code
civil, l'ordonnance de radiation devait avoir été prononcée
en dernier ressort ou être passée en force de chose jugée
et que dans la mesure où il n'était pas indiqué dans
l'ordonnance qu'il avait été statué en dernier ressort
il appartenait en principe au requérant de démontrer que
la décision de justice n'était pas susceptible de faire
l'objet d'une voie de recours ordinaire. Ainsi le défaut d'indication
du degré du ressort autorisait le conservateur, lorsqu'un certificat
de non-appel n'était pas produit, à demander au requérant
de démontrer qu'aucun recours ordinaire n'était susceptible
d'être exercé. Mais il avait été admis cependant,
eu égard aux réponses à des demandes ayant cet objet
émanant des conservateurs, selon lesquelles la décision
était rendue en dernier ressort et cette affirmation étant
généralement justifiée par les arguments rapportés
dans l'article 1724, que le conservateur pouvait
passer outre à la non-indication du degré du ressort.
Cette recommandation ne peut être que confirmée pour les
motifs suivants:
D'une part, l'article 146 du décret du 27 décembre 1985
ne renferme aucune injonction au conservateur d'avoir à s'assurer
préalablement à la radiation du caractère définitif
de l'ordonnance en vertu de laquelle la formalité est opérée.
D'autre part, en matière civile dans le domaine de la répartition
du prix lors de l'aliénation volontaire ou forcée d'un immeuble,
l'article 769 du code de procédure civile (ancien) dispose: "
Dans les dix jours, à partir de celui où l'ordonnance de
clôture ne peut plus être attaquée, le greffier délivre
un extrait de l'ordonnance du juge pour être déposé
par l'avocat au bureau des hypothèques. Le conservateur sur la
présentation de cet extrait, fait radiation des créanciers
non colloqués ". L'ordonnance du juge, comme on l'a vu supra
constitue un véritable jugement. On a longtemps discuté
sur l'interprétation de ce texte au sujet du rôle qu'il attribue
au conservateur des hypothèques en matière de radiation.
Mais on admet actuellement que l'extrait de l'ordonnance de clôture,
par cela même qu'il ne doit être délivré qu'après
l'expiration du délai au cours duquel l'ordonnance peut être
attaquée, porte en lui-même la preuve du caractère
définitif de la dite ordonnance et dégage ainsi la responsabilité
du conservateur. Cette solution s'applique au demeurant en toute hypothèse,
soit que l'ordonnance de clôture ait été rendue sans
contestation des parties, soit qu'elle ait été rendue en
exécution des décisions du tribunal ou de la cour d'appel
sur les contredits soulevés par les intéressés. En
cette matière, comme en matière d'ordre amiable, le conservateur
est donc l'exécuteur passif de l'ordonnance du juge-commissaire,
laquelle devient pleinement exécutoire à son égard
par le seul fait de la remise de l'extrait délivré par le
greffier (Jacquet et Vétillard, Traité de la mainlevée
d'hypothèque, Ordre, n° 21.)
La même argumentation peut être invoquée en matière
de redressement et de liquidation judiciaires, la seule différence
de procédure étant que dans ce domaine c'est le liquidateur
qui établit le procès-verbal de clôture de l'ordre
après que le juge a vidé le litige, alors qu'en matière
civile c'est le juge qui règle l'ordre en même temps qu'il
prononce la radiation. Le décret n° 85-1388 du 27 décembre
1985 dispose en effet dans son article 145 que " Le juge des ordres
statue sur les oppositions et ordonne la radiation des inscriptions"
et dans son article 150 que : "Dans les dix jours qui suivent l'expiration
du délai d'appel et en cas d'appel dans les huit jours de la signification
de l'arrêt, le liquidateur règle définitivement l'ordre
des créances contestées et des créances postérieures…"
Ainsi le liquidateur ne procède à la clôture de l'ordre
en établissant le procès-verbal de clôture définitif
que lorsque les litiges relatifs à ces contestations ont été
définitivement vidés. On remarquera à cet égard
que l'article 150 ne fait allusion qu'à la voie de recours ordinaire
de l'appel pour la raison que les jugements rendus au fond en cette matière
ne sont pas susceptibles d'opposition ( art. 762 du code de procédure
civile (ancien) applicable dans la procédure d'ordre en matière
de redressement et de liquidation judiciaires en vertu de l'article 148
du décret du 27 décembre 1985.)
En définitive, on peut en conclure que le conservateur qui procède
à la radiation des inscriptions en application de l'alinéa
2 de ce même article 146 respecte intégralement les dispositions
de l'article 2157 du code civil exigeant un jugement en dernier ressort
ou passé en force de chose jugée.
Rapp. art. 15, 1084,
1118, 1192, 1193,
1320, 1511, 1626,
1657 et 1724 du Bulletin.
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